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Introduction

Un nombre important d’auteurs en gestion des ressources humaines se sont intéressés aux rôles stratégiques et opérationnels exercés par les professionnels en RH (Booth, 2001; Guérin et Wils, 2002) et les services RH (Galang et Ferris, 1997). Les rôles proposés s’apparentent largement à ceux d’un partenaire d’affaires en matière de développement et de mise en oeuvre de la stratégie de l’entreprise. Cette vision est particulièrement pertinente pour les cadres supérieurs en RH[1] qui font partie du comité de direction de leur organisation. Cependant, pour être reconnus comme de véritables partenaires d’affaires, ces derniers doivent d’abord être perçus comme des acteurs influents et crédibles.

Il est donc pertinent de se demander dans quel contexte les cadres supérieurs en RH sont susceptibles de gagner en influence, un concept défini comme étant « le pouvoir social d’une personne qui amène les autres à se ranger à son avis » (Le Robert, 2004 : 907). Selon certains, il est possible pour ces derniers de gagner en influence lorsque l’organisation fait face à des enjeux ressources humaines importants ou qu’elle est fortement dépendante de la qualité et de la contribution de ses ressources humaines pour se démarquer de ses compétiteurs (Guérin et Wils, 2002). En d’autres mots, quand l’organisation se retrouve face à des défis exigeants au plan des ressources humaines, le service RH et celui ou celle qui le dirige prennent souvent de l’importance aux yeux de la haute direction (Becker, Huselid et Ulrich, 2001; Booth, 2001).

En principe, compte tenu du contexte actuel caractérisé par une économie sous pression et un marché du travail en transformation, les cadres supérieurs en RH devraient être en mesure d’en profiter pour devenir des partenaires influents auprès du comité de direction. Mais le sont-ils ? Comment font-ils pour développer cette influence ? Sur quoi s’appuient-ils ?

L’influence des cadres supérieurs en RH

Nous connaissons encore très peu de choses sur la façon dont les cadres supérieurs en RH exercent leur influence ascendante (vers le PDG) ou latérale (vers les collègues exécutifs). Dans les deux cas, il s’agit d’une influence sans autorité formelle ou hiérarchique. Seule l’étude d’Enns et McFarlin (2003) aborde indirectement cette question. Ces auteurs ont effectué une analyse comparative des styles d’influence latérale entre 132 cadres supérieurs provenant de différentes fonctions (finances, ressources humaines, opérations, système d’information et marketing). Ainsi, ils ont observé que les cadres supérieurs étant à la tête d’une fonction perçue comme stratégique dans l’organisation faisaient davantage usage de tactiques « dures » que de tactiques « douces »[2]. Cette étude a aussi permis de vérifier que les cadres supérieurs en RH exerçaient leur influence de façon différente de leurs collègues du comité de direction.

Cependant, cette étude ne nous renseigne pas sur la perception qu’entretiennent les membres du comité de direction à l’égard de la capacité d’influence des cadres supérieurs en RH. De même, nous ne savons rien concernant l’écart potentiel qui peut exister entre la perception de ces derniers et celle que les cadres supérieurs RH entretiennent à leur propre égard en ce qui concerne leur capacité d’influence. Enfin, nos connaissances sont également très limitées en ce qui concerne les leviers utilisés par les cadres supérieurs en RH pour exercer leur influence avec efficacité.

Il nous semble donc important de se demander jusqu’à quel point les cadres supérieurs en RH profitent de l’occasion qui leur est potentiellement favorable pour accroître leur influence auprès du comité de direction composé de leurs collègues exécutifs et du dirigeant principal (PDG). Notre étude poursuit donc les travaux des auteurs ayant traité des rôles stratégiques assumés par les professionnels en RH en examinant une des conditions essentielles à l’exercice de ces rôles, soit la capacité d’influence des cadres supérieurs en RH auprès du comité de direction. Notre objectif est de procurer un début de réponse aux questions mentionnées dans le paragraphe précédent.

Le développement de la capacité d’influence

Yukl (2002) mentionne que les habiletés de direction d’un cadre supérieur comprennent entre autres la notion de capacité d’influence. Donc, la capacité d’influence, vue comme une compétence ou habileté, exprime l’idée d’expertise ou de savoir-faire développé par un individu dans le temps, et ce largement par son expérience. Deux théories ou approches issues du processus d’influence sociale procurent des pistes intéressantes pour comprendre comment un individu peut développer sa capacité d’influence.

