RecensionsBook Reviews

Temps, travail et modes de vie par Michel Lallement, Paris : PUF, collection Sciences sociales et sociétés, 2003, 228 p., ISBN 2-13-053687-5.[Record]

  • Jens Thoemmes

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  • Jens Thoemmes
    CNRS

L’ouvrage de Michel Lallement, professeur de sociologie au Centre national des arts et métiers à Paris, porte sur des recherches empiriques et collectives interrogeant les temps sociaux. Ce livre tente de faire le point sur les rapports entre temps, travail et modes de vie. Il se présente donc comme un ouvrage de synthèse et de discussion à partir d’un programme de recherche effectué pendant les cinq dernières années. L’originalité de l’ouvrage est sans aucun doute d’inscrire cette série de recherches dans une problématique commune de la rationalisation du temps : du point de vue de l’entreprise et de l’activité professionnelle, mais aussi du point de vue des individus et des contraintes non professionnelles de la vie sociale. Le fil rouge du livre est annoncé sous forme de question dès la première page : « Comment la flexibilité a-t-elle bouleversé les rythmes sociaux des sociétés modernes et, surtout, quelles sont ses implications au quotidien sur le statut et les conditions de vie des salariés ? ». Cette question guide alors les explorations de Michel Lallement dans un exposé en trois parties. La première partie, intitulée « les rationalisations du temps », propose de contextualiser au plan historique la question posée avec une multitude de faits intéressants et significatifs à relever (chapitre 1), mais aussi par l’élaboration d’une grille d’analyse commune (chapitre 2) permettant d’aborder les questions du temps et du travail avec une perspective qu’on pourrait qualifier de « néo-institutionnaliste » puisant à la fois dans la sociologie durkheimienne et webernienne. Nous reviendrons sur cette approche en fin de note. La seconde partie, « les mondes vécus de la flexibilité », fait le point sur la construction des catégories d’emploi et du temps, culminant dans l’étude du temps de cadres dont l’auteur montre l’importance pour les « cadres » temporels. Loin d’être un jeu de mots anodin, cette manière de présenter les interrogations touchant à la codification des temps et de l’emploi à partir d’accords d’entreprise « 35 heures », montre qu’on a toujours tort de présupposer l’unité de la catégorie des cadres et celle des temps, alors que le travail de terrain montre la variété des solutions envisagées (chapitre 3 et 4). Sont alors abordées deux autres formes temporelles « flexibles » : le travail de nuit à l’hôpital (chapitre 5) et le travail à temps partiel à la poste (chapitre 6). La présentation de ces deux cas permet de comprendre à partir du vécu quotidien les effets de la flexibilité. L’auteur montre que ses effets sont multiples renvoyant d’une part à la promotion d’une rationalisation formelle (mise en cohérence des normes de droits et de l’entreprise) rencontrant des éléments plus matériels (classifications, hiérarchies) : ceci provoque des tensions. L’emploi du cadre apparaît ainsi dans bien des cas comme « contaminant » d’autres statuts d’emploi par des dispositifs similaires du décompte du temps. À propos du travail de nuit, Michel Lallement montre qu’il y a parfois de bonnes raisons d’accepter ce travail pour rationaliser sa vie en conformité avec ses projets de carrière et avec ses projets de famille. Le travail de nuit peut être considéré parfois comme une manière de diviser autrement le travail à l’intérieur du couple permettant une meilleure répartition des tâches domestiques. Ce fait montre que la flexibilité peut se déplacer en aidant à gérer les contraintes non professionnelles. L’emploi à temps partiel semble bien être le signe d’un mécontentement des conditions de travail jugées « insupportables » ou le signe d’une carrière bloquée. En revanche, c’est ce type de flexibilité aussi, qui permet un maintien de l’individu dans son emploi tout en se distinguant de …