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Où va le temps de travail ? sous la direction de Gilbert de Terssac et Diane-Gabrielle Tremblay, Toulouse : Éditions Octares, 2000, 284 p., ISBN 2-906769-64-9.[Record]

  • Patrick Rozenblatt

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  • Patrick Rozenblatt
    Université Lumière Lyon 2
    GLISY/SAFA, CNRS

Il faut le dire d’emblée, Où va le temps de travail, produit de la coopération internationale et longitudinale d’un groupe de 25 chercheurs pluridisciplinaires, est un ouvrage scientifique essentiel pour une lecture de nos sociétés contemporaines qui ne trouvent jamais leur unité et leur sens que dans la recherche de la résolution des tensions et des conflits qui les spécifient. Réuni sous l’égide de l’Association internationale des sociologues de langue française lors de plusieurs séminaires (AISLF), animé et coordonné par Diane-Gabrielle Tremblay et Gilbert de Terssac, ce groupe nous offre, en effet, une confrontation subtile initiée à partir de regards théoriques pluriels. Nous ne pourrons dans cette présentation examiner une à une chacune des contributions qui méritent toutes d’être lues, mais nous tenterons de donner, à partir du travail de synthèse initié par les deux coordonnateurs, les hypothèses, les objectifs et les principaux résultats produits par l’analyse des tensions contradictoires qui se déploient autour des conceptions et des usages du temps de travail. À l’origine de cet ouvrage se révèle une même volonté de traquer les tensions existantes entre une « rationalité formelle » rendant compte d’un temps de travail appréhendé comme forme sociale « unique, uniforme, décomposable », et une « rationalité matérielle » ouvrant au contraire sur l’acception d’un temps de travail conçu comme forme « multiple, singulière et subjective ». En s’appuyant sur des travaux de terrain, chaque contribution poursuit, dès lors, un certain nombre d’objectifs communs : d’abord, démonter les catégories du « sens commun » et revenir sur les codifications en vigueur, celle de temps de travail mais aussi celle de travail elle-même afin, notamment, d’actualiser les relations existant entre le temps de travail et l’ensemble des activités qui se déploie dans une société ; ensuite, dépasser les approches « moyennisantes » afin de cerner la diversité des contextes, des situations et des trajectoires de chacun. Les résultats sont présentés en termes de tendances contradictoires que les coordinateurs synthétisent autour de l’identification de cinq tensions qui « jouent comme une contrainte et en même temps comme une ressource ». Ce choix permet dès lors de discuter des paradoxes contenus dans chacune de ces catégorisations. L’analyse critique vivifiante qui ressort de l’ensemble des contributions étale l’ampleur des efforts à accomplir pour progresser au sein de ce « procès de civilisation ». Nul doute que la lecture de cet ouvrage, dont la problématique particulière rend un hommage amplement mérité à l’oeuvre de William Grossin, explorateur des tensions entre temporalités, fournira tant aux enseignants-chercheurs qu’à tous les citoyens de nombreuses pistes de réflexions de recherches et d’actions sur des enjeux incontournables de notre avenir. Loin d’être écrit, en rose ou en noir, n’oublions pas nous dit Grossin qu’il dépend de l’évolution de notre conscience collective dont la maturation relève d’un processus de longue haleine. Gageons que sa conclusion finale porte une hypothèse dont l’humanisme mérite d’être entretenu : « La gouvernance des temps deviendra une affaire de démocratie politique à tous les échelons. Des temps aujourd’hui mal vécus… surgira un esprit de reconquête de temps dérobés ».