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Je tiens à remercier les membres du conseil exécutif de l’ACRI, ainsi que le professeur Lorenzo Frangi qui m’a si aimablement présenté, de cette invitation à prononcer l’allocution en l’honneur de H.D. Woods qui, grâce à son enseignement à McGill et sa contribution aux politiques publiques, a profondément influencé le modèle canadien de relations industrielles

Mon allocution s’inspire de mon expérience et traite de ma réflexion sur la négociation collective, que j’ai longuement fréquentée et pratiquée à la Confédération des syndicats nationaux (CSN) en tant que négociateur syndical dans le secteur manufacturier au Québec et, par la suite, à titre de formateur et collaborateur auprès du Bureau international du Travail (BIT). Je ferai ressortir, à l’aide d’exemples que j’ai vécus, la nature et l’impact des mutations qui ont eu cours quant au rôle régulateur de la négociation collective, ainsi que sur les capacités délibérative et d’adaptation des syndicats. Je traiterai de ce sujet en trois temps.

Quand l’Histoire compte : les débuts d’un « apprenti » conseiller syndical

J’ai débuté comme conseiller syndical de la Fédération des travailleurs du papier et de la forêt (FTPF-CSN), au bureau de Clermont dans la magnifique région de Charlevoix. À mon arrivée, le président du syndicat attira mon attention sur une photographie du premier exécutif de 1937, particulièrement sur deux personnes, Monseigneur Félix-Antoine Savard, aumônier du syndicat, auteur d’un roman fort connu au Québec Menaud maître-draveur, et Lucien Gaudreault, travailleur à la papeterie, frère de Laure Gaudreault, fondatrice des syndicats d’institutric es à l’origine de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ). Tout à côté de cette photo, la « Charte » émise par la Confédération des travailleurs catholiques du Canada (CTCC, ancêtre de la CSN) et une reproduction de la page couverture de la première convention collective signée en 1945 avec la Donohue Brothers Limited. Cette page d’histoire syndicale, toute simple, mais toute riche; je ne l’oublierai jamais.

Le syndicat de Clermont venait tout juste de conclure sa convention collective « dans la suite des choses ». Le président en était fier. Le syndicat avait négocié un horaire de travail hebdomadaire de 37 heures et tiers, comparativement aux 42 heures en vigueur dans l’industrie papetière de l’est du Canada. C’était tout autant la fierté de la FTPF-CSN, puisque la plupart de ses syndicats affiliés avaient obtenu cet horaire à la suite de la grève dans trois papeteries de la Compagnie Price au Saguenay-Lac-Saint-Jean. Je n’étais pas près de revoir pareille avancée.

Premier moment Les années 1970, la revendication, c’est « l’affaire des syndicats »

Depuis les années 1950, la négociation dans l’industrie papetière suivait un « rituel », celui du « modèle de négociation d’un contrat-type » (pattern bargaining en anglais), tout comme dans l’industrie automobile, deux bastions du syndicalisme industriel qui exerçaient une influence considérable sur les conditions de travail. Dans « la suite des choses », le syndicat présentait ses revendications. Les employeurs s’en tenaient au modèle et ne soumettaient que rarement des demandes. L’important, pour eux, c’était de demeurer maîtres de l’efficacité. On peut donc dire que la revendication, c’était l’affaire des syndicats.

Par ailleurs, les représentants syndicaux et du service du personnel s’acquittaient de l’application des conventions collectives, encadrée par la procédure de griefs et d’arbitrage. Il fallait donc devenir bon technicien. Les problèmes pratiques qui se présentaient pendant la convention se réglaient lors des rencontres des comités d’intérêt mutuels et, ainsi, la paix industrielle était assurée.

En ces temps-là, la négociation collective était, dans le secteur du papier, tout comme dans l’ensemble du secteur manufacturier, une affaire d’hommes. C’est seulement en 1976, que la FTPF embaucha Monique Simard[1], qui allait devenir, plus tard, Vice-présidente de la CSN. Son arrivée intrigua — le mot n’est pas trop fort — le club des gérants de personnel. Que venait faire une femme dans ce monde d’hommes? Alors qu’elle proposait une clause de congé de maternité — une première dans cette industrie —, un représentant de l’employeur argumenta qu’il n’en voyait pas l’utilité; selon lui, après tout, la maternité constituait une « décision individuelle sans rapport avec le travail et l’entreprise ». C’était mal la connaître : elle ne lâcha pas — au passage elle était alors enceinte —, il fallut bien négocier et le syndicat eut gain de cause.

