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La contractualisation de la relation de travail, par Christian Bessy, Paris : LGDJ, 2007, 317 p., ISBN 978-2-275032-15-3.[Record]

  • Urwana Coiquaud

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  • Urwana Coiquaud
    HEC Montréal

La place du droit du travail dans l’économie capitaliste ainsi que l’encadrement des choix économiques par des dispositions de droit du travail ont souvent été questionnés tant chez les juristes que chez les économistes. Ce questionnement a pris tout son sens au début des années 1980 lorsque les bouleversements profonds de nos économies ont remis en cause les institutions en place. Certains économistes, critiques à l’égard de l’approche néo-classique, ont alors développé de nouveaux axes d’interprétation de ces phénomènes. C’est le cas de l’économie des conventions, dont est issu l’auteur de cet ouvrage, Christian Bessy, économiste du travail et spécialiste de l’analyse économique des institutions. À partir de cette veine théorique exposée au chapitre 1, l’auteur examine les termes de la relation de travail d’aujourd’hui et cherche à expliquer le phénomène de contractualisation de cette relation. Il s’appuie dans cette démarche sur l’approche dite « interactive du droit », issue de la sociologie du droit, qui étudie l’activité sociale des acteurs orientée par les règles de droit. Ces règles, quels que soient leur source et leur caractère, seront mobilisées pour construire ou résoudre les situations sociales. Une telle approche conduit à observer l’utilisation routinière des outils juridiques, en l’occurrence les contrats de travail, faite par les acteurs. Parmi eux, certains jouent un rôle crucial, les « intermédiaires du droit », soit des professionnels du droit. Ces derniers ont la maîtrise des règles, des processus et de leur interprétation par les cours de justice. Ils peuvent donc guider la rédaction des contrats en anticipant les litiges sans que les parties à la relation de travail en comprennent toujours les tenants et les aboutissants. La prise en compte de cette activité des « intermédiaires du droit » conduit à relativiser en partie le rôle du droit traditionnel, celui issu de l’activité des pouvoirs publics et des tribunaux de juridiction supérieure, et à mettre en évidence une activité normative intermédiaire. L’auteur entend ainsi utiliser cette perspective pour mieux comprendre l’usage « instrumental », les « stratégies de contournement » du droit. Il pose à cet égard l’hypothèse d’un recul des relations plus coopératives et d’un affaiblissement des cadres collectifs comme facteur explicatif. Christian Bessy entreprend donc les analyses qualitative et quantitative de plus de 400 contrats de travail, répartis sur plusieurs décennies (1970 à 2004), en provenance de plus de 300 entreprises issues de différents secteurs économiques. Il examine ainsi l’évolution des pratiques contractuelles et les transformations du droit du travail et de la gestion des ressources humaines, puis dégage de ce vaste horizon temporel les « standards rédactionnels » des contrats et leur évolution. À partir de cette analyse l’auteur présente une typologie. Il se base sur quatre variables décrites aux chapitres 3, 4, 5, 6, soient les garanties en matière d’embauche, la subordination du salarié, la protection des actifs immatériels de l’entreprise et la responsabilisation du salarié, qu’il décline en différents indicateurs. Puis, il propose quatre catégories (dites « classes ») de contrats, classées selon le « degré croissant de complexité de leur structure contractuelle » (p. 180), degré qui permet d’indiquer la « densité de garantie contractuelle » recherchée par l’employeur. Outre l’intérêt de démontrer la pluralité des relations de travail, cette typologie met en relief la diversité du rôle des parties à la relation. Dans le cadre de la première et seconde classe, le contrat est surtout utilisé comme un dispositif d’information et de clarification puisque la référence au statut collectif y est importante. Tandis que dans la classe 3, qui se caractérise par une contractualisation « forcée » et une instrumentalisation du droit, il est surtout question d’asseoir …