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Introduction

Le document audiovisuel – en tant que source documentaire – se distingue de la vidéo pédagogique telle qu’on la retrouve par exemple décrite dans les travaux de Peraya (2017). Alors que la conception de cette dernière répond à un objectif d’apprentissage scénarisant le processus d’acquisition de connaissances pour un public cible d’apprenants, le document audiovisuel est guidé par d’autres finalités. La définition générale du document (pour une synthèse, voir Couzinet, 2018) en fait une preuve (Briet, 1951) assumant une dimension mnésique et épistémique (Tricot et al., 2016) et une transmission de connaissances (Pédauque, 2006) dans un contexte social et culturel précis (Buckland, 2016). Le document audiovisuel en ligne revêt ensuite les caractéristiques de l’archive, c’est-à-dire qu’il est indexé et classé dans l’environnement qui le diffuse afin que l’usager puisse le retrouver. Cette pratique de recherche de documents audiovisuels peut s’effectuer dans un contexte universitaire, tout en se distinguant d’un usage médiatisé par un tiers (par exemple une diffusion en cours ou l’indication de balados (podcasts) venant compléter un enseignement; pour une revue, voir Heilesen, 2010; Kay, 2012). Cette recherche renvoie l’étudiant à une exigence d’autonomie conditionnée par ses capacités cognitives et ses compétences documentaires et métadocumentaires. L’absence de médiation replace également une partie de la problématique sur les environnements diffusant le savoir en ligne, appelant une réflexion sur la façon dont ils peuvent accompagner les difficultés rencontrées.

Afin de déterminer les aspects sur lesquels ces environnements pouvaient intervenir, une étude s’inscrivant dans une approche ergonomique a été réalisée sur une recherche de vidéos, effectuée par une promotion de 60 étudiants de 2e année de classes préparatoires, qui conditionnait la réalisation d’un dossier collectif sur un sujet imposé. Les résultats présentent les modes de travail déclarés par les étudiants et leurs processus de sélection de vidéos en ligne. La production finale est ensuite examinée à travers les modes de présentation des vidéos dans les dossiers et leur référencement. La discussion aborde différents problèmes mis au jour, s’interrogeant sur ceux qui peuvent faire l’objet d’une amélioration des plateformes en ligne et ceux qui relèvent de la responsabilité individuelle ou d’un accompagnement pédagogique.

Recherches dirigées par un but bien défini

La recherche d’information qui précède l’utilisation des connaissances dans une production personnelle implique la sélection d’une ou plusieurs sources documentaires auxquelles l’usager accordera une crédibilité, une fiabilité et une autorité (Tricot et al., 2016, p. 95‑105). Celui-ci entame ensuite le processus de sélection des différents documents de cette source, puis réitère ce processus en l’appliquant aux informations des documents sélectionnés. Pour répondre à une consigne, l’étudiant commencera sa recherche en fonction d’un but qu’il définit par les données du problème préalablement soulevé, générant le besoin d’informations, comme le décrivent par exemple Belkin et al. (1982).

Sander et Richard (2017, p. 252) proposent un découpage en cinq étapes d’une recherche conduite par un but défini par une consigne dans un cadre universitaire : 1) un état initial permettant la production d’un but fondé sur la reformulation de la consigne; 2) une procédure de diminution du corpus en fonction de sa pertinence par rapport au but; 3) la compréhension des thématiques de la rubrique sélectionnée et l’évaluation des ressources permettant de faire évoluer le modèle mental initial; 4) un état final de la recherche correspondant à une sélection précise de ressources pertinentes pour le but reformulé; 5) le traitement des informations et leur appropriation permettant leur intégration (insertion de la ressource et citation du contenu) dans la production finalisée. Les auteurs précisent que la notion primordiale de la consigne doit figurer en tant que premier item pour que l’étudiant la cible et la mémorise facilement avant d’opérer le recodage sémantique (p. 255). Le risque serait sinon d’entraîner une « stratégie opportuniste » qui « s’intéresse à la nature des caractéristiques des problèmes » plus qu’à une structure liée à une « stratégie optimale de résolution du problème ». Les quatre premières étapes mentionnées par les auteurs correspondent au processus de recherche d’information.

