Chroniques de droit international

Chronique de jurisprudence québécoise en droit international public[Record]

  • Vanessa Tanguay

Avocate, B.A. en relations internationales et droit international (2010), LL.B. (2012), Université du Québec à Montréal; LL.M. (2016), Université de Sherbrooke; Candidate au doctorat, D.C.L., Université McGill.

L’année 2016 a offert quelques décisions des tribunaux québécois et de la Cour suprême invoquant le droit international public. Pour les fins de cette chronique, nous avons identifié les décisions les plus pertinentes en raison de la mobilisation de sources internationales et/ou étrangères dans leur raisonnement. Cette année, l’activité judiciaire en cette matière se distingue des années antérieures : les décisions référant au droit international public sont moins nombreuses. Toutefois, certaines situations ont donné l’occasion aux tribunaux de se prononcer sur des questions qu’ils n’avaient jamais, ou peu souvent, eu à examiner. En plus des catégories habituelles de droits et libertés de la personne (I) et de droit pénal (II), les tribunaux ont discuté des immunités et privilèges des organisations internationales (III) et des règles relatives aux tarifs douaniers des importations internationales (IV). Chaque année, les demandes fondées sur la Charte canadienne des droits et libertés et la Charte québécoise des droits et libertés de la personne sont celles qui se réfèrent le plus naturellement et fréquemment au droit international public. Les tribunaux sont de plus en plus à l’aise avec l’idée de recourir au droit international dans les cas de violation de droits fondamentaux. Cela découle sans doute du fait qu’il est reconnu et accepté que les droits et libertés garantis par la Charte québécoise et la Charte canadienne s’interprètent à la lumière des instruments internationaux qui offrent des garanties similaires. Les tribunaux maintiennent que le droit interne doit être considéré conforme au droit international et offrant une protection au moins aussi grande, à moins que le législateur en ait prévu expressément autrement. Même s’il s’agit d’une pratique fermement établie, le risque de se référer au droit international de façon superficielle demeure. En effet, les références sont souvent très succinctes, visant simplement à rappeler que les droits en litige s’inscrivent dans un système de protection des droits fondamentaux qui est à la fois national et international. La décision Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse(Awounou) c Lessard illustre cette situation. Dans cette affaire, le Tribunal des droits de la personne (TDP) était appelé à se prononcer, dans le cadre d’un refus de louer un logement, sur un cas de discrimination fondée sur l’origine ethnique ou nationale. Le TDP a identifié le droit au logement comme étant un besoin fondamental, appuyé par l’article 11 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels qui prévoit le droit à un logement suffisant. Pour bien ancrer cette référence et afin qu’elle enrichisse le raisonnement, il aurait été intéressant que le TDP profite de l’occasion notamment pour souligner que ce droit a été interprété comme devant être garanti sans discrimination. Ce survol des références internationales sans mobilisation concrète s’inscrit dans une critique que nous avons faite dans les chroniques précédentes quant à l’utilisation des instruments internationaux. Nous croyons que l’utilisation du droit international en droit interne, même dans le cas d’atteintes aux droits fondamentaux, doit être faite de façon logique et cohérente, avec toutes les nuances qui s’imposent. En 2016, deux décisions doivent être soulignées pour leur recours au droit international afin de déterminer le sens de la dignité en interaction avec les autres droits de la personne. Le parcours emprunté par les tribunaux pour la compréhension des références à la dignité dans les chartes québécoise et canadienne n’a pas été de tout repos. La Cour suprême du Canada a eu de la difficulté à mobiliser la dignité de façon cohérente et adéquate dans sa compréhension du droit à l’égalité. La jurisprudence du TDP considère la dignité humaine à la fois comme valeur sous-jacente, comme objet …

Appendices