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Professeur de Musicologie et Histoire de la musique à l’Université La Sapienza de Rome, Emanuele Senici s’intéresse à l’opéra italien du « long xixe siècle »[1], à la théorie et l’historiographie de l’opéra – en relation avec les questions des genres musicaux notamment – et au rapport entre opéra et vidéo. Grand spécialiste de Gioachino Rossini, comme démontré, entre autres, par sa direction de l’ouvrage collectif The Cambridge Companion to Rossini (Cambridge University Press, 2004), l’auteur donne le jour en 2019 au livre Music in the Present Tense, où il analyse les opéras italiens de Rossini composés entre 1810 et 1825. Comme il le fait observer, ces opéras étaient destinés spécifiquement au public italien, dans le contexte des tensions politiques et sociales et des transformations idéologiques de l’époque. Mais les idées, les craintes et les espérances des Italiens[2] du début du xixe siècle étaient partagées par les autres populations européennes contemporaines, ce qui explique la rapide diffusion des opéras de Rossini dans les pays d’Europe continentale. L’enquête de Senici s’arrête en 1825, année après laquelle Rossini – qui avait gagné plus de prestige que tous les autres compositeurs de la même époque[3] – n’a plus composé d’opéras italiens ; aussi, les principales caractéristiques du style rossinien consolidées durant cette première période de sa vie ne se sont plus beaucoup développées dans les années suivantes.

Le livre est divisé en deux parties. Dans la première (p. 21-123), l’auteur concentre son attention sur les aspects techniques caractéristiques du style de Rossini, comme l’imitation, la répétition, l’auto-emprunt ou la question du genre musical. Dans la seconde (p. 125-274), Senici aborde des thèmes plus généraux concernant, par exemple, la modernité, le théâtre ou le répertoire, et il contextualise les opéras de Rossini dans le monde culturel de son temps.

Le premier aspect que Senici met en évidence pour illustrer les caractéristiques du style rossinien est l’imitation, étroitement liée à l’expressivité. Cette caractéristique est en outre présentée dans le cadre du rapport entre la musique et les mots. En effet, si l’on considère que – selon la conception esthétique de la musique vocale de la fin xixe siècle-début xxe siècle – le but de la musique est l’implication émotionnelle de l’auditeur, seule la musique qui se trouve dans un rapport d’imitation avec le texte peut exprimer de tels sentiments. Dans le cas de Rossini, chaque nouvel opéra était jugé par les critiques, entre autres, sous cet angle de l’accompagnement musical du texte, en évaluant si l’atmosphère donnée par la musique correspondait à la signification des paroles ou s’il y avait trop de distance entre l’une et l’autre. Cette considération était faite souvent en comparant Rossini avec ses prédécesseurs, spécialement les compositeurs napolitains. Rossini, de ce point de vue, avait souvent une attitude différente de ses prédécesseurs, comme de beaucoup de ses contemporains, par sa tendance à réemployer de la musique composée dans ses pièces antérieures pour l’insérer dans ses nouvelles oeuvres (par exemple, dans la cantate Le nozze di Teti e di Peleo de 1816 ; voir p. 23-30). Parmi les défenseurs de Rossini, le critique Giuseppe Carpani affirmait que la musique devait avoir et suivre sa propre logique et non celle du texte[4].