Recherche de vidéos en ligne

La recherche de vidéos sur les plateformes diffusant le savoir en ligne demeure sous-étudiée et les études récentes semblent plutôt se porter sur la consultation des plateformes de divertissement (par exemple Perticoz, 2019; Siles et al., 2019). À la fin des années 1990, l’Open Video Digital Library (Marchionini et al., 2006) et la communauté du Text REtrieval Conference Video s’intéressaient cependant aux problématiques posées par la consultation des corpus audiovisuels institutionnels. Un nombre important d’études axées sur l’utilisateur a ainsi été réalisé autour de deux axes : le video browsing (navigation) et le video retrieval (sélection). Les résultats soulignaient l’intérêt d’une flexibilité d’accès aux collections incluant les particularités de la vidéo (image, audio, genre ou durée) et l’importance des représentations compactes du contenu (mots-clés, résumé, vignette, etc.). Dans le même temps débutaient les travaux de Stockinger sur la description sémiotique et la publication d’archives audiovisuelles scientifiques en ligne (Stockinger et al., 2015). D’autres études sont ensuite venues compléter ces grands travaux, notamment celles portant sur l’interaction avec le flux audiovisuel (par exemple Merkt et Schwan, 2014).

Au-delà des spécificités de sa publication et de sa sélection en ligne, la vidéo institutionnelle présente également des particularités concernant la compréhension de son contenu.

Compréhension des informations audiovisuelles

Contrairement à la lecture dont le rythme est maîtrisé par l’usager, le flux de l’information audiovisuelle « coïncide avec le flux de conscience » (Bachimont, 1998, p. 14) et s’impose à celui-ci. La complexité du contenu de certaines vidéos, accentuée par le manque de contrôle sur ce rythme informationnel (Leahy et Sweller, 2011), peut provoquer une surcharge cognitive (Sweller, 2003) générant une perte de précision ou une incompréhension accrue par la capacité de traitement de l’usager (par exemple un manque de connaissances préalables). Le risque d’une allocation des ressources cognitives à la tâche de réalisation plutôt qu’à l’acquisition de connaissances peut alors se manifester. De plus, alors que le format du texte permet une évaluation rapide et globale de sa structure, les contraintes de l’audiovisuel contrarient spontanément cette tâche.

Du point de vue de la cognition, le texte et l’image – étant assumés par le même canal – ne peuvent que faire l’objet d’un traitement successif. En revanche, pour la vidéo, l’information audio (message) et visuelle (image) utilise des canaux sensoriels différents, favorisant une capacité de traitement simultané (Mayer, 2001). La compréhension du message produit une représentation conceptuelle du contenu sémantique alors que celle de l’image entraîne une cartographie mentale de l’affichage analogique, plus rapide à appréhender (Hannus et Hyönä, 1999). Cependant, si l’attention est accordée à l’un ou l’autre des deux stimuli, par exemple lorsque le son ou l’image exacerbent la dimension émotionnelle, un détournement des informations pertinentes peut se produire (Papinot et Tricot, 2020). Peut alors survenir le risque d’un traitement superficiel de l’information alors que le but de mémorisation nécessiterait un traitement approfondi. La définition du but oriente donc vers la nécessité d’un traitement général ou spécifique (relatif à une tâche précise) pouvant être combiné à différents degrés (Schnotz et al., 2014).

Aide proposée par les cibles et notion de durée

Les modalités de présentation de la vidéo peuvent conditionner l’efficacité de l’effet multimédia, comme l’a rapporté Mayer (2008) à travers un principe de cohérence écartant le matériel secondaire, une signalisation des points-clés, la redondance privilégiant l’image et l’audio et la contiguïté spatiale et temporelle, c’est-à-dire le texte associé au graphique correspondant, affichés simultanément. Trois préconisations sont également présentées : la segmentation, la présentation individuelle des éléments avant l’exposition générale et la prépondérance de l’audio et de l’image.

L’efficacité de la suppression des distracteurs et de l’insertion de cibles a été étudiée par Amadieu et al. (2011) auprès de 36 étudiants. Les mesures concernaient la rétention d’éléments isolés, la relation entre les éléments et la résolution de problème ainsi que l’effort mental et la perception de la difficulté. Les résultats rapportent une performance significative lorsque les éléments sont présentés séparément et que le nombre d’expositions augmente. En revanche, seule une combinaison de la cible et du nombre d’expositions provoque un effet sur l’interactivité. Aucun effet n’est observé concernant l’effort mental, cependant la perception de la difficulté est réduite grâce au guidage et à une exposition trois fois réitérée. L’étude conclut que le guidage vers les informations pertinentes, la relation causale entre les éléments et la réitération de la présentation ont un effet sur l’apprentissage.