Ce modèle, en apparence stable, n’échappait toutefois pas au conflit. La résistance ouvrière n’était jamais bien loin. Voici trois exemples pour illustrer mon propos :

  1. En 1973, une centaine de syndiqués d’une papeterie de Joliette filiale de la US Gypsum, membres de la CSN, firent grève pendant 22 mois pour la reconnaissance de leur syndicat et de leur ancienneté. Cela n’assouplira pas l’US Gypsum, la compagnie sera toujours hostile au syndicat et méprisante, tout autant pour les représentants que le conseiller du syndicat[2]. Cette lutte, ainsi que celles des travailleurs de Firestone et de United Aircraft auront une influence déterminante sur les rapports collectifs du travail, car elles seront à la source des « Dispositions anti-briseurs de grève » adoptées par l’Assemblée nationale du Québec en 1977;

  2. Fin 1974, en l’espace de quelques mois, j’ai appris à la dure, lors de trois grèves « illégales », ce qu’est un « conflit » : premièrement, à le résoudre; et, surtout, j’insiste, sur la façon de délibérer dans les instances syndicales dans des moments de fortes tensions;

  3. À l’initiative des trois centrales syndicales (CSN, FTQ, CEQ), des centaines de syndicats locaux rouvrirent, en 1974, leurs conventions collectives pour faire face à la forte hausse de l’inflation, avec succès. En 1975, le Parlement du Canada adopta la Loi visant à contrôler les salaires et les prix, limitant ainsi la libre négociation collective.

En bref, ce rituel de la négociation collective n’était pas aussi robuste qu’on pouvait le croire pour garantir la paix industrielle : il n’altérait pas, fondamentalement, les rapports entre les employeurs et les travailleurs.

Deuxième temps Un tournant, la revendication patronale s’impose dans la négociation collective

On peut retenir trois évènements qui expliquent ce tournant majeur dans les années 1980, alors que la revendication passa dans le camp des employeurs:

  • la crise aigüe de l’emploi dans le secteur manufacturier au Canada, une des plus dures depuis la Grande Crise des années 1930, provoqua une véritable saignée dans le secteur privé;

  • la désastreuse négociation du secteur public québécois de 1982[3]. En décrétant les conditions d’emploi sur fond de récupération salariale, l’État envoya aux employeurs un message fort et puissant : les concessions, ça marche, il faut prendre les moyens!;

  • la négociation « concessive » des UAW dans le cadre de la faillite de Chrysler en 1979, suivie par Ford et GM, première brèche dans ce qu’on appelait, depuis le début des années 1950, le « Pacte de Détroit », un compromis sous forme de réciprocité, qui comprenait, d’une part, la garantie d’un mécanisme d’ajustement des salaires afin de maintenir et améliorer le niveau de vie et qui prévoyait les mécanismes de protection sociale (chômage technique, assurances et retraite) des salariés, contre, d’autre part, la confirmation à la direction de l’exclusivité de son droit de « conduire ses affaires ».

Les suppressions d’emploi se multipliaient : non seulement, la modération salariale était à l’ordre du jour, mais, de plus, les employeurs remirent alors en cause le modèle et les règles de l’organisation du travail. Le discours se focalisa sur la concurrence internationale et son corollaire, c’est-à-dire le besoin « d’innover », d’être plus flexible afin d’accroître la productivité. Dans cette veine, le gouvernement du Québec créa un Institut national de la productivité. Les appels à la concertation patronale-syndicale se multiplièrent : après tout, n’étions-nous pas dans le même bateau. La question se posait, ne s’agissait-il là que d’une mode passagère ?

En 1984[4], la direction de Marine Industrie, exigea ce qu’elle appelait de la « souplesse » afin de modifier radicalement les « frontières » entre les métiers et récupérer le plein contrôle sur le déploiement de l’effectif et, conséquemment, sur son niveau. Au terme d’une grève de onze mois — menée par une solide équipe de négociation et avec l’appui d’un mouvement de solidarité à toute épreuve —, et après plusieurs tentatives de médiation, cette question au coeur du conflit fut soumise à un comité d’experts présidé par Marcel Pepin, ancien président de la CSN, alors professeur à l’Université de Montréal[5].

Dans le même ordre d’idée, les employeurs de l’industrie papetière se mirent de la partie, sous le thème de la polyvalence dans le but d’augmenter l’efficacité, en éliminant les « temps morts » grâce aux « compétences multiples » (en anglais multi-skilling/tasking) et au travail d’équipe (teamwork en anglais), pratiques largement répandues dans les usines américaines. Pour s’en convaincre, une entreprise organisa une délégation mixte afin de rencontrer, aux États-Unis, les partenaires UAW et GM de l’usine Saturn, réputée être à l’avant-garde.

Dès lors, pour les syndicats, la protection de l’emploi devint prioritaire; cela s’avérait être la contrepartie nécessaire dans le but de régler l’enjeu de la réorganisation du travail.

Que retenir de ce moment?

Le compromis social, établi au moins depuis les années 1950 qui s’appuyait sur le lien entre la prestation de travail effective et le salaire, a donc changé de registre. Il migre vers un compromis mettant en relation l’emploi et la productivité[6]. Cela s’avéra une relation complexe, opposant les intérêts des syndicats et des employeurs, car celle-ci redéfinissait les compétences des salariés et les rapports de travail dans le milieu de travail et elle a eu un impact considérable sur le niveau d’emploi. La posture syndicale de négociation devint défensive, voire plus risquée, puisque le compromis s’élaborait sur les positions patronales et la récupération de leur droit de gérance. Le prix à payer en terme d’emploi était élevé, tant sur le plan de la quantité que sur celui du contrôle de la prestation de travail. La perception et l’acceptabilité de cette transformation rendaient déchirant le compromis syndical, c’était en fin de compte une question de légitimité. À la limite, ça encourageait des stratégies patronales de type « imposition » (en anglais forcing).

troisième temps Le partenariat s’invite dans les relations du travail, un « changement de discours radical »

En avril 1991, la société Aciers Atlas, qui possédait une aciérie à Tracy, et le Syndicat des Aciers Atlas affilié à la CSN concluaient une convention collective d’un « genre nouveau »[7].