La théorie psychologique du processus d’influence sociale (Kelman, 1958) est utile pour décrire les suites ou les retombées de l’influence. Elle permet d’expliquer la modification des attitudes, des croyances et des opinions d’un individu suite à l’influence d’un autre individu (Bruins, 1999 ; Yukl, 2002). Certains facteurs d’ordre psychologique et motivationnel peuvent expliquer la réaction d’un individu (ci-après la cible) ayant fait l’objet d’une tentative d’influence par un autre individu (ci-après l’agent) dans un contexte organisationnel précis. Cette théorie postule que, suite à une tentative d’influence, trois réactions psychologiques différentes peuvent survenir chez la cible. La première concerne la conformité instrumentale (Yukl, 2002 ; Bruins, 1999). Ainsi, la cible peut obtempérer à la tentative d’influence de l’agent afin d’obtenir une reconnaissance ultérieure, ou encore, pour éviter d’être sanctionnée. La deuxième réaction psychologique possible a trait à l’internalisation (Yukl, 2002). La personne visée par une tentative d’influence serait alors disposée à réaliser la requête de l’agent dans la mesure où elle correspond à ses valeurs ainsi qu’à ses croyances. Selon ce deuxième scénario, l’engagement survient sans égard aux bénéfices attendus et repose essentiellement sur la loyauté que la cible a pour l’agent. La troisième réaction concerne l’identification personnelle. Ainsi, la cible « imite » le comportement et les attitudes de l’agent. Globalement, la motivation de la cible d’adhérer ou non à une tentative d’influence provient de ses besoins d’acceptation et d’estime personnelle. En fonction de la théorie psychologique, il est possible de concevoir qu’un cadre supérieur en RH puisse provoquer ces trois types de réaction chez ses collègues ou son patron.

Selon la théorie de l’échange social (Blau, 1974), la plus fondamentale des formes d’interactions sociales est l’échange de bénéfices ou de faveurs, lesquels peuvent inclure des aspects intangibles (psychologiques) et tangibles tels que l’expression de l’approbation, le respect et la confiance, l’estime et l’affection. Les individus s’engagent dans un processus d’échanges sociaux dès leur enfance et développent des attentes vis-à-vis d’autres individus quant à la réciprocité ainsi qu’à l’équité dans ces échanges (Blau, 1974, cité dans Yukl, 2002). D’après Greenberg et al. (2000), la théorie de l’échange social est pertinente au processus d’influence sociale car elle concerne l’exercice du leadership. Grâce à cette relation qui s’établit entre eux, les acteurs bâtissent ainsi à la fois des liens d’équivalence et des liens de subordination sur les lieux de travail. En d’autres termes, la théorie de l’échange social propose que la capacité d’influence d’un cadre supérieur en RH peut se développer grâce aux échanges réciproques qui se font dans le temps entre lui ou elle et les cibles, soit ses collègues et son patron (Shermerhorn, Hunt et Osborn, 2006).

Bien que ces théories n’aient pas été développées spécifiquement pour expliquer comment se développe et se maintient la capacité d’influence d’un individu (Yukl, 2002), elles nous fournissent néanmoins des pistes pertinentes pour comprendre comment les cadres supérieurs en RH peuvent accroître leur influence, en l’absence d’autorité formelle, auprès des membres du comité de direction.

Les leviers de la capacité d’influence

Une recension des écrits suggère que la capacité d’influence de l’agent est très souvent associée à trois éléments : sa réputation, sa crédibilité et son pouvoir de référence (Ferris et al., 2003; Ammeter et al., 2002). La littérature en leadership précise également que la capacité d’influence d’un cadre supérieur, telle que perçue par la cible, est fonction du fait que l’agent a été en mesure d’utiliser ces trois éléments pour l’amener à se ranger derrière lui (Ammeter et al., 2002). C’est ce que l’on peut appeler l’effet de levier. La figure 1 présente la réputation, la crédibilité et le pouvoir de référence comme autant de leviers interdépendants, à la disposition du cadre supérieur en RH, pour accroître la perception, chez les membres du comité de direction, qu’il dispose d’une capacité d’influence suffisante pour les amener à se ranger à son avis ou à sa position.

Figure 1

Les leviers de la capacité d’influence perçue du cadre supérieur en RH

Les leviers de la capacité d’influence perçue du cadre supérieur en RH

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Ainsi, la réputation individuelle peut servir de levier pour accroître la capacité d’un agent à exercer de l’influence. Selon Ferris et al. (2003), plus la réputation de l’agent est élevée, plus grande est sa capacité à exercer de l’influence auprès de la cible. En outre, compte tenu de l’importance de créer un climat de confiance et de collaboration avec les membres de l’organisation, d’autres chercheurs (Ammeter et al., 2002; Becker, Huselid et Ulrich, 2001; Kouses et Pozner, 1993) ont avancé que la crédibilité de l’agent pourrait aussi être associée à sa capacité d’influence perçue. La crédibilité peut être évaluée par la concordance entre ce que fait un individu et ce qu’il dit, c’est-à-dire entre l’action et le message, alors que la réputation sera appréciée par la somme des « crédibilités » observées dans le temps. D’après Herbig et Milewicz (1993), la crédibilité affectera plus fortement la réputation lorsque des situations où des enjeux organisationnels majeurs sont en cause. Quant au pouvoir de référence, Yukl (2002) le définit comme étant la capacité qu’a un individu d’influer sur le comportement d’autrui à cause du désir de ce dernier à s’identifier à la source du pouvoir.