En 2012, Wong et al. réalisent une double étude afin d’examiner les effets des informations transitoires sur des segments audiovisuels courts ou longs. Elle montre, d’une part, que :

  1. les animations facilitent l’assimilation puisque l’humain possède une capacité innée d’apprentissage par l’observation (Wong et al., 2009);

  2. les informations intermédiaires explicites peuvent réduire la charge cognitive en mémoire de travail;

  3. l’image statique évite cependant le maintien de la première représentation en mémoire et favorise l’appréhension immédiate de l’ensemble des unités.

Elle s’intéresse, d’autre part, à la multimodalité audio/visuelle au moyen de diaporamas accompagnés de textes audios et visuels, courts ou longs. Les résultats montrent la supériorité du texte visuel long sur le texte audio long, ce dernier générant une charge cognitive liée aux informations transitoires. Ils exposent également la supériorité du texte audio court sur le texte visuel court. Les auteurs modèrent cependant leurs résultats en rappelant l’importance du contexte et des capacités de l’usager.

Dans le contexte d’une production universitaire, la finalité du visionnage repose sur une étape d’appropriation qui ne se limite pas à l’acquisition de connaissances, mais se poursuit par un processus d’agencement des connaissances et de reformulation des informations (Peters, 2015). Si, à notre connaissance, on ne dispose pas de travaux sur la citation de vidéos dans des productions universitaires, un certain nombre d’études se sont en revanche intéressées à la citation textuelle.

Référencement documentaire

Selon Hutchings (2014), l’aptitude à « distinguer les voix des autres (insérer ici l’expression originale anglaise) » et à témoigner d’une identité propre dans ses productions relève à la fois d’une capacité d’agencement et d’une maîtrise des techniques de référencement. Petrić (2012) a effectué une analyse textuelle sur 16 travaux d’étudiants, la moitié ayant reçu une bonne évaluation, l’autre pas. Les résultats montrent que les mieux notés citent plus de sources en reformulant ou en n’empruntant qu’une partie d’une idée et que les autres intègrent généralement des citations directes longues. Barrón‑Cedeño et al. (2013) précisent : « [paraphasing is the linguistic mechanism underlying many plagiarism cases [la paraphrase est le mécanisme linguistique à la base de nombreux cas de plagiat] »; la différence principale réside dans la présence de la référence dans le texte résultant d’un « processus conscient (conscious process) ». Monney et al. (2019) opèrent une distinction entre l’esthétique, soit l’application des codes et des normes, et la compétence qui nécessite une capacité à juger de la crédibilité d’une source et à critiquer les idées de l’auteur : le référencement documentaire associerait des représentations de surface et profondes, localisées à la fois dans le texte sous la forme de citations et dans une synthèse proposée à la fin du document.

Le référencement audiovisuel pose en sus un certain nombre de problèmes. Tout d’abord, l’URL d’accès à la vidéo présente le risque d’être désactivée par suppression ou modification, ce qui fragilise la disponibilité du document dans le temps et sa validité dans une bibliographie (Couture, 2010). Leur juxtaposition parmi des références textuelles est également remise en question, ainsi que l’identification de l’auteur (narrateur, interviewé, etc.), parfois ambigüe. Enfin, la reformulation des propos audiovisuels dans une rédaction universitaire tend à être complexifiée par le genre (conférence, entretien, etc.) et le type de discours (familier ou soutenu, subjectif, etc.).

Cette revue de la littérature montre que les spécificités de la vidéo posent a priori des problèmes différents de ceux que soulèvent le texte pour la compréhension, la sélection, le traitement des informations du contenu et le transfert de connaissances, mais aussi dans l’utilisation de son contenu et son référencement. Ces constats sont renforcés par des normes moins stabilisées que celles des ouvrages considérés comme traditionnels (Couture). Une double étude a été menée afin d’observer de quelle façon les étudiants faisaient face à ces difficultés potentielles et comment ils résolvaient les problèmes posés par les spécificités de la vidéo dans leurs recherches d’information et leurs productions universitaires.

