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Moins de quatre ans après la parution de la troisième édition du livre Le droit de l’emploi au Québec, les auteurs Fernand Morin, Jean-Yves Brière et Dominic Roux, à qui s’est joint le professeur Jean-Pierre Villaggi, ont publié récemment une toute nouvelle mouture de cet impressionnant ouvrage traitant des multiples volets du droit de l’emploi au Québec. La courte période entre les deux publications n’est pas synonyme d’une simple réédition de l’ouvrage de 2006 puisque le nouveau manuscrit compte deux cents pages supplémentaires, ce qui permet de mesurer l’intensité et le vif intérêt de cette quatrième édition.

Il serait évidemment superfétatoire de présenter en détail cet imposant ouvrage tant il est maintenant bien connu de l’ensemble de la communauté juridique québécoise, canadienne et internationale. Tout en soulignant que les auteurs ont conservé la richesse de ce style qui rend la lecture de cet ouvrage toujours aussi stimulante, je me limiterai à signaler quelles sont les principales modifications qui ont été apportées dans cette édition de 2010.

La première – et elle s’avérait évidemment incontournable – intègre, à de nombreux endroits dans l’ouvrage, les principes découlant de l’important arrêt Health Services and Support – Facilities Subsector Bargaining Assn. c. Colombie-Britannique, [2007] 2 R.C.S. 391. Tenant particulièrement compte de la référence expresse faite par la Cour aux règles de droit international du travail afin de redonner à la liberté d’association prévue par la Charte canadienne des droits et libertés une portée tangible, les auteurs ont considérablement élargi leur présentation du droit international du travail et des conventions fondamentales et prioritaires liant le Canada à l’échelle internationale. Au-delà d’une présentation structurée de ces divers instruments, les auteurs font état des grandes libertés en matière de droit d’association, d’élimination de toute forme de travail forcé ou obligatoire, d’abolition effective du travail des enfants et font ressortir l’objectif prioritaire de promotion du plein emploi. Dans tous ces cas, et ceci ajoute beaucoup à l’intérêt de cette nouvelle section, les auteurs font des références directes à l’interaction entre ces divers principes et le droit québécois et canadien. Dans la même perspective, l’étude porte également sur les textes adoptés par l’Assemblée générale des Nations Unies et fait état des différents pactes et traités auxquels le Canada est partie. Enfin, la Charte de l’Organisation des États américains, adoptée en 1948 par l’Organisation des États américains, organisation dont le Canada est devenu membre en 1990, fait l’objet d’un exposé qui permet de mieux distinguer à quelles obligations le Canada est tenu en vertu des divers instruments adoptés par cette Organisation.

Dans un monde où le droit international tend de plus en plus à imprégner l’interprétation devant être conférée au droit national et où les références à ces principes se multiplient devant certaines instances (ceci est particulièrement le cas du Tribunal des droits de la personne du Québec), je ne peux que saluer l’ajout de ces notions qui, exposées en une vingtaine de pages, offrent une vision captivante des avancées du droit du travail à l’échelle internationale et permet de dégager les premières conséquences que provoquent ces développements en droit québécois et canadien.

Dans la même perspective d’une actualisation de l’ouvrage au droit environnant, il faut noter l’ajout de deux nouvelles sections fort intéressantes. La première présente le nouveau régime applicable aux personnes responsables d’un service de garde en milieu familial et aux ressources de type familial ou intermédiaires des services sociaux. En faisant une revue des deux lois récentes qui constituent le fondement de ce nouveau régime de négociation, les auteurs font ressortir les particularités caractérisant un système de représentation collective visant la situation de travailleurs autonomes qui ne font pas l’objet de protection dans le cadre traditionnel de nos lois du travail. Avec pertinence, les auteurs soulignent également les limites et « multiples questionnements » posés par ces lois, dont le fait, préoccupant, que le législateur ait exclu les personnes visées par ces deux lois de l’application de la Loi sur les normes du travail, de la grande majorité des dispositions de la Loi sur la santé et la sécurité du travail et de la compétence de la Commission de l’équité salariale à leur égard. Les auteurs concluent cette nouvelle section par la phrase suivante qui indique d’une façon concise, mais porteuse de sens, leur principale critique relativement à ces lois récentes : « On eut souhaité que cet exercice de reconnaissance des droits se fasse dans une perspective d’égalité réelle, du moins en droit ». Difficile de ne pas partager ce constat.

Toujours au chapitre des autres lois régissant l’emploi au Québec, l’ouvrage introduit une nouvelle section relative au Code canadien du travail. Cette dimension manquait dans les éditions précédentes et elle permet de mieux appréhender toute la diversité des sources de droit applicables au Québec en matière de rapports collectifs du travail. Certes, la présentation est, selon l’avis des auteurs eux-mêmes, générale et succincte, mais elle a le mérite de faire ressortir les institutions pertinentes qui régissent les rapports collectifs au niveau du droit du travail de juridiction fédérale ainsi que les particularités de ce droit en matière d’accréditation, de processus de négociation, de santé et de sécurité du travail et de normes du travail. Si cette nouvelle section s’avère, pour l’instant, essentiellement descriptive et ne comporte aucune référence jurisprudentielle, elle constitue néanmoins un premier point d’appui intéressant pour toute personne amorçant une recherche en droit fédéral du travail.

L’évolution du contentieux administratif en matière de révision judiciaire a évidemment été examinée par les auteurs. La nouvelle grille d’analyse introduite par l’important arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190 est présentée et le texte permet de bien comprendre les fondements de la politique de déférence que la Cour suprême du Canada exprime depuis une trentaine d’années à l’égard des instances spécialisées en droit du travail. À ces compléments indispensables qui témoignent de la sensibilité des auteurs à l’évolution des diverses sphères du droit de l’emploi au Québec, l’ouvrage est également enrichi d’une mise à jour détaillée, et fort appréciée par les praticiens et chercheurs, de l’ensemble du droit couvert. Ceci est vrai tant à l’égard de la jurisprudence, source inépuisable de découvertes et de surprises, que relativement à la doctrine, dont il faut souligner la qualité, la diversité et la rigueur de ses références.

Dans un monde où le droit de l’emploi est en constante mutation, la nouvelle édition de l’ouvrage des auteurs Morin, Brière, Roux et Villaggi demeure un repère indispensable pour toute personne qui désire appréhender, avec des bases solides, les questions et défis qui se posent au quotidien.