Éprouver la dualité des technologies digitales en croisant les regards disciplinairesCross-disciplinary perspectives on the duality of digital technologies [Record]

  • Marc-Eric Bobillier Chaumon,
  • Catherine Delgoulet,
  • Nathalie Greenan,
  • Yannick Lemonie and
  • Chris Warhurst

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  • Marc-Eric Bobillier Chaumon
    Professeur, Titulaire de la Chaire de Psychologie du travail du Conservatoire National des Arts et Métiers (Cnam), Paris
    Chair Professor in Work Psychology, Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM, Paris)

  • Catherine Delgoulet
    Professeure, Titulaire de la Chaire d’Ergonomie du Conservatoire National des Arts et Métiers (Cnam), Paris
    Chair Professor in Ergonomy, Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM, Paris)

  • Nathalie Greenan
    Professeure d’Economie, Centre d’Etudes de l’Emploi et du Travail, Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM), Pari
    Professor of Economics, Centre d’Etudes de l’Emploi et du Travail, Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM, Paris)

  • Yannick Lemonie
    Maître de conférences en Ergonomie, Conservatoire National des Arts et Métiers, (Cnam), Paris
    Lecturer in Ergonomy, Conservatoire National des Arts et Métiers (Cnam, Paris)

  • Chris Warhurst
    Professeur and Directeur, Institute for Employment Research, Université de Warwick
    Professor and Director, Institute for Employment Research, University of Warwick

Les transformations digitales auxquelles sont confrontées les organisations de travail et que la crise sanitaire actuelle vient renforcer, se déploient de manière souvent brutale et non concertée, et sont accompagnées de messages qui oscillent entre deux pôles contradictoires soulignant tour à tour : Les activités relèvent de moins en moins de l’intervention directe des humains sur l’objet du travail et dépendent de plus en plus des interactions qu’ils ont avec des instruments techniques, c'est-à-dire des artéfacts technologiques qui médiatisent et transforment cette activité. Comme l’évoquait déjà Leontiev (1984, p 78), dans la veine des travaux de Vygotski « tout instrument, parce qu’il porte en lui une fonction de médiation, a une fonction psychologique qui transforme »… celui ou celle qui l’utilise ; dans ses façons de se représenter, de faire et d’organiser son activité. Pour Norman (1994, p. 21), les artefacts « ne transforment pas seulement les capacités d’un individu, ils changent en même temps la nature de la tâche que la personne accomplit » : ses repères, ses modalités… et donc ses conditions d’exercice. C’est pourquoi les artefacts techniques sont à la fois des moyens d’action sur le réel (« activité médiatisée »), et des moyens d’influence sur/pour l’individu lui-même (« activité médiatisante ») (Friedrich, 2012, p. 261). Au-delà de la psychologie et de l’ergonomie, d’autres disciplines, notamment en sociologie du travail, en sciences de gestion ou en économie des organisations ont décrit l’expérience paradoxale de la technologie. Ainsi, les travaux sur les technologies de surveillance ont souligné, dans les pas de Foucault (1975), leur caractère dual : moyen pour préserver l’efficacité collective et cadre contraignant pour l’action (Sewell et al., 2012). Les tensions entre l’autonomie et le contrôle (Mazmanian et al., 2013) ou au niveau des organisations entre l’exploration et l’exploitation (March, 1991) sont également au coeur des contextes de changement. Farjoun (2010) suggère d’ailleurs qu’elles seraient le reflet du caractère interdépendant ou mutuellement constitutif de la stabilité et du changement au sein des organisations. Sur ces questions, le lecteur pourra utilement se référer à l’ouvrage historique de Jarrige (2016) qui vient d’être réédité (2022). Les possibilités (réelles ou imaginées) que laissent entrevoir des systèmes dits « innovants » ouvrent –ou au contraire enferment- l’individu vers de nouveaux champs d’action et de connaissances. Ainsi, les technologies ambiantes, les objets communicants, les environnements immersifs, l’IA, les interactions hommes-robots… donnent accès à des expériences-utilisateurs inédites, qui requièrent des habiletés cognitives, comportementales et techniques d’un nouveau type pour leur manipulation (Mournier, 2001; Bobillier Chaumon, 2021). Elles appellent aussi à d’autres formes de collaboration et de mise en réseau des équipes et des savoirs (Zouinar, 2020). Ces artefacts impliquent enfin de nouvelles complémentarités entre des instances de l’organisation qui n’avaient pas forcément l’habitude d’échanger et de communiquer, de se connaître et se reconnaître ; par exemple, au travers des démarches de conception participative/centrée utilisateur, des méthodes agiles, du travail à distance ou encore des collectifs plurimétiers. L’ambition de ce numéro thématique est dès lors de croiser les perspectives disciplinaires pour éprouver la dualité des technologies digitales : en quoi jouent-elles comme des opportunités ou des contraintes pour le travail et l’activité professionnelle ? Plus précisément, nous proposons d’examiner dans quelle mesure et à quelles conditions ces dispositifs techniques vont être bénéfiques aux individus, en étant des sources de développement de l’activité et de renouvellement des métiers et des compétences. Il s’agit aussi d’explorer comment, a contrario, la mise en place de tels outils peut dégrader les activités, altérer les composantes du métier, fragiliser les collectifs de travail, les parcours et les connaissances professionnels, et impacter la santé des salariés. Quatre …

Appendices

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