Méthode

Échantillon et consigne

Quinze groupes de 4 étudiants de 2e année de classes préparatoires ont réalisé un travail évalué à partir du sujet : « Comment juge-t-on les crimes en cours d’assises? » La consigne, envoyée par courriel, mentionnait une recherche de vidéos dans le module « Cour d’assises » du musée virtuel Criminocorpus.org (Renneville et al., 2018) afin de traiter le sujet. La seconde partie de la consigne précisait une restitution sous la forme d’un « dossier dans le format Word », comprenant « une suite de fiches de dix pages maximum » présentant le sujet en « sous-thèmes organisés autour d’un scénario proposant un fil narratif original », « à destination d’un étudiant de première année ». Elle stipulait l’utilisation de « titres, encadrés », etc. pour guider la mise en forme, sans faire allusion au référencement des sources. Les étudiants disposaient d’environ un mois et demi (comprenant une période de vacances d’une semaine) pour effectuer le travail.

L’ensemble des étudiants – dont 97 % ont entre 18 et 20 ans – déclare recevoir un enseignement en histoire et en droit. Ils n’ont pas reçu de cours spécifiques sur la thématique. Ils ont été sensibilisés par l’enseignant durant l’année au maintien d’un esprit critique vis-à-vis de la dimension émotionnelle et de l’éventuelle subjectivité du contenu audiovisuel. Deux étudiants de cette même promotion, rencontrés lors d’un entretien préliminaire, précisaient qu’ils avaient reçu, en première année, une formation générale sur la recherche documentaire en ligne et que l’enseignant, coutumier de la diffusion de vidéos dans ce cours, leur avait rappelé l’attention qui devait être portée à la citation des sources.

Les documents audiovisuels de la source documentaire

Deux cent quarante vidéos de courte durée (de 1 à 9 minutes) constituent le corpus de Cour d’assises. Chacune présente un extrait d’un entretien filmé avec un professionnel exerçant dans les tribunaux d’assises, un journaliste ou un juré. Il s’agit de vidéos « à faible granularité », selon l’expression employée par Peraya (2017), puisqu’elles présentent une unité de temps, de lieu, de format et de thème et un interlocuteur unique. Si, pour certaines, le contenu peut être estimé comme didactique, les vidéos n’ont pas été scénarisées pour être pédagogiques et sont considérées comme des documents audiovisuels. Pour la majorité, l’image repose sur un plan rapproché de l’interviewé sur un fond neutre. Pour d’autres, des dessins de tribunaux ont été insérés au montage.

Le module « Cour d’assises » sur Criminocorpus.org

Le classement du module « Cour d’assises » repose sur trois rubriques principales, divisées en sous-rubriques (cf. annexe A).

Le traitement du sujet de la consigne correspondait à la rubrique « Étapes du procès » (figure 1). La seconde rubrique, « Acteurs », répondait à la question « Qui? » et la troisième présentait des contenus subjectifs (opinions, etc.) ou contextuels (décors, etc.).

Questionnaire

Quarante-deux étudiants ont volontairement rempli un questionnaire en ligne (cf. annexe B), anonymement, en présentiel le jour de la remise de leurs dossiers et sans l’intervention d’un tiers. La première partie du questionnaire était axée sur l’organisation du travail, l’objectif général perçu, l’autoévaluation et l’explicitation de la conception du dossier. La seconde répliquait une étude précédente (Papinot, 2018) réalisée auprès de l’ensemble du public de Criminocorpus. Elle concernait : l’appréciation de la vidéo et les critères de recherche; le besoin d’information (Tricot, 2015); l’investissement du temps et la sélection des accès et des informations intermédiaires (Pirolli, 2007); les données sociodémographiques.

Seules les statistiques descriptives sont restituées ici.

Figure 1

Heuristique du module « Cour d’assises »

Heuristique du module « Cour d’assises »

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Protocole d’analyse textuelle

L’étape d’appropriation du contenu et sa restitution ont été examinées à travers une analyse textuelle des 14 dossiers, le quinzième ayant été écarté pour non-conformité au format imposé par la consigne. Les dossiers ont été catégorisés en fonction du nombre de vidéos insérées et de leur localisation dans la source documentaire initiale. Un recensement des modes de traitement du contenu audiovisuel et de l’intégration des vidéos a été effectué, ainsi qu’une analyse de leur référencement. Chaque dossier a été codé dans son ensemble. Chaque lien hypertexte renvoyant vers une vidéo a été vérifié.

Résultats

Représentation et organisation du travail

Le premier objectif mentionné par les étudiants repose sur une acquisition de connaissances sur le sujet. Suivent un aspect secondaire mentionné par la consigne en tant que recommandation puis l’obligation d’effectuer l’exercice (tableau 1). Les commentaires libres évoquent également un « apprentissage du travail en groupe ».