Un deuxième élément identifié par Senici pour caractériser la musique de Rossini est la répétition. Avec ce terme, on se réfère tant à de petits morceaux qu’à de plus amples parties d’une pièce musicale. Par exemple, le crescendo (qui est considéré comme l’un des éléments les plus typiques des opéras de Rossini depuis l’époque du compositeur) se construit sur la répétition d’une même phrase de l’orchestre toujours plus forte. Une autre des répétitions typiques des opéras de Rossini est celle de la structure formelle des diverses scènes d’un opéra : en effet, les numéros musicaux étaient presque toujours construits selon le schème récitatif-cantabile-tempo di mezzo- cabalette, en déterminant celle qui a été définie comme solita forma. À un niveau encore plus global, les cinq premières farse en un acte du compositeur peuvent être vues elles-mêmes comme la répétition presque identique d’une structure constituée par une introduction, un duetto, une aria, une pièce d’ensemble et un final. Les opéras comiques en deux actes, naturellement, ne représenteraient qu’une expansion de cette structure. Enfin, la tendance à la répétition se retrouve chez Rossini sur le plan des idées musicales. En effet, leur nombre est beaucoup plus limité dans les opéras du compositeur italien que dans ceux de compositeurs comme Paisiello, Cimarosa ou Mayr. L’exemple le plus évident est celui de Il barbiere di Siviglia : dans la version de Paisiello (1782), il y a plusieurs thèmes, alors que chez Rossini (1816), un nombre relativement restreint d’idées musicales est répété tout au long de la composition, quoique néanmoins variées, chaque fois, dans l’harmonie ou dans l’orchestration. À la lumière de ces observations, Senici affirme que la répétition, utilisée dans les opéras de Rossini beaucoup plus que dans ceux de ses prédécesseurs, constitue peut-être le principal trait distinctif de ces opéras (p. 31-53).

Un autre cas d’étude intéressant proposé par Senici est l’opéra L’italiana in Algeri, composé d’abord par Luigi Mosca (1808) et ensuite par Rossini (1813), les deux musiciens se basant sur le même livret d’Angelo Anelli. Comme l’affirme Paolo Fabbri dans sa comparaison entre les deux versions, celle de Mosca présente une nouvelle idée musicale à chaque nouveau moment du texte (une nouvelle strophe, un nouveau personnage, etc.), tandis que celle de Rossini tend – par souci d’économie des moyens – à répéter peu d’idées[5]. Un autre aspect de la répétition que nous avons évoqué est celui lié au crescendo. Parmi les caractéristiques du crescendo de Rossini, Senici met en évidence le fait qu’il repose sur des phrases musicales dans lesquelles la dernière note d’une phrase correspond à la première note de la phrase suivante : cette structure « ouverte » rend naturellement très facile la réitération de la même idée musicale. L’italiana in Algeri est l’un des opéras pouvant fournir les exemples les plus représentatifs de ce type de crescendo et il est significatif qu’il figure parmi les opéras ayant apporté à Rossini une plus grande notoriété (p. 36).

La répétition est étroitement liée à une autre des caractéristiques que Senici identifie comme propres au style rossinien, soit l’emprunt (ou plutôt l’auto-emprunt). Il s’agit de l’insertion, dans une nouvelle oeuvre, de thèmes, de phrases et parfois de numéros entiers déjà présents dans des oeuvres précédentes, soit en les modifiant partiellement, soit en les laissant à l’identique. De Le rossiniane de Carpani, que nous avons déjà mentionné, il apparaît que Rossini avait recours à l’auto-emprunt plus fréquemment que d’autres compositeurs – du moins c’est ce que certains critiques disaient à l’époque – et avec des numéros musicaux tellement remarquables pour leur beauté qu’ils restaient imprimés dans la mémoire de l’auditeur depuis la première écoute[6]. Le fait que Rossini tendait à « recycler » ses idées musicales d’un opéra à l’autre est démontré par le cas célèbre de l’ouverture de Il barbiere di Siviglia (la même que celle de Aureliano in Palmira, 1813, et que celle d’Elisabetta, regina d’Inghilterra, 1815) et par d’autres emprunts moins connus, par exemple le quartetto de La scala di seta (mai 1812) repris dans La pietra del paragone (septembre 1812). Toutefois, à ce qu’affirme Senici, si nous analysons attentivement certains documents de l’époque de Rossini comme les gazettes et journaux nous comprenons que : 1) les critiques qui ne l’appréciaient pas cherchaient à convaincre l’auditeur du fréquent auto-emprunt du compositeur pour le discréditer (positionnement facilité par la faible circulation des partitions qui ne permettait pas la vérification sur pièce) ; et  2) que plusieurs compositeurs avaient recours à cette pratique autant que Rossini et qu’il était seulement attaqué plus ouvertement (et parfois injustement) que les autres (p. 55-69). L’italiana in Algeri et Il turco in Italia (1814) peuvent être pris en exemple des fausses accusations faites au compositeur italien par rapport à l’auto-emprunt : en effet, après la première de Il turco, deux revues milanaises ont considéré l’opéra comme un « réchauffé » de L’italiana, mise en scène quelques mois avant ; or, en réalité, il apparaît rapidement que la musique de Il turco est presque complètement nouvelle, puisque la plupart des idées mélodiques qu’il contient sont différentes de celles de L’italiana (p. 58-59). Si l’auto-emprunt, pour sa présence récurrente dans les opéras de Rossini, a été considéré comme un trait distinctif du style du compositeur, on doit donc toutefois prendre en compte le fait qu’une pièce musicale doit d’abord son identité à des éléments nouveaux, originaux.