Ammeter et al. (2002) ont proposé qu’il était urgent d’examiner plus à fond les liens entre ces trois leviers et la capacité d’influence d’un agent. Une seule étude empirique (Yukl, Kim et Falbe, 1996) a abordé en partie cette question. L’étude de Yukl, Kim et Falbe (1996) a montré, chez 195 cadres de premier niveau impliqués dans un programme de MBA d’une université américaine, que le pouvoir de référence de l’agent était fortement corrélé avec l’engagement de la cible, notamment auprès des collègues ou du supérieur immédiat. Les auteurs de cette recherche ont utilisé un questionnaire appelé Influence Behavior Questionnaire (IBQ, voir Yukl et Falbe, 1990) pour mesurer le pouvoir de référence des agents et le degré de réussite de leurs tentatives d’influence. Donc, les liens unissant les trois leviers et la capacité d’influence d’un agent ne sont pas encore clairement établis.

Questions de recherche

Dans un premier temps, nous voulons vérifier la perception que les membres du comité de direction ont à l’égard de la capacité d’influence du cadre supérieur en RH dans leur organisation. Pour donner suite à notre illustration des concepts étudiés (voir figure 1), cette perception peut porter sur la capacité d’influence elle-même mais aussi sur l’effet de levier créé par les trois éléments à la disposition du cadre supérieur RH. Ces trois éléments sont la crédibilité, la réputation et le pouvoir de référence. Nous proposons donc les deux questions de recherche suivantes :

Question de recherche 1 : Quelle est la perception des membres du comité de direction à l’égard de la capacité d’influence du cadre supérieur en RH dans leur entreprise et de l’effet de levier créé par sa crédibilité, sa réputation et son pouvoir de référence ?

Question de recherche 2 : Existe-t-il un lien entre l’effet de levier perçu et la capacité d’influence perçue des cadres supérieurs en RH ?

Dans un deuxième temps, nous voulons vérifier jusqu’à quel point les cadres supérieurs en RH s’estiment actuellement en mesure d’exercer de l’influence auprès des membres du comité de direction, en comparaison avec le point de vue de ces derniers. De plus, nous souhaitons comparer la perception des membres du comité de direction et celles des cadres supérieurs en RH quant à la fluctuation de la capacité de ces derniers à exercer de l’influence au cours des trois dernières années. En procédant ainsi, nous serons davantage en mesure de savoir si les cadres supérieurs en RH sont perçus comme des partenaires stratégiques dans les organisations, comme le suggèrent Becker, Huselid et Ulrich (2001). Nous avons repris, dans cette étude, les perspectives suggérées par Yukl et Falbe (1990), c’est-à-dire celle de l’agent (agent self-report) et celle de la cible (target report), pour obtenir une évaluation croisée de la capacité d’influence de nos répondants. En l’absence de fondement empirique, nous avons donc formulé les deux sous-questions de recherche suivantes :

Question de recherche 3 a) : Existe-t-il une différence significative entre les cadres supérieurs en RH et les membres du comité de direction quant à leur perception respective de la capacité « actuelle » des cadres supérieurs en RH à exercer de l’influence ?

Question de recherche 3 b) : Existe-t-il une différence significative entre les cadres supérieurs en RH et les membres du comité de direction quant à leur perception respective de la capacité « fluctuante » des cadres supérieurs en RH à exercer de l’influence ?

Méthode de recherche

Le groupe ciblé pour effectuer cette recherche se compose de cadres supérieurs en RH oeuvrant majoritairement dans la grande région de Montréal. Le recrutement des organisations et des répondants s’est d’abord effectué à partir d’envois de courriers électroniques destinés à 52 cadres supérieurs en RH qui sont membres en règle de l’Ordre des conseillers en ressources humaines et en relations industrielles agréés du Québec.

Au total, 41 cadres supérieurs en RH sur les 52 sollicités (78,8 %) ont accepté de participer à notre étude. Nous avons donc rencontré 41 cadres supérieurs en RH en entrevue afin de documenter plusieurs variables dont leur choix des tactiques d’influence et l’appréciation de leur capacité d’influence perçue. Dans ce texte, nous ne rapportons que les résultats ayant trait à la capacité d’influence du cadre supérieur RH, telle que perçue par les membres du comité de direction et les cadres supérieurs RH eux-mêmes. Suite à l’entretien, nous avons invité chacun des cadres supérieurs en RH à distribuer un bref questionnaire (type IBQ, voir Yukl et Falbe, 1990; Yukl, Kim et Falbe, 1996) aux membres du comité de direction (collègues exécutifs ou supérieur immédiat) ayant fait l’objet de tentatives d’influence de leur part au cours des trois dernières années. Selon le nombre de questionnaires demandés, une lettre introductive, accompagnée du questionnaire et d’une enveloppe de retour adressée aux chercheurs, était distribuée aux répondants. À titre d’illustration, si un répondant avait relaté six incidents d’influence auprès de six cibles différentes, six questionnaires lui étaient remis. Dans les cas où plusieurs incidents d’influence visaient la même cible, les cadres supérieurs en RH devaient remettre un seul questionnaire à cette personne.

Au total, 260 questionnaires ont été distribués aux membres du comité de direction par 40 des 41 cadres supérieurs en RH. De ce nombre, 156 ont été retournés par la poste pour un taux de réponse de 60 %[3]. Ce taux nous semble particulièrement intéressant compte tenu du niveau élevé où se situent ces répondants dans l’entreprise.