Si 50 % estiment que leur dossier aurait pu être amélioré, 31 % reconnaissent qu’ils n’y ont pas consacré assez de temps. La majorité des étudiants déclare avoir effectué trois ou quatre séances de recherche sur Criminocorpus durant la période de travail imposée (tableau 2).

Tableau 1

Objectif perçu

Objectif perçu

* Effectif total : 67

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Tableau 2

Nombre de séances

Nombre de séances

* Effectif total : 36

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La majorité des séances ont duré de 30 minutes à quelques heures (tableau 3).

Tableau 3

Temps / séance

Temps / séance

* Effectif total : 36

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Les étudiants déclarent dans une proportion de 56 % avoir rempli plusieurs rôles dans le groupe, dont 28 % l’expliquent par une répartition quantitative du travail : par exemple « deux fiches par personne » impliquant la sélection des ressources, la rédaction des textes et la mise en page. Deux modes de travail se distinguent : à plusieurs mais pas toujours avec l’ensemble du groupe ou plutôt seul (tableau 4).

La tâche collaborative de présélection de vidéos a pu être encouragée par une facilité de partage en ligne : 78 % déclarent avoir utilisé des outils comme Google Drive ou Dropbox, 69 % les réseaux sociaux, 41 % lors de réunion en présentiel et 19 % par courriel. Seuls 6 % déclarent ne pas s’être échangé de vidéos.

Tableau 4

Modes de collaboration

Modes de collaboration

* Effectif total : 39

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Initiation de la recherche de vidéos

La majorité des étudiants estime qu’elle disposait plutôt des connaissances préalables pour mener à bien ce travail (tableau 5).

Tableau 5

Connaissances préalables (effectif total : 37)

Connaissances préalables (effectif total : 37)

* Effectif total : 37

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La stratégie adoptée majoritairement par les étudiants ne mentionne pas l’influence de la vidéo dans la conception préalable du plan de leur dossier (figure 2).

Figure 2

Initiation du travail

Initiation du travail

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Sur Criminocorpus, certains étudiants examinent uniquement le module indiqué par la consigne, d’autres parcourent l’ensemble du site (tableau 6).

Tableau 6

Exploration de la source

Exploration de la source

* Effectif total : 32

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Une hétérogénéité de pratiques se retrouve également dans les modes de présélection des vidéos, avec une tendance majoritaire pour une exploration préalable (figure 3).

Figure 3

Présélection de vidéos

Présélection de vidéos

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Les étudiants déclarent avoir facilement compris le plan du module « Cour d’assises » et plutôt bien repéré les thématiques pertinentes pour traiter le sujet (tableau 7).

Tableau 7

Évaluation des rubriques de la source (effectif total : 32)

Évaluation des rubriques de la source (effectif total : 32)

* Effectif total : 32

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L’ensemble des étudiants certifie avoir procédé à une recherche d’information. Seuls 2,3 % n’auraient pas visionné de vidéos.

En début de parcours, les critères de recherche témoignent d’intentions diverses. Les uns semblent entreprendre une acquisition de connaissances sur le sujet, d’autres cherchent à respecter la consigne, d’autres encore recherchent immédiatement des exemples (tableau 8).

Tableau 8

Début du parcours

Début du parcours

* Effectif total : 36

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Pour ce faire, ils déclarent avoir principalement recherché le titre et la thématique (tableau 9), deux informations communément évaluées puisqu’elles permettent l’identification de la ressource (Yang et Marchionini, 2004).

Tableau 9

Évaluation de la deuxième interface (annexe A, figure A.2)

Évaluation de la deuxième interface (annexe A, figure A.2)

* Effectif total : 32

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Sélection finale

Les critères de sélection évoluent en fin de parcours : certains se centrent sur le contenu, d’autres sur les caractéristiques de la ressource, d’autres encore sur l’impact souhaité dans le travail finalisé (tableau 10).

Tableau 10

Sélection finale

Sélection finale

* Effectif total : 36

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On constate l’application d’une procédure rapide d’évaluation : confirmation du titre de la vidéo et mots-clés préférés au résumé (tableau 11).

Ils assurent à 44 % avoir inséré entre 10 et 20 vidéos dans leur dossier, à 25 % moins de 10 et à 15,6 % plus de 20; 16 % ne sont pas en mesure de répondre.