Peu après, les entreprises du secteur des produits forestiers s’intéressèrent vivement à ce modèle de « contrat social », surtout parce que sa durée les plaçait sur un pied d’égalité avec leurs concurrents américains. Au-delà de cet intérêt un peu bancal, leur discours proposait que les syndicats locaux s’impliquent à fond pour devenir partenaires, afin que leur usine devienne de classe mondiale. Je me souviens qu’un employeur nous avait affirmé : « qu’une usine de classe mondiale nécessitait une organisation du travail de classe mondiale et une convention collective de classe mondiale », ce à quoi, je lui avais rétorqué : « Et j’imagine que vous voulez aussi un syndicat de classe mondiale! ». Cet appel à la coopération, ou ce partenariat, va alors devenir une condition nécessaire « pour que la compagnie décide d’investir dans ses usines ». En fin de compte, chaque syndicat local devenait, en quelque sorte, le concurrent de l’autre. On entrait dans une ère de « restructurations et de réorganisations permanentes » où se succédaient les ententes pour s’y adapter. Mais était-ce bien de la « négociation permanente »?

Finalement, trois ans plus tard, le Code du travail fût amendé pour éliminer la durée maximale d’une convention collective. Cela en était pratiquement fait de l’innovation : elle ne fera pas long feu. Les employeurs avaient obtenu le genre de paix industrielle qu’ils souhaitaient depuis longtemps, seuls quelques syndicats furent capables de surmonter cette nouvelle donne et protéger adéquatement l’emploi.

Que faire?

Afin de renforcer l’expertise des équipes de négociation, la FTPF prépara des lignes directrices sur la flexibilité[8] et, dans un deuxième temps, proposa un modèle de préambule pour convenir des principes de coopération patronale-syndicale et de transparence sur les activités et les résultats de l’établissement et de la société[9]. Ajoutons que plusieurs syndicats s’engagèrent dans des coalitions locales pour faire la promotion de la pérennité de leurs usines[10].

Quand la négociation devient « raisonnée »

Débutons par un rappel historique. Au début des années 1980, l’Alcan avait invité Roger Fisher, professeur à la Faculté de droit de Harvard, afin de former à la « négociation intégrative » les cadres supérieurs et la direction syndicale de son usine d’Arvida[11]. Ce processus de négociation était alors pratiquement inconnu au Québec. Popularisée sous l’appellation de négociation « raisonnée », cette approche fut accueillie avec scepticisme par bien des négociateurs syndicaux. Pour un, Marcel Pepin, négociateur syndical réputé, alors professeur à l’École de relations industrielles, ne le prenait tout simplement pas. Que sous-entendait ce terme? Que faisaient les négociateurs depuis des décennies, sinon raisonner pour régler des problèmes en faisant valoir leurs arguments ?

Malgré ces réserves, « l’idée » fit son chemin : en voici un exemple. À la papeterie d’Alma, en 1993, le syndicat CSN et la direction de l’usine avaient convenu de conclure, avant l’expiration de la convention, une entente de longue durée, et pour ce faire, de recourir au processus de « négociation raisonnée », au terme d’une formation conjointe. La convention collective fut revue, modifiant en profondeur l’organisation du travail par la mise place d’équipes semi-autonomes de travail, la réduction des paliers hiérarchiques, l’introduction d’un mécanisme de rémunération variable et la gestion ordonnée et planifiée des réductions de personnel. Depuis, ce processus fut souvent utilisé lors du renouvèlement de la convention collective où pour introduire des changements organisationnels et technologiques.

La recomposition de la relation pose des dilemmes

Cette recomposition de la relation patronale-syndicale, à l’initiative des employ-eurs, a posé des dilemmes aux équipes syndicales. Jusqu’où pouvait et surtout devait aller le partenariat? Comment faire pour ne pas être à la remorque d’un discours qui reflétait des valeurs néolibérales dans un contexte de restructurations quasi permanentes? Comment baliser la coopération afin de préserver l’autonomie du syndicat? Quel « distance critique » maintenir? Quel processus de négociation adopter? Quels compromis pouvait-on inventer pour « gérer » et protéger l’emploi? Jusqu’où expérimenter?

Que retenir de cette période?

  • Les syndicats sont fortement sollicités, non seulement sur l’organisation du travail et la gestion de l’emploi, mais également par le discours patronal centré sur l’idée de participation et de coopération sur un projet d’entreprise qui leur est, en quelque sorte, étranger;

  • Une autre forme de convention collective appelée « contrat social » apparait, mettant en relation la sécurité d’emploi et l’investissement. Certes prometteuse quant à son impact sur les relations de travail, elle fût, dans les faits, éphémère puisqu’elle a permis essentiellement de déplafonner la durée des conventions collectives.