Mesure des variables

Questions de recherche 1 et 2

Nous nous sommes inspirés du questionnaire IBQ (Yukl et Falbe, 1990; Yukl, Kim et Falbe, 1996) pour mesurer, auprès des membres du comité de direction, l’effet de levier perçu et la capacité d’influence perçue des cadres supérieurs en RH (voir tableau 1). Compte tenu que nous désirions maintenir le questionnaire adressé aux membres du comité de direction à une seule page, afin de maximiser le taux de réponse, nous avons dû limiter à leur minimum le nombre d’items utilisés pour mesurer l’effet de levier perçu (4 items) et la capacité d’influence perçue (5 énoncés). Une échelle graduée de type Likert à cinq points (1 = fortement en désaccord, 2 = en désaccord, 3 = plus ou moins en accord, 4 = en accord et 5 = fortement en accord) fut utilisée.

Tableau 1

Les items mesurant les éléments de l’effet de levier perçu et la capacité d’influence perçue du cadre supérieur en RH

Variables

 

Items du questionnaire IBQ*

Effet de levier perçu

Crédibilité

De mon point de vue, le cadre supérieur en RH est une personne crédible.

De mon point de vue, le cadre supérieur en RH est une personne que je respecte.

Réputation

De mon point de vue, le cadre supérieur en RH détient une bonne réputation.

Pouvoir de référence

De mon point de vue, le cadre supérieur en RH est une personne qui suscite des sentiments positifs (ex. : loyauté)

Capacité d’influence perçue

 

Le cadre supérieur en RH est capable de me convaincre de la justesse de ses positions.

 

Le cadre supérieur en RH est capable d’influencer ma position sur une question.

 

Le cadre supérieur en RH est capable de susciter mon adhésion à ses priorités.

 

Le cadre supérieur en RH est capable d’obtenir mon appui dans la réalisation de ses projets.

 

Le cadre supérieur en RH est capable d’obtenir mon approbation sur les décisions RH concernant mon secteur d’activités.

* Pour chacun des items, les membres du comité de direction devaient indiquer jusqu’à quel point ils étaient en accord ou en désaccord: 1 = fortement en désaccord à 5 = fortement en accord.

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Questions de recherche 3a et 3b

Pour la question de recherche 3a, la variable « capacité actuelle des cadres supérieurs en RH à exercer de l’influence telle que perçue par les membres du comité de direction » a été mesurée par la question suivante adressée aux membres du comité de direction : « Diriez-vous que la capacité d’influence du cadre supérieur en RH à exercer de l’influence est actuellement… ». En ce qui concerne la variable « capacité actuelle des cadres supérieurs en RH à exercer de l’influence telle que perçue par eux-mêmes », nous avons posé, à chaque cadre supérieur en RH, la question suivante lors de la rencontre : « Diriez-vous que votre capacité à exercer de l’influence auprès du comité de direction est actuellement… ». Pour les deux catégories de répondants, une échelle graduée à cinq points (1 = très faible, 2 = faible, 3 = moyennent faible, 4 = élevée et 5 = très élevée) fut utilisée.

Pour la question de recherche 3b, le concept « capacité fluctuante » signifie la progression au cours des trois dernières années de la capacité à exercer de l’influence chez les cadres supérieurs en RH. Pour les variables « capacité fluctuante des cadres supérieurs en RH à exercer de l’influence telle que perçue par les membres du comité de direction » et « capacité fluctuante des cadres supérieurs en RH à exercer de l’influence telle que perçue par eux-mêmes », nous avons suivi la même procédure que pour la question de recherche 3a. Ainsi, à la fin de l’entretien, les cadres supérieurs en RH étaient appelés à répondre à la question suivante : « Globalement, depuis que vous êtes en poste (maximum trois ans), diriez-vous que votre capacité à exercer de l’influence a… ». Quant aux membres du comité de direction, nous avons obtenu leurs perceptions au moyen de la question suivante : « Au cours des trois dernières années, ou depuis que cette personne est en poste, diriez-vous que la capacité à exercer de l’influence du cadre supérieur en RH a…. ». Une échelle graduée à cinq points (1 = fortement diminué, 2 = diminué, 3 = peu changé, 4 = augmenté et 5 = fortement augmenté) fut utilisée pour chacune de ces deux questions.