Tableau 11

Évaluation de la notice

Évaluation de la notice

* Effectif total : 36

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Visionnage du contenu audiovisuel

Les étudiants estiment que la vidéo représente une source d’information comme une autre, mentionnant cependant certaines particularités, comme l’obtention d’une multiplicité de points de vue ou d’informations qui ne sont pas toujours accessibles par ailleurs. Cette appréciation est renforcée, selon eux, par un média qui peut faciliter l’acquisition de connaissances et encourager leur adhésion au propos (tableau 12).

Tableau 12

Appréciation du média vidéo dans ce contexte universitaire

Appréciation du média vidéo dans ce contexte universitaire

* Effectif total : 36

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Une proportion de 50 % des étudiants souligne que l’investissement dans la recherche de vidéos n’est pas plus important que pour d’autres médias, notamment lorsque les vidéos sont bien indexées (tableau 13).

Tableau 13

Investissement du temps

Investissement du temps

* Effectif total : 48

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Ils rappellent que les aides qui favorisent un gain de temps dans la tâche de visionnage pallient les contraintes du flux audiovisuel qui ne permettent pas d’estimer rapidement le contenu : « On est obligé de regarder toute la vidéo pour ne pas manquer une information alors qu’on peut parcourir rapidement un texte pour prendre connaissance de son contenu global. » Un étudiant précise : « Il faut rédiger le texte après avoir pris connaissance du contenu, cela augmente le temps même si les vidéos sont courtes. »

Catégorisation des vidéos intégrées

Les dossiers insèrent entre 7 et 66 vidéos issues de la source documentaire indiquée par la consigne. Huit utilisent uniquement des vidéos provenant de cette source. Quatre proposent également des sources externes, dont parfois des ressources non universitaires (par exemple le film L’hermine de Christian Vincent en citant uniquement l’acteur principal), des bandes dessinées (par exemple L’étranger de Jacques Ferrandez, en affichant « Adaptation du roman d’Albert Camus ») ou des génériques de séries policières américaines (hyperliens vers YouTube). Deux dossiers proposent des ressources provenant de ina.fr (archives historiques et extraits de journaux télévisés).

Certains dossiers insèrent moins de 10 vidéos, d’autres plus de 40. On constate, d’une part, que plus le nombre de vidéos augmente, plus on observe la présence de doublons, souvent liés à des sujets centrés sur l’émotion (par exemple « Un métier éprouvant ») ou les médias (par exemple « Twitter un procès ») ou encore à des vidéos dont le montage met en avant l’image (par exemple « Les dessinateurs »). On remarque, d’autre part, que certains dossiers adoptent un plan identique à celui de la source documentaire, c’est-à-dire reprenant les trois rubriques, parfois en conservant leur titre et en résumant leurs contenus. Ces étudiants auraient donc adopté une « stratégie opportuniste » plutôt qu’« optimale de résolution du problème » (Sander et Richard).

Traitements du contenu multimédia

L’une des difficultés résidait dans la gestion de ressources multiples (Perfetti et al., 1999) et la complémentarité des médias dans les dossiers, impliquant des représentations de surface et profondes devant assurer une cohérence pour le lecteur.

Les dossiers se présentent comme des documents multimédias (c.‑à‑d. constitués d’au moins un texte et d’une vidéo ou d’une image). La présentation des vidéos en fait généralement des hypermédias dans la mesure où les sources sont accessibles au moyen de liens hypertextes (Jamet et al., 2008). La consigne indiquait en premier lieu le sujet à traiter et dans un second temps, des suggestions concernant la forme. Dans l’ensemble, les dossiers tiennent compte des indications concernant la restitution de surface, en revanche, la complémentarité des traitements de surface et profonds revêt des expressions très diverses. Par exemple, l’un des dossiers formule une série de questions accompagnées d’un lien sémantique obligeant le lecteur à visionner une vidéo pour « répondre à ces questions et bien d’autres » (figure 4). Le lien reprend le titre proposé par la source, justifiant le fait que certains étudiants auraient recherché des vidéos ayant un « titre explicite » lors de leur sélection finale (tableau 9).

Figure 4

Liens « Questions-réponses »

Liens « Questions-réponses »

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Un autre dossier choisit une proposition similaire en bas de page : « Tu souhaites en savoir plus […] Jette un oeil sur ces deux vidéos! » (figure 5).

