Recensions

Alain Deneault, De quoi Total est-elle la somme? : Multinationales et perversion du droit, Montréal, Ecosociété, 2017[Record]

  • Gabrielle Comtois

Candidate au Baccalauréat en droit international et relations internationales, UQAM.

L’avènement de la mondialisation entraîne la montée en puissance d’une myriade d’acteurs non-étatiques, dont les activités s’étendent partout à travers le globe. Cette nouvelle réalité vient défier la vision traditionnellement stato-centré des relations internationales et les intellectuels développent le concept de « relations transnationales » afin de mieux rendre compte de la multiplicité des acteurs agissant désormais sur la scène internationale. Parallèlement, le droit national et international encadrant les activités de ces nouveaux acteurs peine à s’adapter à la rapidité croissante avec laquelle évoluent les interactions transfrontalières. Dans son ouvrage, De quoi Total est-elle la somme?, Alain Denault, docteur en philosophie de l'université Paris-VIII et directeur de programme au Collège international de philosophie à Paris, se penche sur la façon dont certaines multinationales instrumentalisent les failles du droit afin d’orchestrer des activités criminelles à l’échelle mondiale, en toute impunité. Au cours de sa carrière, Alain Denault enseigne à l’Université du Québec à Montréal ainsi qu’à l’Université de Montréal. Il publie également plusieurs ouvrages, qui sèment la controverse : « En 2008, Barrick Gold poursuit Écosociété et les auteurs de Noir Canada, Alain Deneault et ses collaborateurs Delphine Abadie et Wiliam Sacher, pour 6 millions de dollars, soit 5 millions de dollars à titre de dommages moraux et compensatoires, plus 1 million de dollars à titre de dommages punitifs ». Cette poursuite-bâillon représente un exemple frappant des risques auxquels s’exposent les auteurs qui, comme Alain Denault, persistent à dénoncer les actions frauduleuses des multinationales. Alors que le réchauffement climatique causé par pollution et la surexploitation des ressources naturelles exercent des pressions plus marquées que jamais sur les populations, entraînant migrations forcées et catastrophes naturelles, Alain Denault insiste sur l’importance de contraindre les multinationales à assumer leurs responsabilités en matière environnementale et sociale. Dans De quoi Total est-elle la somme?, l’auteur s’emploie à décortiquer, dans une perspective critique, le motus operandi de la multinationale pétrolière et gazière française Total. Pour Alain Deneault, l’impunité de Total passe principalement par la corruption des États dans lesquels elle et ses filiales sont établies. Il expose la façon dont ces liens de connivence permettent à la multinationale d’influencer les législateurs nationaux et de développer des « enveloppes juridiques » sur-mesure afin d’entreprendre des activités telles que le trafic d’armes ou encore l’évitement fiscal, en toute légalité. À la manière d’un livre d’instruction, l’auteur présente, à chacun des chapitres de son ouvrage, un aspect différent de la stratégie déployée par Total afin d’assurer sa mainmise sur les marchés mondiaux : comploter, coloniser, collaborer, corrompre, conquérir, délocaliser, pressurer, polluer, vassaliser, nier, asservir et régir. L’ampleur des données colligées, que ce soit en termes de témoignages, de documents d’archives, d’articles de presse, de films documentaires ou encore de jurisprudences, donne d’autant plus de poids au sombre portrait dressé par l’auteur. Au fil de son ouvrage, l’auteur expose les différentes façons dont Total est parvenue à passer entre les mailles du filet juridique. Dans un premier temps, Deneault retrace l’histoire de la multinationale française et explique la manière dont celle-ci est parvenue à établir son vaste empire pétrolier. Dans un deuxième temps, l’auteur se base sur la situation d’États tels que le Nigéria afin d’illustrer la façon dont la multinationale française exploite les failles du droit afin de mener librement des activités causant la destruction d’écosystèmes entiers. Finalement, à travers plusieurs cas dont celui des travailleurs birmans, l’auteur dénonce les violations massives et systématiques des droits humains perpétré par Total dans les pays où opèrent ses filiales. Créée par la France au lendemain de la Première Guerre mondiale dans le but d’assurer son approvisionnement en pétrole, la multinationale …

Appendices