Mon expérience de la coopération technique au BIT

Avant de terminer, j’aimerais partager quelques brèves réflexions sur mon expérience de coopération technique avec l’Organisation internationale du Travail (OIT) sur la négociation collective, qui a débuté en 2006, alors qu’un premier mandat de formation m’était confié au Maroc.

En premier lieu, l’OIT approche la négociation collective sous son aspect normatif dans le cadre général du dialogue social : c’est le propre de sa mission. Par ailleurs, l’OIT, dans ses programmes de coopération technique, s’intéresse tout autant à promouvoir les conditions nécessaires, en d’autres mots les capacités des acteurs, afin que la négociation et la délibération renforcent l’effectivité du dialogue social[12].

La coopération technique vise notamment :

  • à appuyer les pays membres pour qu’ils se conforment à leurs obligations prévues aux normes internationales;

  • à contribuer à promouvoir et renforcer l’effectivité des normes;

  • à transférer les connaissances et l’expertise acquises par les pays industrialisés et les pays en voie de développement ou émergents.

Par principe et par expérience, je suis convaincu qu’il faille éviter à tout prix de « prêcher » la bonne nouvelle en faisant valoir la supériorité d’un modèle ou d’un processus de négociation par rapport à un autre : il faut plutôt en montrer tant les limites que les éléments porteurs. Les techniques doivent avant tout servir à renforcer les relations professionnelles et les capacités des acteurs, elles ne doivent pas servir à porter de jugement, ce qui parfois n’est pas simple, convenons-en. Une bonne dose d’humilité s’impose.

Trois exemples de coopération technique

Au Maroc, un programme de formation portant sur la négociation et l’application du Code du travail de 2003 fut offert à de jeunes syndicalistes de quatre organisations. Cette formation fut préparée et donnée en collaboration avec les responsables des syndicats locaux et d’experts nationaux. Bien qu’il n’y ait que très peu de conventions collectives dans ce pays, les partenaires sociaux ont cependant développé la négociation de protocoles d’accord et de chartres sociales — qui n’ont pas bien sûr la valeur d’une convention —, mais qui, à leur manière, codifient non seulement les rapports collectifs, mais aussi plusieurs conditions d’emploi, de travail et de services sociaux.

En Géorgie, en 2012, la coopération technique a consisté à intervenir dans une structure tripartite afin de réviser en profondeur le Code du travail, à la suite de plaintes de la Confédération syndicale internationale et des recommandations de la Commission d’experts sur l’application des conventions et des recommandations de l’OIT. Le tout fut suivi d’un programme de formation en médiation et en négociation.

En Jordanie, dans le cadre du programme « Better Work », un mandat de coopération technique nous fut confié afin d’offrir aux acteurs patronaux et syndicaux tant la formation que l’appui technique dans le cadre de la négociation d’une convention collective sectorielle dans l’industrie du vêtement. Et, en 2017, celle-ci en était à son troisième renouvèlement, ce qui est remarquable [13].

Cet engagement ouvre les horizons et amène à la réflexion. Jusqu’à quel point, mon expérience sert-elle aux acteurs? Quelle approche d’apprentissage s’avère nécessaire pour ne pas faire preuve « d’impérialisme » ou être un « messager de la bonne nouvelle »? Autant de questions qui conduisent à offrir des solutions adaptées afin d’encourager la délibération entre partenaires sociaux et proposer des mécanismes institutionnels qui respectent tant les normes internationales du travail que les institutions nationales. Il s’agissait là de tout un changement de perspective par rapport au travail syndical que j’avais connu.

En conclusion

Premièrement, il faut se rappeler que ce sont les syndicats qui sont « demandeurs » de négociation collective. C’est justement à cause de leur mission fondamentale de représentation collective des intérêts des salariés et du développement de leurs capacités que la négociation collective a acquis son sens et sa légitimité. C’est ce que j’ai compris du message que m’avait livré le président du syndicat de Clermont en ce matin de janvier 1974. La négociation collective n’est pas qu’une simple « affaire », un exercice technique, un processus. J’insiste, cela doit surtout être un « lieu de délibération » qui se construit dans le temps et qui vise à plus de justice et de respect.

Deuxièmement, la négociation collective est loin d’être un chemin « tranquille ». De la primauté de la revendication syndicale, aux exigences des employeurs, puis aux relations du travail plus coopératives, cette trajectoire montre bien qu’il s’agit, tout au contraire, d’un chemin difficile et risqué où se côtoient fermeté et souplesse. On ne peut ni ne doit fuir le conflit. Néanmoins, on peut tenter de le maitriser autant que possible.

Troisièmement, il est essentiel, ou plutôt fondamental, que les syndicats préservent leur autonomie quant à leur orientation et leur action. Pour le dire plus explicitement, il faut éviter de verser dans la dépendance. Car, en définitive, cette autonomie n’est-elle pas est une condition essentielle si l’on veut établir un équilibre entre les parties?

Quatrièmement, la négociation se nourrit avant tout des délibérations entre les travailleurs et leurs représentants élus : ceci est très précieux, voire essentiel. Pour mieux me faire comprendre, reportons-nous au film sur la négociation collective produit en 1985 par l’Office national du film du Canada, Final Offer[14]. Au moment où Bob White « essuie les foudres » de quelques représentants locaux en profond désaccord tant avec la stratégie du syndicat que sur le fond de la négociation, il y a une scène intense : White écoute, il n’encaisse pas, mais sa réponse est ferme et claire, elle rallie l’équipe de négociation sans exclure ceux qui sont en désaccord. C’est un exemple de délibération démocratique. Et comme les syndicats demandent davantage d’espaces de délibération, ils ont tout avantage à être exemplaires à cet égard.