Stendhal, avec son regard d’écrivain et de mélomane, a identifié un autre élément incontournable du style rossinien, à savoir la vitesse extraordinaire de beaucoup de ses pièces, qui laissait à chaque écoute l’auditeur enchanté. Pour lui, le revers de cette qualité de la constante brillance des opéras de Rossini est qu’elle ne laisse pas d’impressions durables chez l’auditeur. Quoi qu’on en pense, Senici fait observer que la sempre nuova freschezza rend le compositeur Rossini toujours reconnaissable (p. 71-81), notamment parce que, outre la vitesse relevée par Stendhal, la plupart des idées musicales de Rossini sont caractérisées par leur vivacité et leur fluidité – souvent grâce à des mélodies fraîches et brillantes et à leurs orchestrations inventives.

Une autre question abordée par les contemporains du compositeur est celle du genre musical. En effet, certains critiques observent une sorte de « confusion des genres » (p. 83) caractérisant les opéras italiens des premières décennies du xixe siècle ; dans le cas spécifique de Rossini, l’écrivain Michele Leoni, qui vécut dans la première moitié du xixe siècle, affirme que sa musique n’appartient à aucun genre musical (ibid.)[7]. Pour expliquer ces critiques, Senici s’arrête à l’exemple de La pietra del paragone. Un commentaire à propos de la première de cet opéra a souligné que les moments de gravité, de passion et de sérieux du point de vue de la mélodie, de l’harmonie ou de l’orchestration (voir, par exemple, le récitatif « Oh come il fosco » ou l’épisode a cappella à l’intérieur du quatuor « Voi volete e non volete ») contrastent avec des emprunts à l’opera buffa. À cet égard, on pourrait penser à plusieurs autres oeuvres, comme les opéras Maometto II de 1820 (dans lequel le puissant et redouté sultan ottoman est présenté par une musique parfois très drôle) ou Semiramide de 1823 (dans lequel, après l’apparition de l’esprit de Nino, il y a un choeur de joie comme dans le final d’une opera buffa). Encore une fois, Carpani défend Rossini avec sa théorie selon laquelle la musique doit avoir sa propre raison d’être, au-delà du texte et du genre. Cette réflexion peut être reliée à la tendance (croissante, au long du xixe siècle) à surpasser les limites des genres (par exemple, la symphonie avec choeur comme La Neuvième symphonie de Beethoven ou La Deuxième symphonie de Mahler), notamment en créant des oeuvres mélangeant plusieurs genres différents (p. 83-102). Cette tendance n’implique pas seulement la musique, mais aussi les arts figuratifs et la littérature : par exemple, les tableaux de certains peintres se rapprochent du réalisme de la sculpture (comme Le Radeau de la Méduse de Théodore Géricault de 1819) ; certaines statues, de leur côté, cherchent à reproduire les jeux entre les lumières et les ombres typiques de la peinture (comme la Vénus italique d’Antonio Canova de 1804) ; et dans le domaine littéraire, on assiste parfois à l’insertion de moments presque « poétiques » à l’intérieur d’oeuvres en prose (comme le célèbre « Addio, monti » dans I promessi sposi d’Alessandro Manzoni, dont la première édition est de l’année 1825).