Résultats

Caractéristiques des cadres supérieurs en RH dans l’échantillon

Parmi les 41 cadres supérieurs en RH qui ont participé à l’étude, 37 % (n = 15) oeuvrent dans des entreprises comptant moins de 1000 employés et près du quart (n = 10) travaillent là où il y a plus de 5000 salariés. Également, nous avons des cadres supérieurs en RH à la tête d’un service des ressources humaines « corporatif » (61 %, n = 25), c’est-à-dire détenant la plus haute autorité de cette fonction dans l’organisation, et « divisionnel » (39 %, n = 16), c’est-à-dire des cadres supérieurs à la tête d’un service des ressources humaines au sein d’une division organisationnelle. Les répondants évoluent dans des organisations privées (61 %, n = 25) et publiques (39 %, n = 16). Plus de la moitié (56,1 %, n = 23) détiennent 25 ans ou plus d’expérience sur le marché du travail pour une moyenne de 23,9 ans. En outre, ils possèdent en moyenne 19,7 ans d’expérience en gestion des ressources humaines, et 36,6 % (n = 15) des répondants ont 25 années ou plus dans le domaine. De plus, les participants ont en moyenne 15 années d’expérience dans un poste de direction des ressources humaines (adjoint au directeur, directeur, etc.). Il est intéressant de noter que 29,3 % (n = 12) des répondants possédaient moins de neuf années d’expérience dans ce type de poste de direction. Dans une très forte proportion, nos répondants occupent leur poste de dirigeant en RH depuis peu : 39 % (n = 16) de nos répondants l’occupent depuis moins de trois ans et 75,6 % (n = 31) depuis moins de six ans.

Questions de recherche 1 et 2

Le fait que nous avons obtenu un taux de réponse de 60 % de la part des membres du comité de direction (156 questionnaires retournés aux chercheurs sur 260 distribués par les cadres supérieurs en RH) est déjà, selon nous, un bon indicateur de l’influence qu’exercent les cadres supérieurs en RH auprès de leurs collègues et de leur patron. Des 41 cadres supérieurs en RH interviewés, 32 ont réussi à obtenir par la suite au moins une évaluation de la part des membres de leur comité de direction. Le nombre moyen de questionnaires IBQ reçus par cadre, pour ces 32 cadres supérieurs en RH, est de 4,9 (minimum = 1, médiane = 4,5, maximum = 13, écart-type = 2,8).

Le tableau 2 présente la moyenne et l’écart-type de chacun des neuf items utilisés pour mesurer l’effet de levier perçu et la capacité d’influence perçue des cadres supérieurs en RH par les 156 membres du comité de direction qui ont retourné le questionnaire IBQ. Globalement, les données indiquent que les membres du comité de direction ont une perception plutôt positive de la capacité d’influence du cadre supérieur en RH de leur entreprise.

Tableau 2

Statistiques descriptives pour les neuf items du questionnaire IBQ (n = 156 membres de comité de direction)

Variables

Items du questionnaire IBQ

Moyenne (sur 5)

Écart- type

Effet de levier perçu

Est un gestionnaire crédible (crédibilité)

4,41

0,68

Est une personne que je respecte (crédibilité)

4,57

0,58

Détient une bonne réputation (réputation)

4,36

0,72

Est une personne qui suscite des sentiments positifs (pouvoir de référence)

4,29

0,70

Capacité d’influence perçue

Me convainc de la justesse de ses positions

4,13

0,61

Influence ma position sur une question

4,15

0,60

Suscite mon adhésion à ses priorités

3,99

0,65

Obtient mon appui dans la réalisation de ses projets

4,35

0,61

Obtient mon approbation sur les décisions RH en lien avec mon secteur d’activités

4,25

0,66

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En effet, les répondants sont majoritairement en accord ou fortement en accord avec tous les items du questionnaire IBQ. En ce qui a trait aux items associés à l’effet de levier, les moyennes sont particulièrement élevées. C’est vrai en ce qui concerne la crédibilité des cadres supérieurs en RH : crédibilité en tant que gestionnaire (4,41) et respect qu’ils inspirent (4,57). C’est le cas également pour leur réputation (4,36) et les sentiments positifs qu’ils suscitent (4,29). Néanmoins, lorsque les membres du comité de direction doivent porter un jugement plus direct sur la capacité d’influence des cadres supérieurs en RH (items associés à la capacité d’influence perçue dans le tableau 2), ces derniers envoient un message un peu plus nuancé puisque les moyennes pour ces items sont légèrement plus basses. Ainsi, bien qu’ils soient en moyenne d’accord qu’ils se laissent convaincre de la justesse des positions des dirigeants en RH (4,13), ils sont un peu plus réservés quant à leur adhésion aux priorités du cadre supérieur en RH (3,99). Pour le reste, ils se disent d’accord en moyenne pour lui accorder leur appui (4,35), donner leur approbation aux décisions RH (4,25) et se laisser influencer quant à leur position sur une question (4,15).

En complément de réponse à la question de recherche 1, nous avons procédé à une analyse factorielle exploratoire avec les 156 répondants aux neuf énoncés du questionnaire IBQ pour voir si le modèle conceptuel présenté à la figure 1 et dans le tableau 1 tenait la route. Stevens (2002) suggère fortement d’utiliser l’analyse factorielle exploratoire plutôt que confirmatoire lorsque la littérature concernant la problématique à l’étude est peu abondante et que les relations entre les différentes variables n’ont pas fait l’objet de vérifications poussées. Le tableau 3 présente les résultats de l’analyse factorielle avec la méthode d’extraction par analyse des composantes principales et l’utilisation de la rotation orthogonale varimax. Les neuf items se divisent en deux facteurs qui expliquent 66 % de la variance[4]. Les quatre items associés à l’effet de levier perçu ont des coefficients de saturation beaucoup plus élevés sur le premier facteur. Pour le deuxième facteur, ce sont les cinq items utilisés pour évaluer la capacité d’influence perçue qui ont des coefficients de saturation plus élevés. Le coefficient alpha de Cronbach pour les quatre items associés à l’effet de levier perçu est égal à 0,863, tandis qu’il est de 0,835 pour les cinq items mesurant la capacité d’influence perçue. Ces résultats sont donc cohérents avec le modèle proposé à la figure 1 et suggèrent la création de deux variables composites pour résumer l’information du questionnaire IBQ.

