Recensions

Anne Lagerwall, Le principe ex injuria jus non oritur en droit international, Bruxelles, Bruylant, 2016[Record]

  • Marc-Antoine Gignac

Bachelier en études internationales de l’Université de Montréal, actuellement étudiant au baccalauréat en droit de l’Université de Montréal.

Il est de coutume dans le milieu juridique d’utiliser des expressions latines, que ce soit par efficacité, par coquetterie ou pour ajouter un poids supplémentaire à notre propos. De toutes ces phrases issues de la langue de Virgile, c’est à la maxime ex injuria jus non oritur qu’a choisi de s’attaquer Anne Lagerwall. professeure à l’Université libre de Bruxelles et attachée au centre de droit international et de sociologie appliquée au droit international, Mme Lagerwall est spécialiste des rapports entre différents ordres juridiques au sujet de l’application du droit international. Son récent ouvrage s’inscrit parfaitement dans la lignée de ses études sur les règles de droit sous différents angles d’approche (positiviste, féministe, critique, etc.). L’analyse du principe ex injuria non oritur le situe de manière tant historique que juridique ou pratique, en le confrontant à la réalité actuelle du droit international. Après avoir défini ce qu’est un principe (qui peut être confondu tantôt avec la maxime, tantôt avec la norme ou encore la coutume), l'auteure fonctionnera de manière inductive; ce n’est pas le principe ex injuria jus non oritur qui définit le droit, mais plutôt les normes existantes qui, ensembles, « créent » un principe par lequel les acteurs du droit international se sentent liés. Les principes comme celui-ci sont notamment utilisés dans les systèmes juridiques disposant de peu de normes (dits « primitifs »), comme le système juridique international actuel. En l'espèce, le principe implique qu'un fait illicite ne peut pas, en théorie, engendrer de droit, car ce nouveau droit viendrait consolider le fait illicite. L'auteure soutient, par exemple, qu'il est généralement admis que les informations obtenues de façon illicite sont non-recevables devant un tribunal; les accepter reviendrait en quelque sorte à légitimer les fouilles et perquisitions abusives. De fait, l’auteure adopte une posture plutôt souple par rapport au principe et à son application. D’une part, elle stipule que rien ne sert de l’appliquer coûte que coûte, mais que, d’autre part, son existence ne peut être niée. Si les acteurs du droit international semblent accepter des accros au principe ex injuria jus non oritur, nous devons l'interpréter comme donnant au principe une portée restreinte, quoique bien réelle. Le but du principe est, au final, d’établir un compromis entre légalité et effectivité du droit face à un comportement illicite susceptible d’engendrer du droit. C’est précisément ce dilemme que la professeure Lagerwall tente de résoudre dans son analyse, dilemme soulevant tensions, oppositions et contradictions. L’ouvrage se divise en deux parties, chacune divisée en deux sous-parties. La première partie vise à démontrer l'existence du principe, alors que la seconde partie viendra analyser le principe ex injuria jus non oritur au regard de la réalité et des différentes écoles de pensées et schémas théoriques. Partant donc des origines du principe ex injuria jus non oritur, l'auteure soutient que cette formulation, n’est pas reconnue formellement en droit international, et que seuls quelques jugements des cours de justice internationales l’ont mentionné, majoritairement dans des opinions individuelles ou dissidentes. Ainsi, cette maxime ne crée pas de droit en elle-même, mais elle évoque un principe général auquel on peut se référer. Néanmoins, selon Lagerwall, il serait vain et erroné d’appliquer le principe de façon rigide, et il convient d’évaluer à quel point le fait illicite est relié au droit. Plus le droit généré est lié au fait illicite, moins il doit être reconnu, car il viendrait justifier l’état de fait illicite. Bien que le principe ex injuria jus non oritur s’oppose au principe ex factis jus oritur, l’auteure reconnaît certaines situations où un fait illicite pourrait engendrer un droit, soit parce que le droit …

Appendices