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La nouvelle sociologie économique par Benoît Lévesque, Gilles L. Bourque et Éric Forgues, Paris : Desclée de Brouwer, 2001, 268 p., ISBN 2-220-04799-7.[Record]

  • Paul-André Lapointe

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  • Paul-André Lapointe
    Université Laval

Dans le champ de l’économie, la prédominance de la théorie néoclassique, reconquise à la suite du recul du keynésianisme, se révèle aujourd’hui de plus en plus fragile. Non seulement pouvons-nous observer une résurgence d’anciens courants renouvelés, comme l’institutionnalisme, et l’émergence de nouveaux courants, comme la théorie de la régulation et celle des conventions, au sein de la discipline de l’économique, mais d’autres disciplines, comme la sociologie, renouvellent leur approche de l’économie. C’est ainsi qu’est apparue depuis quelques années une nouvelle sociologie économique, dont le livre de Benoît Lévesque, Gilles L. Bourque et Éric Forgues trace brillamment les principaux contours. Bien qu’ils se concentrent principalement sur le renouveau de la sociologie économique de langue française, les auteurs accordent néanmoins une grande importance à la production scientifique correspondante en langue anglaise, à laquelle ils consa-crent deux des cinq chapitres de leur ouvrage. En introduction, les auteurs rappellent les conditions d’émergence et l’originalité de la nouvelle sociologie économique. Le renouveau de la sociologie économique s’est produit en réponse à une double crise dans le domaine des savoirs sur l’économie et la société (crise des paradigmes néoclassique, keynésien et marxiste) et dans le monde réel de l’économie (crise du fordisme et de l’État providence et émergence de la mondialisation). En révélant « l’épaisseur sociologique » de l’économie, cette double crise rendait nécessaire le recours à la sociologie pour comprendre les phénomènes économiques. Alors que l’ancienne sociologie économique acceptait une certaine division du travail avec la science économique, en laissant à cette dernière l’exclusivité du champ de l’économie, la nouvelle sociologie économique se distingue en prenant précisément l’économie pour objet d’étude. Elle se propose alors d’en faire non seulement une critique mais d’en proposer également une alternative. Elle se veut un contrepoids à l’approche réductrice de la science économique qui, sous l’égide de la domination du néolibéralisme et de la théorie de l’action rationnelle, fait du marché un phénomène naturel et le seul mécanisme de régulation de l’économie, considère les activités marchandes comme les seules activités économiques et rabaisse toute action humaine au résultat d’un calcul coûts/bénéfices (voir « l’impérialisme économique » à la Becker). En contrepartie, la nouvelle sociologie économique met de l’avant l’encastrement social du marché, le caractère pluriel de l’économie (incluant non seulement les activités marchandes, mais aussi les activités de redistribution de l’État et celles de réciprocité de la société civile), la multiplicité des formes de coordination des activités économiques (marché et hiérarchie, mais aussi État, communauté et associations) et la multiplicité des logiques d’action, ayant comme mobiles non seulement l’intérêt, mais aussi le pouvoir, la reconnaissance, le lien social et le statut. Le premier chapitre est consacré à l’approche du MAUSS (mouvement anti-utilitaire en sciences sociales) et aux travaux d’Alain Caillé et de Jacques Godbout, autour de la problématique de l’anti-utilitarisme et du paradigme du don. Le contenu est alors davantage de nature épistémologique et concentré sur une critique de la théorie économique, particulièrement dans sa version néoclassique, qui réduit tous les comportements humains à une socio-économie de l’intérêt. Sur la base des travaux de l’anthropologue Marcel Mauss, ce courant met de l’avant le paradigme du don qui est mieux à même de capter l’essence des relations sociales, car derrière les relations entre les choses, il met à jour des relations entre personnes qui visent à créer du lien social. L’approche de l’économie solidaire fait l’objet du deuxième chapitre. Autour d’un programme de recherche qui vise à « repenser [les rapports entre] l’économique et le social », en réinsérant l’économie dans la société et en faisant de l’économie une activité de production de biens et de services pour la société, …