Tableau 3

Résultats de l’analyse factorielle exploratoire des neuf items du questionnaire IBQ mesurant les éléments de l’effet de levier perçu et de la capacité d’influence perçue du cadre supérieur en RH (n=156)

 

 

Coefficients de saturation

 

Items du questionnaire IBQ

Facteur 1

Facteur 2

Effet de levier perçu

De mon point de vue, le cadre supérieur en RH….

 

 

Est un gestionnaire crédible (crédibilité)

0,82

0,34

Est une personne que je respecte (crédibilité)

0,82

0,26

Détient une bonne réputation (réputation)

0,79

0,32

Est une personne qui suscite des sentiments positifs (pouvoir de référence)

0,73

0,23

Capacité d’influence perçue

Le cadre supérieur en RH est capable….

 

 

De me convaincre de la justesse de ses positions

0,45

0,68

D’influencer ma position sur une question

0,19

0,77

De susciter mon adhésion à ses priorités

0,26

0,76

D’obtenir mon appui dans la réalisation de ses projets

0,34

0,69

D’obtenir mon approbation sur les décisions RH en lien avec mon secteur d’activités

0,23

0,70

Racine latente

4,93

1,00

% de la variance expliquée

54,76%

11,15%

% de la variance expliquée cumulative

54,76%

65,91%

Indice d’adéquation de Kaiser-Mayer-Olkin*: 0,902

 

 

 

Test de sphéricité de Bartlett**: statistique du test = 681, degrés de liberté =36, p < 0,001

* L’indice d’adéquation de Kaiser-Mayer-Olkin (measure of sampling adequacy) indique si les énoncés peuvent être regroupés en un ensemble plus petit de facteurs sous-jacents. Une valeur qui s’approche de 1 indique que l’analyse factorielle est adéquate tandis qu’une valeur inférieure à 0,5 indique que l’analyse factorielle est à toute fin pratique inutile. La valeur de 0,902 suggère que l’analyse factorielle est appropriée pour nos données.

** Le test de sphéricité de Bartlett permet de vérifier si la matrice de corrélation entre les items du questionnaire IBQ diffère de la matrice identité. Le non-rejet de la matrice identité indique qu’il n’y a pas de corrélation significative entre les items du questionnaire et donc que l’analyse factorielle n’est pas appropriée. Nous rejetons ici l’hypothèse de la matrice identité (p < 0,001), et donc l’analyse factorielle peut être appliquée à nos données.

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Ainsi, pour chaque questionnaire reçu, nous avons calculé la moyenne des quatre items avec des coefficients de saturation supérieurs à 0,5 pour le premier facteur de l’analyse factorielle afin de créer la variable composite « effet de levier perçu », ainsi que la moyenne des cinq items avec des coefficients de saturation supérieurs à 0,5 pour le second facteur pour créer la variable composite « capacité d’influence perçue ». La moyenne de la variable créée « effet de levier perçu » est 4,41 (écart-type = 0,57) et est significativement plus grande que celle de la variable « capacité d’influence perçue » qui est de 4,17 (écart-type = 0,49) (test t apparié : t(155) = 6,69 ; p < 0,001).

Pour répondre à la deuxième question de recherche, nous avons évalué la corrélation entre les deux variables composites « effet de levier perçu » et « capacité d’influence perçue ». Le coefficient de corrélation de Pearson est de 0,669 (p < 0,001) et celui de Spearman de 0,639 (p < 0,001). Il existe donc une relation statistiquement significative et relativement importante entre ces deux variables.

En ce qui concerne les questions de recherche 3a et 3b, nous avons calculé en premier lieu, pour chacun des 32 cadres supérieurs RH, la moyenne des scores des questionnaires IBQ reçus pour la question « Diriez-vous que la capacité d’influence du cadre supérieur en RH à exercer de l’influence est actuellement… » et pour la question « Globalement, depuis que vous êtes en poste (maximum trois ans), diriez-vous que votre capacité à exercer de l’influence a… » respectivement. Ainsi, pour chaque cadre supérieur RH nous pouvons directement comparer sa propre perception de sa capacité « actuelle » et « fluctuante » à exercer de l’influence à la perception moyenne des membres de son comité de direction qui ont fait l’objet de tentatives d’influence de sa part. Nous avons le score correspondant à chacune de ces deux questions pour 31 des 32 cadres supérieurs RH. Un test t pour échantillons appariés a été fait pour répondre à chacune des questions de recherche 3a et 3b. Les résultats sont présentés au tableau 4. Ils révèlent une différence statistiquement significative entre la moyenne de la perception des membres de l’équipe de direction (moyenne = 3,76) et celle des cadres supérieurs en RH (moyenne = 4,06) quant à leur perception respective de la capacité « actuelle » du cadre supérieur en RH à exercer de l’influence (p = 0,014). Les résultats du second volet de notre question de recherche montrent également une différence significative entre les perceptions des membres du comité de direction (moyenne = 3,85) et celles des dirigeants en RH (moyenne = 4,23) quant à la capacité « fluctuante » du cadre supérieur en RH à exercer de l’influence (p = 0,009). Dans les deux cas, les cadres supérieurs en RH tendent à surestimer leur capacité d’influence auprès du comité de direction par rapport au jugement de ceux qui font partie de ce comité. Cependant, il faut remarquer que, dans l’ensemble, les membres du comité de direction ont actuellement, en moyenne, une perception qui se situe entre « moyennement faible » et « élevée », mais plus près d’« élevée », de la capacité d’influence des cadres supérieurs en RH et qu’ils estiment qu’ils sont généralement plus influents qu’il y a trois ans.