Après ces considérations sur le style et le genre musical, Senici évoque deux autres caractéristiques qui concernent les domaines de la dramaturgie et du bruit. Pour ce qui est du premier aspect, nombreux sont les personnages dans les opéras de Rossini qui portent un « masque », c’est-à-dire qui se font passer pour quelqu’un d’autre, comme dans Il barbiere di Siviglia ou dans La Cenerentola (1817). De cette façon, l’objectif d’une mise en scène n’est pas de représenter ce qui se déroule en dehors du théâtre de la vie, mais de représenter le théâtre même, en créant une dimension de « méta-théâtre » (p. 103-114). En ce qui concerne le bruit, Senici note que les critiques évoquent souvent le fait que ses opéras ont des sonorités trop fortes, probablement pour imiter le style allemand. Si ce reproche n’était pas présent dans les premières années de la carrière du compositeur, il devient fréquent à partir de la mise en scène de La gazza ladra (1817), définie dans la Gazzetta di Milano du 2 juin 1817 comme un opéra trop « bruyant »[8], probablement en raison de l’intensité très élevée qui caractérise plusieurs moments de cet opéra (on peut penser, par exemple, à son ouverture ou à son final). Parmi les explications données sur ce point, une gazette de 1826 a observé que le but de Rossini était de représenter sur la scène la pollution acoustique du monde qui lui était contemporain, la nuisance sonore étant souvent liée aux guerres qui faisaient rage dans l’Italie et l’Europe à son époque (p. 117-123). Certains spécialistes contemporains, de leur côté, ont expliqué la sonorité parfois très élevée des opéras de Rossini comme le point d’arrivée d’une « révolution » du timbre commencée par Joseph Haydn[9].

Dans la seconde partie de son livre, Senici offre un aperçu du monde culturel dans lequel ces opéras ont été composés. En analysant les oeuvres littéraires des auteurs italiens de la fin du xviiie siècle et du début du xixe siècle (Ugo Foscolo et Giacomo Leopardi notamment), il observe que les sentiments et les émotions qui imprègnent les classes moyenne et supérieure de l’Italie de ce temps-là sont principalement de l’ordre de la confusion, de l’impuissance et de la mélancolie, à cause des grands changements politiques (conquêtes napoléoniennes, Restauration et guerres d’indépendance) et, plus généralement, de l’arrivée de la modernité (p. 127-139). C’est dans cette perspective que nous devons interpréter le concept de « méta-théâtre rossinien », mentionné plus haut. L’italiana in Algeri est l’un des opéras qui mettent en valeur cette dimension. En effet, quand les personnages d’Isabella et son compagnon Taddeo arrivent à Alger après avoir été enlevés par les corsaires, l’un simule être l’oncle de l’autre ; ensuite, après qu’Isabella a vu l’un de ses anciens compagnons (Lindoro) dans le palais du gouverneur, les deux font semblant de ne pas se connaître et prennent du temps pour organiser leur fuite. Cette fiction mise en scène au sein de l’opéra, qui est déjà en soi une fiction, constitue une forme de « théâtre dans le théâtre ». Cela représente une dimension particulière des opéras de Rossini pouvant être expliquée par rapport à la situation sociopolitique de son temps, sous la forme d’une critique de la réalité. L’italiana in Algeri contient ainsi des références intéressantes à analyser par rapport à cette situation. Isabella représente non seulement l’esprit – un peu stéréotypé – de la femme italienne, dont le bey tombe amoureux, mais elle constitue surtout la personnification du patriotisme italien : la femme et l’ensemble des esclaves qui veulent échapper au bey d’Alger représentent l’Italie du Risorgimento voulant se libérer une fois pour toutes des dominations et des oppressions étrangères. Le méta-théâtre constitue donc une réponse et une contribution artistique à destination d’une société italienne ébranlée par les événements politiques : les dimensions vivante et méta-théâtrale créées par les opere buffe de Rossini, mises en relation avec un monde qui, au contraire, ne peut pas être compris, parce qu’écartelé sur les plans politiques et sociaux tout en étant habité par des êtres humains ayant perdu les dimensions spatiales et temporelles de leur trajectoire sur terre, permettent d’apporter un éclairage. Les opéras de Rossini n’imitaient donc pas la réalité, mais cherchaient à maintenir distance et objectivité par rapport au monde réel (p. 141-155).

