RecensionsBook Reviews

Worlds of Work : Building an International Sociology of Work publié sous la direction de Daniel B. Cornfield et Randy Hodson, New York : Kluwer Academic/Plenum Publisher, 2002, 378 p., ISBN : 0-306-46605-8.[Record]

  • Michel Lallement

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  • Michel Lallement
    GRIOT-CNAM, Paris

En ce début de XXIe siècle, la mondialisation est un thème difficilement contournable. Si ses dimensions économiques font l’objet de questionnements et de débats multiples, la réalité de l’internationalisation de la recherche demeure en revanche beaucoup moins bien circonscrite. Ce n’est donc pas le moindre mérite de cet ouvrage que de nous offrir un panorama d’ensemble de la sociologie du travail à travers le monde, et cela pour mieux contribuer — tel est en tous les cas un des objectifs explicitement affiché par les deux éditeurs — au développement d’un dialogue international encore balbutiant aujourd’hui. L’histoire intellectuelle de la sociologie du travail qu’entreprend de conter cet ouvrage collectif (vingt-cinq chercheurs y ont contribué) engage quatorze pays d’Amérique, d’Europe, d’Asie, d’Afrique et de la zone Pacifique, la Chine étant certainement la grande absente de cette cartographie mondiale. Assez classiquement, chaque espace national fait l’objet d’un traitement singulier. Signée par un ou des chercheurs du pays étudié, chaque contribution rend compte des principales étapes institutionnelles et intellectuelles qui ont marqué le destin national de la discipline. Heureuse initiative des éditeurs, tous les textes se concluent par la recension (nom, adresse, contact email) des principaux laboratoires spécialisés en sociologie du travail. Le tout est encadré par une introduction des deux éditeurs et par un chapitre conclusif, signé J.J. Castillo, qui offre une vue synthétique de l’ouvrage. Bien qu’il soit rigoureusement impossible de résumer un ensemble de contributions nécessairement aussi hétérogènes que les réalités sociales et académiques qu’elles décrivent, plusieurs lignes de force transversales peuvent néanmoins être repérées. La première nous engage sur les chemins de l’histoire propre au domaine de spécialité ici étudié. La sociologie du travail a pris corps à travers le monde sur une période de longue durée qui s’ouvre au tournant des XIXe et des XXe siècles (Canada, France, Allemagne, Hongrie, Suède, Royaume-Uni, USA) pour s’étaler jusqu’aux décennies les plus récentes (Australie, Brésil, Inde, Corée, Mexique, Portugal, Afrique du Sud). Non seulement les moments et les conditions d’émergence diffèrent grandement d’un pays à l’autre mais les scansions majeures ont parfois peu à voir. Quoi de commun en effet entre les évolutions finalement plutôt continues des États-Unis, de l’Angleterre, de l’Allemagne, de la France… et des pays dont l’histoire s’écrit sur le mode de la rupture ? On ne peut comprendre, par exemple, la sociologie du travail portugaise sans référence à la « révolution des oeillets », moment charnière pour le devenir des sciences sociales en particulier et de l’ensemble du pays en général. Inutile de préciser qu’il en va de même pour les ex-pays de l’Est. En Hongrie (seule nation de cet espace représentée, hélas, dans cet ouvrage), la fin des années 1980 sonne le glas du communisme et du plein emploi officiel. Elle ouvre une nouvelle ère à une sociologie du travail qui gagne en autonomie intellectuelle pour affronter des questions sociales inédites (celle du chômage au premier chef). En fait, quelles qu’aient été leurs trajectoires, les quatorze pays examinés dans ce livre ont développé des réflexions sociologiques sur le travail qui mène à des espaces d’interrogations largement sécants. Sans réelle surprise, les thèmes dominants sont ceux des conditions de travail et de l’organisation des entreprises, des modes de mobilisation de la main-d’oeuvre, du rôle des syndicats et de l’émergence possible de la démocratie industrielle, de la satisfaction au travail et des déterminants sociaux de la productivité… Chacun de ces thèmes possède, bien évidemment, une historicité qui lui est propre. Mais, si l’on ajoute un fort souci empirique actualisé grâce au recours à petit nombre de méthodes (observation, monographies d’ateliers et d’entreprise, cadrages statistiques…), l’on perçoit …