Tableau 4

Différences de perception entre les cadres supérieurs en RH et les membres du comité de direction quant à la capacité d’influence « actuelle » et « fluctuante » des cadres supérieurs en RH

Question de recherche 3a)

Diriez-vous que votre capacité (ou celle du cadre supérieur en RH de votre organisation) à exercer de l’influence auprès du comité de direction est actuellement… (1 = très faible, 2 = faible, 3 = moyennent faible, 4 = élevée ou 5 = très élevée).

 

n

Moyenne (± écart-type)

Différence entre les moyennes (± écart-type)

Statistique t (d.l.)

Valeur p

Cadres supérieurs en RH

31

4,06 (± 0,57)

0,30 (± 0,64)

2,62 (30)

0,014

Membres du comité de direction

31*

3,76 (± 0,53)

Question de recherche 3b)

Globalement, depuis que vous êtes (qu’il est) en poste (maximum trois ans), diriez-vous que votre capacité (ou celle du cadre supérieur en RH de votre organisation) à exercer de l’influence a… (1 = fortement diminué, 2 = diminué, 3 = peu changé, 4 = augmenté ou 5 = fortement augmenté).

 

n

Moyenne (± écart-type)

Différence entre les moyennes (± écart-type)

Statistique t (d.l.)

Valeur p

Cadres supérieurs en RH

31

4,23 (± 0,72)

0,38 (± 0,76)

2,79 (30)

0,009

Membres du comité de direction

31*

3,85 (± 0,45)

* Pour chaque cadre supérieur en RH, une moyenne des scores à la question de tous les questionnaires IBQ reçus des membres du comité de direction pour ce cadre a été calculée et comparée à la réponse à la même question pour ce cadre.

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Discussion des résultats

Cette étude avait pour objectif d’explorer la capacité d’influence des cadres supérieurs en RH, telle que perçue par les membres du comité de direction. Elle visait également à comparer les perceptions des membres du comité de direction avec celles des cadres supérieurs en RH à l’égard de leur capacité à exercer de l’influence. Selon Yukl et Falbe (1990), l’utilisation de deux populations pour mesurer un ou plusieurs concepts semblables permet d’atténuer le biais de désirabilité sociale. Dans cette optique, pour obtenir une double évaluation de la capacité d’influence de nos répondants, nous avons repris, dans cette étude, les perspectives suggérées par Yukl et Falbe, c’est-à-dire celle de l’agent (agent self-report) et celle de la cible (target report).

Nos résultats indiquent que la capacité d’influence des cadres supérieurs en RH rencontrés a légèrement augmenté en moyenne au cours des trois dernières années et est actuellement plutôt élevée en moyenne. De plus, une majorité des membres des comités de direction s’entendent pour dire que leur cadre supérieur en RH est un gestionnaire crédible, réputé, respecté et capable d’apporter des solutions novatrices aux problèmes organisationnels. Il s’agit d’une bonne nouvelle considérant le doute qui plane sur le fait que les professionnels RH soient aptes à exercer une véritable influence au sommet de l’organisation. Cette situation pourrait être due aux capacités personnelles des cadres supérieurs en RH mais elle peut être également la conséquence d’une augmentation du statut et des ressources accordés aux services des RH suite à la prise de conscience, par les membres du comité de direction, du caractère stratégique de plusieurs enjeux RH. Bien que cet aspect n’ait pas été mesuré dans cette étude, il est possible de croire qu’un tel contexte devrait leur permettre d’avoir plus d’opportunités pour exercer de l’influence (Enns et McFarlin, 2003).