Figure 5

« Pour en savoir plus »

« Pour en savoir plus »

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Le développement du propos est parfois remplacé par des listes à puces accompagnées des URL accentuées par le graphisme (figure 6).

Figure 6

Liste à puces

Liste à puces

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Deux autres dossiers réutilisent les propos subjectifs d’un intervenant soit pour nommer le dernier chapitre du dossier, accompagné de l’URL (figure 7 – gauche), soit afin d’introduire le lien hypertexte dans un encadré de bas de page (figure 7 – droite).

La disponibilité en ligne du document audiovisuel encourage l’utilisation de la vidéo en tant qu’« objet » vers lequel on redirige physiquement le lecteur, lui demandant d’effectuer lui‑même une partie du traitement de l’information. Cette pratique s’accompagne d’une absence de données sur le document source et renvoie le lecteur à l’ensemble du document et non à un passage précis.

Modes d’intégration des vidéos

On recense quatre types de présentation. La première se manifeste par des copies d’écran du player de la vidéo insérées dans le texte, avec ou sans lien hypertexte. La deuxième propose des liens hypertextes sémantiques, affichés soit en marge soit dans le corps du texte. La sémantique peut restituer le libellé de la vidéo ou être définie par le sens qu’elle revêt dans la phrase. On trouve également un exemple dans lequel une même vidéo (point de vue d’un avocat sur son rôle) est insérée à deux reprises, par l’intermédiaire d’un lien hypertexte associé à deux termes différents : « rôle » et « idée reçue » (figure 8).

Figure 7

Titres reprenant les propos de l’interviewé

Titres reprenant les propos de l’interviewé

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Figure 8

Utilisation multiple d’une même vidéo

Utilisation multiple d’une même vidéo

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Un troisième type de présentation affiche des listes d’URL copiées-collées depuis le navigateur, localisées dans des encadrés ou en notes de bas de page. Dans l’exemple ci-dessous, une même liste d’URL figure sur deux pages consécutives d’un même chapitre (figure 9), sans que la redondance puisse être immédiatement comprise par le lecteur.

Figure 9

Doublons dans le premier chapitre d’un dossier

Doublons dans le premier chapitre d’un dossier

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On trouve enfin une formulation qui fait office de signalisation pour la tâche à accomplir (« Cliquez pour ouvrir le lien » ou « Vidéo 1 ») sans permettre l’identification de la vidéo. La juxtaposition d’items identiques numérotés (« Vidéo 1 », « Vidéo 2 », etc.) contient huit doublons qui, de fait, ne sont pas immédiatement perceptibles pour le lecteur (figure 10).

Figure 10

Doublons présentés par des numéros

Doublons présentés par des numéros

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L’hypertexte sémantique et l’URL se substituent donc à la formule couramment utilisée pour une citation textuelle – qui serait, par exemple, « comme le souligne Philippe Coire » – accompagnée de sa référence précise. Aucun dossier n’utilise donc le « Comment citer » présent sur Criminocorpus ni ne reporte ces informations.

Bibliographie

Les étudiants estiment qu’une vidéo peut être citée dans une bibliographie (tableau 14).

Tableau 14

Référencement d’une vidéo dans une bibliographie

Référencement d’une vidéo dans une bibliographie

* Effectif total : 36

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Discussion

Afin de mieux connaître les besoins et les difficultés rencontrés par les étudiants lors de leurs recherches de vidéos institutionnelles, une étude a été menée au moyen d’un questionnaire en ligne et d’une analyse textuelle de leurs travaux évalués. Les résultats montrent que l’absence de construction conceptuelle du problème initial et de maintien d’un modèle mental centré sur le but a une influence sur le nombre et la pertinence des vidéos intégrées dans les dossiers. La reformulation précise du sujet (étape 1, Sander et Richard, 2017), confrontée aux possibilités de la source documentaire, était nécessaire afin de permettre la réduction pertinente du corpus (étape 2). Or, pour certains, une recherche d’information lancée à partir d’un but flou a conduit à la restitution synthétique de l’ensemble des ressources. Pour d’autres, l’éloignement du but s’est traduit par une interprétation du sujet proche d’« une représentation particularisée homologue à une situation du monde réel » (p. 252) conduisant à se détourner de la cible en dirigeant l’attention sur des contenus attractifs ou familiers. On constate ainsi l’évocation de films de fiction et de séries télévisées ou encore la citation de vidéos relatives à la presse et aux médias, révélant l’importance accordée aux dimensions émotionnelle (par exemple les témoignages des jurés) et visuelle (notamment l’esthétisme des dessins de procès) jouant le rôle de distracteurs dans l’évaluation de la pertinence des vidéos. Aucune recommandation à destination des plateformes en ligne diffusant le savoir ne semble pouvoir être formulée sur ce point. Étant donné que la difficulté relève des capacités et des compétences des étudiants, la problématique est donc renvoyée vers le domaine pédagogique.