Pour terminer, deux brefs commentaires sur la situation actuelle. 1- L’on observe un fort mouvement de décentralisation de la négociation vers le niveau de l’entreprise et de la catégorie professionnelle, notamment dans le secteur public. Par contre, l’on remarque que la négociation sectorielle fait son chemin particulièrement dans le secteur de l’hôtellerie[15]. 2- Or, la négociation collective, au sens classique durant l’Après-Guerre, a été un moteur du progrès social et économique, elle a souvent précédé la législation, par exemple sur les congés parentaux, l’équité salariale, la santé et sécurité. Ce mouvement de décentralisation de la négociation, par la prééminence de son caractère instrumental de régulation se rapportant aux rapports immédiats entre les travailleurs et leurs employeurs dans l’entreprise fait que ses résultats sont difficilement « exportables », ni souhaitables, dans certains cas. Cela en limite donc la portée. On ne peut pas renier ce que nous avons fait, mais il faut être conscient que ce nouveau « positionnement » ne permet plus d’exercer autant d’effet d’entrainement au plan social et économique. C’est une limite au prolongement de l’action syndicale, et ce, d’autant plus que dans le cas de notre modèle canadien de « dialogue social », on ne peut pas dire qu’il soit très robuste au niveau institutionnel. Ainsi, je crois qu’il serait nécessaire que les organisations syndicales privilégient de renforcer leurs liens de solidarité, en premier lieu entre elles, et en s’associant avec d’autres organisations partageant des valeurs fondées sur la solidarité, qui regroupent et représentent réellement les travailleurs qui n’ont pas accès ou ne peuvent accéder à la représentation syndicale.

Sommes-nous mieux aujourd’hui qu’en 1974? On peut répondre oui, si l’on pense à la forte diminution de la conflictualité depuis les années 1980 et aux quelques avancées réalisées dans bon nombre de conventions. Mais ceci ne veut pas dire que le conflit n’est jamais très loin, je l’ai appris dès mes tout débuts. Il est toujours d’actualité comme en témoigne la série de lockouts dans le groupe Québecor et ceux, plus récents, aux alumineries d’Alma et de Bécancour.

En effet, il faut se rappeler que les enjeux de la négociation ne sont pas toujours « utilitariens » ni se réduisent à une simple question « d’intérêts » ou de « deal making ». Ils sont, avant tout, une question de justice et de respect. Je persiste donc à croire que la négociation collective n’est pas un chemin tranquille et qu’elle doit répondre de ses résultats, conscient que le conflit comme source de légitimité syndicale n’est pas chose du passé. Ni le mouvement syndical ni le négociateur syndical ne peuvent l’écarter de leur pratique et, j’ajoute, de leur conscience.

Pour emprunter le titre d’un ouvrage bien connu de Pierre Vadeboncoeur, syndicaliste, philosophe et essayiste d’une rare envergure, je crois que l’action syndicale n’échappe pas à ce qu’il appelle La ligne du risque[16]. Car, en définitive, le négociateur syndical, de par la nature de sa tâche, doit savoir naviguer à travers cette ligne du risque, ce qui l’amène à se questionner sans complaisance et à se battre pour ses principes. En ce sens, il doit demeurer conscient que le « travail n’est pas une marchandise », ni un simple facteur, qui « amalgamé » avec le capital, produit des biens et des services au meilleur coût possible, et ce, peu importe les subtilités des formes « modernes » que l’on fait prendre et que prend le travail.

Merci de votre attention.


I would like to thank the members of the CIRA Executive Board, as well as professor Lorenzo Frangi, who so kindly introduced me, for this invitation to speak in honour of H. D. Woods who, through his teaching at McGill and his contribution to public policy, profoundly influenced the Canadian model of industrial relations.

My speech is based on my experience and focuses on my thinking about collective bargaining, which I was involved in for a long time at the Confédération des syndicats nationaux (CSN) as a trade union negotiator in the Quebec manufacturing sector and, afterwards, as a trainer and collaborator with the International Labour Office (ILO). I will highlight, using examples from my own experience, the nature and impact of the changes that have taken place relating to the regulatory role of collective bargaining, as well as the deliberative and adaptive capacities of the trade unions. In talking about this subject, I will focus on three phases.

When history matters: my first days as an “apprentice” union representative

I started as a union representative for the Federation of Paper and Forest Workers (FTPF-CSN) at the Clermont office in the beautiful region of Charlevoix. When I arrived, the union president drew my attention to a photograph of the first executive committee of 1937, and two people in particular. The first was Monsignor Félix-Antoine Savard, the union chaplain and author of a well-known novel in Quebec, Menaud maître-draveur. The second was Lucien Gaudreault, who was a worker at the mill and the brother of Laure Gaudreault, the founder of the teachers’ unions that were at the origin of the Centrale des syndicats du Québec (CSQ). Next to this photo was the “Charter” issued by the Confederation of Catholic Workers of Canada (CTCC, predecessor to the CSN) and a reproduction of the front page of the first collective agreement signed in 1945 with Donohue Brothers Limited. This page, representing union history, was so simple yet so rich; I will never forget it.