Nous avons observé également que les cadres supérieurs en RH tendent à surestimer leur capacité d’influence par rapport au jugement porté par les membres du comité de direction. De façon plus précise, nos résultats indiquent des différences significatives entre les perceptions des cadres supérieurs en RH et celles des membres de l’équipe de direction, en ce qui concerne la capacité « actuelle » et « fluctuante » (i.e. progression de cette capacité au cours des trois dernières années) de ces cadres supérieurs en RH à exercer de l’influence. À notre avis, il est possible d’avancer un certain nombre d’explications. D’abord, les écarts de perception entre les deux groupes peuvent être expliqués par le biais de désirabilité sociale ou le désir de bien paraître des exécutifs RH. Comme l’affirment Yukl (2002) ainsi que Angers (1992), l’utilisation de questionnaires de type « face à face » n’est pas à l’abri de problèmes méthodologiques. En somme, il est possible de croire que les cadres supérieurs en RH aient voulu se montrer sous leur meilleur jour, ou encore, comme le soulèvent Shermerhorn, Hunt et Osborn (2006), il peut également s’agir du biais de la mémoire sélective. Aussi, est-il permis de présumer que les cadres supérieurs en RH ne soient pas aussi influents qu’ils le croient auprès des membres du comité de direction, ou encore, qu’ils n’aient pas encore atteint les mêmes possibilités d’exercer de l’influence que d’autres exécutifs à la table stratégique au sein des organisations. Malheureusement, notre étude ne nous permet pas de confirmer cette assertion.

Par ailleurs, notre étude est la première à avoir utilisé le questionnaire IBQ pour mesurer les perceptions des cibles en ce qui concerne les éléments constituant l’effet de levier et la capacité d’influence chez cette catégorie de cadre supérieur. Les trois éléments associés à l’effet de levier perçu (crédibilité, réputation et pouvoir de référence) se distinguent de la capacité d’influence perçue. Ces résultats sont donc cohérents avec le modèle théorique proposé à la figure 1. Nos résultats montrent que détenir une bonne réputation, une solide crédibilité ainsi qu’un pouvoir de référence élevé peut accroître la capacité d’influence perçue d’un cadre supérieur en RH. Cela vient confirmer les propositions de Ferris et al. (2003), de Ammeter et al. (2002) ainsi que celles de Becker, Huselid et Ulrich (2001). Par contre, lorsque nous avons demandé aux membres du comité de direction de porter un jugement directement sur la capacité d’influence des cadres supérieurs en RH, ils ont répondu par un message un peu plus nuancé. S’ils ont, en général, des commentaires positifs à l’égard des cadres supérieurs en RH et prêtent une attention particulière à leurs demandes, il semble également qu’ils soient plus réticents à se conformer à une requête provenant de ces gestionnaires, notamment lorsque vient le temps d’adhérer formellement aux priorités déterminées par le service des RH. Nous croyons que ces résultats reflètent peut être la réalité des répondants, en ce sens qu’ils sont en meilleure posture pour exercer de l’influence auprès des membres du comité de direction, mais que ces derniers demeurent encore sceptiques quant au pragmatisme et à la faisabilité de certaines requêtes provenant des cadres supérieurs en RH.

Conclusion

Notre étude se distingue des précédentes en GRH par la technique de collecte de données utilisée. Pour la première fois, nous avons un portrait plus complet de la capacité d’influence des cadres supérieurs en RH, telle que perçue par ces derniers ainsi que par les membres du comité de direction. Nous sommes en mesure d’avancer que les cadres supérieurs en RH rencontrés sont en meilleure posture pour exercer de l’influence qu’il y a trois ans. De plus, nous croyons également que notre recherche contribue à l’avancement des connaissances dans la littérature en GRH relativement aux nouveaux rôles « stratégiques » que devront assumer les professionnels en RH au cours des prochaines années.

En revanche, notre étude comporte certaines limites. Une première limite concerne le fait que notre échantillon était relativement petit et dans la région de Montréal par convenance, ce qui rend difficile la possibilité de généraliser nos résultats à l’ensemble de la population des cadres supérieurs en RH. Deuxièmement, il est possible de croire que certains questionnaires, provenant de membres de comités de direction, aient été « contaminés » par le fait que certains d’entre eux étaient redevables à leur cadre supérieur en RH, et donc leur était d’entrée de jeu favorable. Conséquemment, l’estimation de la perception de la capacité d’influence réelle pourrait être positivement biaisée. Troisièmement, les résultats recueillis auprès des membres du comité de direction quant à la capacité d’influence des cadres supérieurs en RH ne nous permettent pas de conclure que cette capacité se traduit nécessairement en compétence. Cette limite, qui est fondamentale à relever dans une recherche portant sur les perceptions, doit être prise en compte dans l’interprétation des résultats. Quatrièmement, nous avons mesuré les trois éléments constituant l’effet de levier perçu par un seul item pour deux d’entre eux et par seulement deux items pour l’autre. D’autres recherches devraient examiner la possibilité d’ajouter des items pour chacun de ces éléments et, au moyen d’analyses factorielles, vérifier si nous sommes en présence d’un ou plusieurs construits. Cinquièmement, il importe de mentionner que nous n’avons pas contrôlé si le cadre supérieur en RH avait remis un seul questionnaire IBQ à une personne qui avait été visée, par exemple, par plus de deux incidents d’influence. Malgré ces limites, nous pensons que cette recherche devrait permettre aux professionnels de la GRH de prendre conscience de l’importance de développer leur crédibilité, leur pouvoir de référence ainsi que leur réputation en vue d’accroître leur capacité d’influence auprès de leurs collègues exécutifs ou du PDG de l’entreprise.