Il est intéressant de noter que les opéras de Rossini, malgré les critiques qui souvent en accompagnaient la diffusion, ne dominaient pas seulement les théâtres, mais étaient souvent joués et chantés en dehors, dans des milieux tant publics que privés. Les compositions rossiniennes se diffusaient notamment grâce aux nombreux arrangements et adaptations dont elles étaient l’objet : les partitions pour voix et piano étaient certainement les plus utilisées, mais on pouvait trouver en circulation aussi celles pour piano seul et pour d’autres instruments comme la flûte, la guitare ou les instruments à cordes. En outre, les partitions des « morceaux favoris », souvent faciles à mémoriser, se diffusaient davantage que celles des opéras entiers (p. 161-178). Parmi ces morceaux célèbres, il y a, en particulier, l’aria « Di tanti palpiti » (Tancredi, 1813) que Senici prend pour cas d’étude en considération de l’énorme succès qu’il a connu dans les années suivant la première de l’opéra. L’aria de Tancredi, reprise de plus en plus – probablement dans des versions parfois plus brèves et plus simples –, a donc été largement mémorisée, perdant de cette façon son identité originale d’air d’opéra pour presque devenir une chanson populaire. Quelle que soit la raison pour laquelle cette aria, plutôt que d’autres, connut une telle popularité, ce cas démontre que la mémorisation a joué un rôle fondamental pour la diffusion des mélodies rossiniennes dans l’Italie du début du xixe siècle (p. 179-201). De cette dernière considération émerge une nouvelle acception du terme « répétition » qui permet de compléter la description des caractéristiques des opéras de Rossini : nous avons expliqué la pensée de Senici sur le fait que le style du compositeur est répétitif parce qu’il est marqué, à l’intérieur d’un opéra ou à travers plusieurs opéras, par la présence réitérée des mêmes thèmes, des mêmes phrases ou des mêmes idées musicales. Naturellement, la musique de Rossini était perçue parfois comme répétitive aussi parce qu’elle était déjà familière dans plusieurs et différents milieux des classes moyenne et haute italiennes (p. 210), et l’une des raisons pour lesquelles cette musique a pu se diffuser d’une telle manière est, sans doute, le plaisir qu’elle suscitait chez les auditeurs. Malgré l’opinion contraire de certains critiques, les compositions de Rossini produisaient un effet de vivacité, d’électricité et d’ivresse parmi ceux qui les écoutaient. L’un des témoignages à cet égard est celui du poète Giacomo Leopardi, qui a mis en relation la répétition des opéras de Rossini, le plaisir qu’ils produisaient ainsi que leur popularité (p. 215-229).

Pour conclure, on peut dire que Music in the Present Tense constitue l’un des ouvrages les plus originaux dans le cadre des études rossiniennes. Au cours des dernières années, les recherches sur Rossini ont beaucoup avancé, notamment sur les plans de l’étude philologique de ses compositions et de la redécouverte de lettres et d’autres anciens documents. Avec ce livre, Senici effectue une sorte de synthèse de cet avancement considérable des études rossiniennes, tout en apportant plusieurs nouveautés. Un point remarquable est le fait qu’il décide de se concentrer sur une période très limitée de la carrière du compositeur italien : les quinze années allant de 1810 à 1825 sont effectivement les années cruciales durant lesquelles son style se définit de manière précise ; le choix de Senici de se limiter à cette période se révèle donc approprié. Deuxièmement, contrairement à beaucoup d’autres études sur Rossini, bien qu’importantes, le livre de Senici offre une analyse détaillée de tous les éléments, les concepts et les paramètres qui rendent unique et reconnaissable le style rossinien, et permet de prendre conscience de toutes les caractéristiques stylistiques et sociales des compositions de Rossini ; il offre ainsi une compréhension approfondie de l’art de ce compositeur. Enfin, une autre particularité de Music in the Present Tense est, comme le suggère le titre, la volonté de l’auteur de considérer les opéras à la lueur de l’époque où ils ont été composés. Senici insère dans son livre les divers commentaires extraits de journaux, gazettes et revues du xixe siècle des critiques et intellectuels de ce temps-là à propos des opéras de Rossini. Cela permet de replacer les compositions dans le milieu culturel de leur époque et de retracer en profondeur les opinions que les contemporains du compositeur avaient de lui, ce qui permet de restituer remarquablement au lecteur la réception de la musique de Rossini in the present tense.