The Clermont union had just concluded its collective agreement. The president was proud of it. The union had negotiated a working week of 37 and one-third hours, compared to the 42-hour working week that existed in the paper industry in the east of Canada. He was also proud of the FTPF, since most of its affiliated unions had obtained this schedule following the strike at three Price Company mills in Saguenay-Lac-Saint-Jean. I was not expecting to see such progress.

Phase one The 1970s – making demands is “the business of unions”

Since the 1950s, bargaining in the paper industry followed a “ritual”, which was that of “pattern bargaining”, just as in the automobile industry. Together these industries were two bastions of industrial unionism that exerted considerable influence over working conditions. In the process, the union presented its demands. The employers followed the model and rarely put forward demands. The important thing for them was to remain masters of efficiency. We can say, therefore, that making the demand was the business of the union.

Furthermore, the union and staff representatives were in charge of the application of collective agreements, which were governed by the grievance and arbitration procedure. So, you had to become a good technician. The practical problems that arose from the agreement were settled during the meetings of mutual interest committees and, thus, industrial peace was assured.

At that time, in the paper industry, as in the manufacturing sector as a whole, collective bargaining was a man’s business. It was only in 1976 that the FTPF hired Monique Simard[1], who would later become vice-president of the CSN. Her arrival intrigued—the word is not too strong—the personnel managers’ club. What was a woman doing in a world of men? While proposing a maternity leave clause—a first in this industry—, an employer representative argued that he didn’t see the point in it; according to him, maternity was, after all, an “individual decision unrelated to work and the business”. They underestimated her, she did not let go—incidentally, she was pregnant—they had to negotiate and the union was successful.

However, this apparently stable model did not escape conflict. Worker resistance was never far away. Here are three examples to illustrate my point:

  1. In 1973, a hundred union members of a US Gypsum subsidiary paper mill, members of the CSN, went on strike for 22 months in order to gain recognition of their union and their seniority. This did not soften US Gypsum and the company remained hostile to the union and contemptuous, as much towards the union representatives as towards the union advisor[2]. This struggle, together with those that workers had with Firestone and United Aircraft would have a decisive influence on collective labour relations as they would be at the source of the “anti-strike breaker provisions” adopted by the Quebec National Assembly in 1977;

  2. At the end of 1974, in the space of a few months during three “illegal” strikes, I learned the hard way what a “conflict” is: first, how to resolve it; and second, and above all, how to deliberate within a labour union in times of great tension;

  3. At the initiative of three central unions (CSN, FTQ, CEQ), hundreds of local unions successfully reopened their collective agreements in 1974 to deal with the sharp rise in inflation. In 1975, the Parliament of Canada passed the Act to Control Wages and Prices, thereby limiting free collective bargaining.

In short, this collective bargaining ritual was not as robust as it was believed to be in guaranteeing industrial peace: it did not fundamentally alter the relationship between employers and workers.

Phase two A turning point – employers make their demands in the collective bargaining process

There are three events that explain this major turning point in the 1980s, when making demands passed to the employers’ side:

  • The acute employment crisis in Canada’s manufacturing sector, one of the toughest since the Great Depression of the 1930s, caused the private sector to suffer;

  • The disastrous negotiations in the Quebec public sector in 1982[3]. In setting employment conditions against a backdrop of wage recovery, the State was sending a strong and powerful message to employers: concessions work and we must do what it takes!;

  • “Concession” bargaining by the UAW in the context of Chrysler’s bankruptcy in 1979, and later at Ford and GM, represented the first breach in what had been called the “Detroit Pact” since the beginning of the 1950s. This was a compromise that included, on the one hand, the guarantee of a wage adjustment mechanism to maintain and improve the standard of living and, on the other, confirmation to management of its exclusive right to “manage the business”.

Job cuts multiplied: not only was wage moderation on the agenda, but employers also challenged the model and rules of work organization The discourse focused on international competition and its corollary, that is, the need to “innovate”, to be more flexible in order to increase productivity. Hence, the Quebec government created a National Productivity Institute. Calls for employer-union consultation increased: after all, are we not all in the same boat? The question then was, is this just a passing fad? It is not certain, as this example of resistance shows.

In 1984[4], management at Marine Industrie demanded what it called “flexibility” to radically change the “boundaries” between trades in order to regain full control over the deployment of its workforce and, consequently, its level. At the end of an eleven-month strike—led by a strong negotiating team and with the support of an all-out solidarity movement—and after several attempts at mediation, the issue at the heart of the conflict was submitted to a committee of experts chaired by Marcel Pepin, former president of the CSN and then professor at the University of Montreal[5].

In the same vein, employers in the paper industry came together under the theme of adaptability in order to increase efficiency by eliminating downtime through multiskilling/multitasking and teamwork, practices that were widespread in American factories. To investigate this further, one company organized a joint delegation to meet UAW and GM partners at the Saturn plant in the United States, known to be at the forefront of these practices.

