Recensions

Anne-Charlotte Martineau, Le débat sur la fragmentation du droit international : une analyse critique, Coll de droit international, Bruxelles, Bruylant, 2016[Record]

  • Valérie Chevrier-Marineau

Candidate à la maîtrise en droit, Université de Sherbrooke.

Dans le contexte international de la décennie 1990, marquée par des évènements traumatisants de par leur niveau de violence, passant de violations des droits de l’homme, à massacres de masse, puis à génocides, le droit international n’a eu d’autre choix que de tenter de se renouveler à la fin du XXe siècle afin de restaurer la confiance de la communauté internationale. Cette tentative de renouvellement a donc permis à plusieurs visions internationalistes de se former et de se confronter sur la scène juridique mondiale, créant ainsi « le sentiment que les catégories juridiques traditionnelles ne sont plus à même de traduire les rapports sociaux et les configurations du pouvoir ». De là, une érosion de plus en plus marquée des fondements instaurés par Westphalie comme base du stato-centrisme propre au système international se font sentir, provoquant ainsi une véritable fragmentation au sein du droit international. En fait, cette fragmentation est plus souvent comprise comme étant le coeur d’un « débat doctrinal, au sein duquel les auteurs s’interrogent sur le maintien de l’unité et de la cohérence du droit international public ». Ainsi, la fragmentation du droit international est un débat dont les controverses qui le construisent, depuis la fin des années 1990, sont loin d’être éteintes. C’est justement ce qui justifie la pertinence et l’intérêt de l’ouvrage scientifique ici étudié, soit Le débat sur la fragmentation du droit international : une analyse critique. Cet ouvrage publié en 2016 est en fait la thèse d’Anne-Charlotte Martineau, qui était alors candidate au doctorat à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne et à l’Université d’Helsinki, et qui est aujourd’hui chargée de recherche en droit international à l’Institut Max-Planck. L’ouvrage de la docteure propose de se pencher sur le débat entourant la fragmentation du droit international, mais dans une toute nouvelle optique. En effet, à l’heure où le droit international semble se diviser, enfonçant le débat de plus en plus, au sens où les positions concurrentes seraient tout simplement irréconciliables, Martineau recentre la discussion à un tout autre niveau. En fait, elle ne vient pas ici prendre position dans le débat doctrinal, mais plutôt soumettre une analyse critique de ce phénomène en se situant au niveau métathéorique de ce dernier. Dans cet ordre d’idées, la méthodologie préconisée par Martineau est représentative de cette approche métathéorique, ce qui apporte effectivement un élément nouveau au débat, au sens où elle cherche à montrer que l’impossibilité de trancher dans ce dernier ne relève pas d’un problème épistémologique, mais plutôt de la structure argumentative du droit international. Dans cette optique, elle a décidé de poursuivre l’objectif de sa thèse, soit de déconstruire le débat, et ce de trois façons : en adoptant une attitude critique, en replaçant la discussion dans une perspective diachronique, puis finalement en remettant la fragmentation dans une perspective structurelle. De là, s’inscrivant dans le courant critique des New Approaches to International Law (NAIL), l’ouvrage recensé, par son approche « structuraliste, déconstructiviste et anti-libérale », est tributaire d’une critique prononcée à l’égard non seulement du libéralisme politique, mais également de l’idée de la primauté du droit sur la politique. Ainsi, l’auteure présente et déconstruit quatre « idéal-types », autrement dit quatre positions clés du débat, soit le constitutionnalisme, le pluralisme, le différentialisme et finalement le pragmatisme. Le premier chapitre de l’ouvrage est consacré à la position constitutionnaliste. Dès le départ, Martineau offre une variété de définitions formulées par plusieurs auteurs partisans de l’approche, afin d’assurer une compréhension effective pour le lecteur. On peut alors résumer brièvement le projet constitutionnaliste au niveau mondial en affirmant que ce dernier « vise à assurer la prééminence du droit …

Appendices