Une régulation sociale de l’entreprise mondialisée ?Introduction[Record]

  • Gregor Murray and
  • Gilles Trudeau

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  • Gregor Murray
    Centre de recherche interuniversitaire sur la mondialisation et le travail (CRIMT – Université de Montréal, Université Laval, HEC Montréal,www.crimt.org)
    professeur à l’École de relations industrielles de l’Université de Montréal
    gregor.murray@umontreal.ca

  • Gilles Trudeau
    Centre de recherche interuniversitaire sur la mondialisation et le travail (CRIMT – Université de Montréal, Université Laval, HEC Montréal,www.crimt.org)
    professeur à la Faculté de droit de l’Université de Montréal
    gilles.trudeau@umontreal.ca

Les entreprises multinationales représentent à la fois le moteur et la courroie de transmission de l’internationalisation des relations économiques et sociales. Le développement économique — voire même la prospérité — de la plupart des nations semble aujourd’hui inextricablement lié à l’ampleur et à l’intensité des activités d’environ 65 000 firmes multinationales et de leurs 850 000 filiales étrangères réparties partout dans le monde. La richesse des nations dépend ainsi de leur capacité à tirer avantage du système commercial international, en favorisant l’investissement direct étranger sur leur territoire et en exploitant leurs avantages compétitifs dans une économie de plus en plus mondialisée. Les entreprises multinationales ne constituent certes pas un phénomène nouveau. L’exemple du Canada est éloquent à ce sujet. À ses tout débuts, ces sont des entreprises multinationales, comme la Compagnie de la Baie d’Hudson, qui permirent d’explorer ses vastes territoires et de pousser plus loin ses frontières. De la même façon, de la création de filiales canadiennes d’entreprises américaines et britanniques, sous la protection tarifaire de la fin du 19e et du début du 20e siècles, à l’intégration progressive des économies canadiennes et américaines au cours des décennies subséquentes, les activités des entreprises multinationales ont toujours représenté un vecteur important du développement économique et social du Canada, faisant de celui-ci une des économies les plus ouvertes et les plus prospères de la planète. Comme le démontre toutefois l’agitation lexicographique autour de la mondialisation (multinational, international, transnational, mondial, global…), la nature des « entreprises multinationales » subit aujourd’hui d’importants changements. Ainsi, les générations antérieures de structures corporatives multinationales cèdent le pas à de nouveaux types d’organisations (voir par exemple, Bartlett et Ghoshal 2002 ; Dicken 2003), ce qui ne manque pas de susciter des défis de taille pour les praticiens et les chercheurs en relations industrielles. Le modèle prédominant de la multinationale se présentait à l’origine comme une constellation de filiales nationales groupée autour d’un siège social, lui-même national, mais supervisant plus ou moins étroitement l’ensemble des activités de la firme. Celle-ci décentralisait ses opérations afin de rapprocher ses activités de production des marchés locaux, lui permettant ainsi d’être plus sensible aux nuances des différents marchés nationaux. La filiale revêtait le plus souvent la forme : « Entreprise nationale inc., une division d’Entreprise internationale inc. », ce qui conférait une identité distincte, et parfois même un haut degré d’autonomie, à chacun des établissements nationaux de la firme, la rendant ainsi plus sensible à l’environnement du pays hôte et aux particularités de ses politiques. En fait, ces firmes représentent une partie prenante de l’histoire du développement des politiques et traditions des relations industrielles nationales. Le modèle subséquent de structures corporatives internationales apparaît davantage centralisé. Il s’agissait typiquement d’entreprises nationales, réussissant particulièrement bien, qui développaient leurs activités outremer et leurs avantages corporatifs par le biais de transferts technologiques et d’un haut degré de contrôle centralisé. Même si elles étaient probablement moins sensibles aux environnements particuliers des pays hôtes, ces firmes offraient des emplois de haute qualité et présentaient un potentiel considérable de diffusion des innovations technologiques et organisationnelles du pays d’origine vers les pays hôtes et, à l’occasion, aussi en sens inverse. L’accroissement de la présence de ces firmes, à partir des années 1960, engendra plusieurs craintes dans le domaine des politiques du travail. On se demandait jusqu’à quel point ces firmes resteraient imperméables aux pratiques du marché du travail domestique. Par exemple, une entreprise franchement antisyndicale aux États-Unis adopterait-elle la même attitude dans d’autres contextes nationaux, ou serait-elle susceptible d’adapter son comportement aux différentes situations institutionnelles ? La recherche insista beaucoup sur cette problématique dans les années 1970 et …

Appendices