From then on, job protection became a priority for the unions; this proved to be the necessary counterpart in settling the issue of work reorganization.

What do we take from this moment?

Social compromise, which had existed at least since the 1950s and relied on the link between work carried out and wages, therefore changed register. It migrated to a compromise between employment and productivity. This proved to be a complex relationship that put the interests of unions and employers into opposition as it redefined workers’ skills and working relationships in the workplace and had a considerable impact on the level of employment[6]. The trade union negotiating position became defensive and even more risky since the compromise focused on the employers’ positions and the recovery of their management rights. The price to pay in terms of jobs was high, both in terms of quantity and the control of work performance. The perception and acceptability of this transformation tore apart the union compromise, it ultimately being a question of legitimacy. In the end, it promoted employer “forcing” strategies.

Phase three Partnership enters into labour relations – a “radical change of discourse”

In April 1991, the Aciers Atlas Company, which owned a steel mill in Tracy, and the Aciers Atlas union, which was affiliated to the CSN, concluded a “new kind” of collective agreement[7].

Shortly after, companies in the forest products sector took a keen interest in this “social contract” model, especially because their duration placed them on an equal footing with their American competitors. Beyond their somewhat shaky interest, their discourse suggested that the local unions become deeply involved in becoming partners, so that their factories would become world class. I remember an employer telling us “that a world-class factory requires world-class work organization and a world-class collective agreement”, to which I replied: “And I imagine that you also want a world-class union!”. This call for cooperation, or partnership, would become a necessary condition “for the company to decide to invest in their factory”. In the end, each local union became, in a way, a competitor of the other. We were entering into an era of “permanent restructuring and reorganization” where agreements followed, adapting to it. However, was this really “permanent negotiation”?

Finally, three years later, the Labour Code was amended to remove the maximum duration allowable for a collective agreement. We were about to turn the page on innovation, but it would not last long. The employers had achieved the kind of industrial peace that they had long desired and only a few unions were able to overcome this new situation and adequately protect jobs.

What to do?

In order to strengthen the expertise of the negotiation teams, the FTPF prepared guidelines on flexibility[8] and, in a second step, put forward a preamble model for agreeing principles of employer-union cooperation and transparency of the activities and results of the establishment and society[9]. In addition, several unions engaged in local coalitions to promote the sustainability of their plants[10].

When negotiation becomes “reasoned”

Let’s start with a historical reminder. In the early 1980s, Alcan invited Roger Fisher to train senior management and the union leadership at its Arvida plant on “integrative bargaining”[11]. This negotiation process was virtually unknown in Quebec. Popularized as “reasoned” negotiation, this approach was greeted with skepticism by many union negotiators. For Marcel Pepin, a renowned union negotiator and, at that time, a professor at the School of Industrial Relations, he simply could not accept it. What does the term imply? What have the negotiators been doing for decades, if not reasoning to solve problems and forward their arguments?

Despite these reservations, “the idea” gained ground: here is an example. In 1993, at the Alma paper mill, the CSN union and the mill management agreed to conclude a long-term agreement, before the expiry of the agreement in effect, and to follow the “reasoned negotiation” process. The collective agreement was reviewed in depth and included the establishment of autonomous work teams, the reduction in the number of hierarchical levels, a variable compensation mechanism, and the orderly management of staff reductions. Since this time, this process has often been used.

The recomposition of the relationship brings dilemmas

This recomposition of the employer-union relationship, at the initiative of the employers, brought dilemmas for the union teams. How far could, and above all, should the partnership go? What can we do to not be in the wake of a speech that reflects neoliberal values in a context of almost permanent restructuring? How do we steer cooperation in a way that preserves union autonomy? What “critical distance” should we maintain? What negotiation process should we adopt? What compromise could be made to “manage” and protect jobs? How far can we go in our experimentation?

What can we take from this period?

  • Unions were in strong demand, not only on matters of work organization and managing employment, but also because of the employers’ discourse centred on the notion of participation and cooperation on a business project that, to them, was foreign.

  • Another form of collective agreement, called a “social contract” appeared, linking job security and investment. While it was promising in terms of its impact on labour relations, it was in fact short-lived, since it essentially allowed the maximum limit for the duration of collective agreements to be removed.

My experience in technical cooperation at the ILO

Before concluding, I would like to share a few brief thoughts on my experience of technical cooperation with the International Labour Organization (ILO) in the context of collective bargaining. This began in 2006 when I was entrusted with my first training mandate in Morocco.

In the first place, the ILO takes a normative approach to collective bargaining within the general framework of social dialogue: it is characteristic of its mission. Furthermore, through its technical cooperation programs, it is also interested in promoting the conditions necessary for negotiation and deliberation to strengthen social dialogue[12].

Technical cooperation aims:

  • to support member countries in complying with their objectives under international standards;

  • to contribute to promoting and reinforcing the effectiveness of standards;

  • to transfer the knowledge and expertise acquired by industrialized countries and developing or emerging countries.

As a matter of principle and through experience, I am convinced that we must avoid, at all costs, “preaching the gospel” by arguing the superiority of one model or process of bargaining over another: rather, we should show both the limits and the supporting elements of all. Above all, the techniques must serve to strengthen industrial relations and the capacities of the actors. They must not be used to make a judgment, which, as we know, is not always that simple.