Dans la rédaction des dossiers, on constate une tendance à privilégier une représentation de surface fondée sur des relations visuospatiales. Les recherches d’Hannus et Hyönä (1999) ont révélé que certains étudiants considéraient l’image suffisante pour comprendre le propos et n’opéraient ainsi qu’un traitement superficiel de l’information. L’hypothèse est faite que cette présentation de surface adoptée dans les dossiers a également été estimée suffisante pour certains (Schnotz et al., 2014).

Si l’ensemble des dossiers propose un plan, on observe en revanche une reformulation succincte des contenus audiovisuels, certains dossiers allant parfois jusqu’à n’exposer qu’une série de questions, accompagnée par un usage exacerbé du lien hypertexte, invitant le lecteur à rechercher lui-même les réponses aux questions posées. Le coût cognitif du traitement de l’information audiovisuelle est alors reporté sur le lecteur. Les dossiers s’inscrivent dans ce que Monney et al. nomment « l’esthétique », soit l’application de codes et de normes, sans témoigner de la « compétence », c’est-à-dire une capacité à critiquer les idées de l’auteur et à référencer son argumentaire. Dans ce contexte, le choix des étudiants de privilégier l’interactivité que favorise le numérique par la manipulation de l’hypertexte s’accompagne d’une absence de référencement, pourtant attendu dans l’intégration d’un document dans une production universitaire. L’une des recommandations à destination des plateformes serait d’afficher de façon incitative la référence complète de la vidéo – et non plus une icône cliquable – afin d’encourager les bonnes pratiques. Une attention particulière au nommage de cette mention devrait également être apportée.

Seuls deux dossiers ont produit une bibliographie et une sitographie, alors que les étudiants déclarent posséder les compétences initiales. Il est possible que les étudiants n’aient pas considéré la vidéo comme un document ou que le transfert de compétence documentaire du texte à l’audiovisuel n’ait pas été effectué. Il semble donc intéressant d’attirer l’attention des formateurs et des enseignants sur l’inclusion d’un volet spécifique concernant l’utilisation du document audiovisuel et la citation de vidéos.

L’une des limites de cette étude vient du fait qu’il n’a pas été possible de corréler les tâches de recherche d’information et celles relatives à la production correspondante pour un même individu. Une nouvelle étude sur la problématique du gain de temps, évoquée par les étudiants et exacerbée par les spécificités de la vidéo, semblerait pertinente afin d’accompagner l’amélioration des plateformes.

Les entretiens du corpus audiovisuel de Criminocorpus ont été découpés en courts extraits avec l’objectif d’en faciliter le visionnage, permettant d’envisager une lecture répétée favorisant la compréhension (Amadieu et al.). Or, il apparaît que si ce format court peut renforcer un contrôle du temps et suppléer le rôle des cibles pour la tâche de visionnage, les tâches préalables de sélection, en revanche, peuvent être altérées par le nombre de vidéos à évaluer. L’étendue d’un corpus pourrait donc provoquer une surcharge cognitive et un effet inversé sur la compréhension, laissant envisager qu’un entretien complet séquencé pourrait être plus efficace que la production de vidéos multiples entraînant autant de notices à évaluer et de sujets à corréler. Du point de vue de la plateforme en ligne, ce constat amène à se positionner sur le choix initial du format du document en corrélation avec les problématiques de description et d’intelligibilité du classement.

Enfin, dans une perspective de gain de temps ou de surcharge cognitive, il est possible que certains étudiants aient réutilisé la notice (notamment les mots-clés ou les titres), sans visionner le contenu ou en le survolant. On peut alors penser que la pertinence et la complétude d’une notice qui proposerait à la fois des substituts rapides à évaluer mais également divers services éditoriaux (par exemple le séquençage sémantique, une biographie de l’auteur, etc.) apporteraient une flexibilité soutenant une économie de temps sur les tâches d’évaluation et de sélection, tout en encourageant les tâches d’acquisition d’informations ou de connaissances.