Three examples of technical cooperation

In Morocco, a training program on negotiation and the application of the 2003 Labour Code, as well as on labour inspection mediation, was offered to young trade unionists. This training was given in collaboration with local union officials and national experts. Although there are very few collective agreements in this country, the social partners have nevertheless negotiated memoranda of understanding and social charters. Of course, these do not have the value of an agreement but, in their own way, they codify not only collective relationships, but also different conditions of employment, work and social services.

In Georgia, in 2012, technical cooperation consisted of intervening in a tripartite structure to thoroughly review the Labour Code, following complaints from the International Trade Union Confederation and the recommendations of the Committee of Experts on the application of ILO conventions and recommendations. This was followed by a training program on mediation and negotiation.

In Jordan, as part of the Better Work Program, it was a technical cooperation mandate aimed at providing employers and unions with training and technical support when negotiating a sectoral collective agreement in the clothing industry in 2013. In 2017, it was renewed for the third time[13].

This commitment broadens horizons and leads to reflection. How much does my experience serve the actors? What learning approach is needed to avoid “imperialism” or “preaching the gospel”? These are questions that lead us to offer appropriate solutions that encourage deliberation between the social partners and propose institutional mechanisms that respect both international labour standards and national institutions. This represented a huge shift in perspective from the union work I had known.

In conclusion

First, it must be remembered that it is the unions that make demands under collective bargaining. It is precisely because of their fundamental mission to bargain collectively in the interests of employees and to develop their capacities that collective bargaining has acquired meaning and legitimacy. This is what I understood from the message given to me by the president of the Clermont union on that morning in January 1974; collective bargaining is not just a “business”, a technical exercise, a process. I stress that, above all, it must be a “space for deliberation” that develops over time and aims for more justice and respect.

Second, collective bargaining is far from being a “quiet” road. From the primacy of the union demand, to the demands of the employers, and then to more cooperative labour relations, this trajectory shows that it is, on the contrary, a difficult and risky road where determination and flexibility coexist. The parties cannot, and must not, flee from the conflict and must try to master it as much as possible.

Third, it is essential, or rather fundamental, that the unions maintain their autonomy with regards to their direction and action. To be more explicit, they must avoid becoming dependent because, ultimately, this autonomy is an essential condition if a balance is to be established between the parties.

Fourth, bargaining feeds primarily on deliberations between workers and their elected representatives: this is very valuable, if not essential. To help us better understand, let us think about the film on collective bargaining produced in 1985 by the National Film Board of Canada, Final Offer[14]. When Bob White provokes an angry response from some local representatives who are in deep disagreement with both the union strategy and on the merits of the negotiation, there is an intense scene: White listens, he stays strong and his answer is firm and clear. He is able to rally the bargaining team without excluding those who disagree. It is an example of democratic deliberation. And as unions demand more space for deliberation, they have every advantage in following such an approach.

Finally, two brief comments on the current situation. 1- There is a strong movement towards the decentralization of negotiation towards the level of the company and occupational group, particularly in the public sector. Conversely, sectoral bargaining is growing, particularly in the hospitality sector[15]. 2- Collective bargaining, in its classic sense during the post-war period, was a driving force for social and economic progress and it often preceded legislation, for example, on parental leave, pay equity, and health and safety. Due to it being fundamentally an instrument that regulates the relationship between workers and employers, this movement towards the decentralization of collective bargaining means that its results are increasingly difficult to “export” in certain cases. This limits its scope. We cannot deny what we have done, but we must be aware that this new “positioning” no longer allows us to exercise as much of a social and economic training effect. This is a limitation to the extension of union action, especially since the Canadian model of “social dialogue” is not very robust. Thus, I believe that it is necessary for union organizations to strengthen their bonds of solidarity, firstly between themselves, and to associate themselves with other organizations that share values based on solidarity that can come together and really represent workers that do not have access to or cannot access union representation.

Are we better today than in 1974? We can answer yes if we think of the sharp decrease in conflict since the 1980s and some of the advances made in a good number of agreements. However, this does not mean that conflict is far away. This I learned from the very beginning. It is still relevant today, as we can see from the series of lockouts within the Québecor Group and, more recently, at the Alma and Bécancour aluminium smelters.

Indeed, we must remember that the issues at stake in negotiation are not always “utilitarian” and neither are they a question of “interests” or “deal making”. They are, above all, a question of justice and respect. I continue, therefore, to believe that collective bargaining is not a quiet path and it must answer to its results, aware that conflict as a source of union legitimacy is not a thing of the past. Neither the labour movement nor the union negotiator can remove it from their practices or, I would add, from their consciences.

To borrow the title of a well-known book by Pierre Vadeboncoeur, unionist, philosopher and essayist of significant scope, I believe that trade union action does not escape what he called The Line of Risk[16]. This is because, ultimately, the union negotiator, due to the nature of his task, must know how to navigate through this line of risk, which leads him to question unreservedly and to fight for his principles. In this sense, he must be aware that “work is not a commodity” or a simple factor that “combines” with capital and produces goods and services at the best possible cost, regardless of the subtleties of the modern “forms” that are evolving.

Thank you for your attention.