Abstracts
Résumé
Cette contribution est centrée sur la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), pierre angulaire de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (la Convention). La Convention a créé la CEDH. Elle avait aussi institué la Commission européenne des droits de l’homme. Ce n’est pas diminuer les mérites de cette dernière, qui a joué un rôle important de 1954 à 1999, année de sa suppression, que d’affirmer celui, prééminent, de la CEDH. La contribution insiste sur les relations entre la Convention et la CEDH, « sa Cour ». Elle examine en premier lieu la place de la CEDH dans la Convention, puisque la CEDH, organe juridictionnel, est le rouage qui permet d’assurer le respect par les États parties des obligations découlant de la Convention et de ses Protocole. La Convention détaille la compétence de la CEDH, et par la même son indépendance et sa souveraineté. Elle définit l’autorité des décisions de la Cour, leur caractère exécutoire ; même si les organes étatiques et notamment les tribunaux nationaux appliquent et interprètent la Convention, c’est la CEDH qui est l’ultime recours : par sa jurisprudence elle a le dernier mot, et assure l’effectivité de la Convention. En second lieu est analysée la place éminente (mais non exclusive) de la Convention dans la jurisprudence de la Cour. La Convention doit être interprétée par la CEDH pour que celle-ci puisse jouer son rôle juridictionnel (et accessoirement consultatif). Cette interprétation depuis les débuts dans les années 1950 a été largement créatrice. La jurisprudence a développé des concepts autonomes, indépendants des droits nationaux. Elle a regardé la Convention comme un instrument vivant, à comprendre à la lumière des conditions de vie qui changent dans le temps. L’interprétation de la CEDH se veut réaliste et non théorique. Elle est libérale (les exceptions à la liberté sont entendues de façon étroite). Elle a assoupli les règles habituelles de preuve dans un sens favorable aux requérants et non aux États défendeurs. La jurisprudence a affirmé que ceux-ci, au-delà de la non-violation des droits de la Convention, sont tenus à des obligations positives. En revanche, elle a admis une marge nationale d’appréciation, évitant une lecture trop uniforme des libertés conventionnelles et de la façon de les garantir. La Convention n’est pas la seule source du droit dégagé par les décisions de la CEDH, qui applique le droit international général, tel qu’il résulte de nombreux traités importants, et aussi de la soft law (textes non obligatoires de différents organes européens ou mondiaux). Elle enrichit ainsi le sens de la Convention, qui ne se situe nullement dans un vide juridique ou dans un monde à part. La conclusion est un hommage rendu à la CEDH. Elle a respecté et respecte le grand texte qu’est la Convention, mais sans la sacraliser et en s’efforçant de la revisiter sans cesse. Puisse-t-elle durer longtemps !
Abstract
This contribution is centred around the European Court of Human Rights (ECHR), cornerstone of the Convention for the Protection of Human Rights and Fundamental Freedoms (the Convention). The Convention created the ECHR. It also established the European Commission of Human Rights. To affirm the preeminent role of the ECHR is not to diminish the merits of the latter, which played an important role from 1954 to 1999, year of its suppression. The contribution insists on the relations between the Convention and the ECHR, “its Court”. It examines, first of all, the place of the ECHR in the Convention, since the ECHR, a judicial body, is the mechanism which ensures the Member States’ compliance with the obligations deriving from the Convention and its Protocols. The Convention details the jurisdiction of the ECHR, and in doing so, its independence and sovereignty. It defines the authority of the Court’s decisions, their enforceable nature. Even if the state bodies including the national courts enforce and interpret the Convention, the ECHR is the last resort: because of its jurisprudence, it has the final say and safeguards the effectiveness of the Convention. Second, the prominent (yet not exclusive) place of the Convention in jurisprudence of the Court is analyzed. The Convention must be interpreted by the ECHR in order for the latter to play a judicial role (and incidentally advisory). This interpretation since the beginning of the 50s has been largely creator of the Court’s future. Its jurisprudence developed autonomous concepts, independent from national rights. It viewed the Convention as a living instrument, which must be understood in light of the living conditions that change with time. The interpretation of the ECHR is meant to be realistic and not theoretical. It is liberal (the exceptions to freedom are meant to be interpreted narrowly). It relaxed the traditional rules of evidence in a favorable way to the applicant and not to the respondent State. The jurisprudence has stated that the latter, beyond the non-infringement of rights of the Convention, were held accountable for positive obligations. However, it admitted a national margin of appreciation, avoiding an inflexible interpretation of conventional freedoms and of the way to guarantee them. The Convention isn’t the only source of law that applies general international law, as ensues from many important treaties, as well as soft law (non-binding texts from different European or international bodies). It thus supplements the Convention, which is clearly not in a legal vacuum or in a different world. The conclusion is a tribute to the ECHR. It has respected and continues to respect the great text that is the Convention, but without making it sacred and by continuously endeavoring to revisit it. May it last a long time!
Resumen
Esta contribución se centra sobre la Corte europea de derechos humanos (CEDH), fundamento del Convenio europeo para la protección de los derechos humanos y de las libertades fundamentales (la Convención). La Convención creo la CEDH. También instituyo la Comisión europea de los derechos humanos. No es para disminuir los merites de la Comisión, que tuvo un papel importante de 1954 a 1999, año en el que fue suprimida, pero afirmamos el mérito preeminente de la CEDH. La contribución insiste sobre las relaciones entre la Convención y la CEDH, “su corte”. Examina en primer lugar el puesto atribuido a la CEDH en la Convención, porque la CEDH, cuerpo judicial, es el vehículo que permite asegurar el respeto de las obligaciones que emanan de la Convención y de sus protocolos por los Estados parte. La Convención da los detalles sobre la competencia de la CEDH y también sobre su independencia y su soberanía. Define la autoridad de las decisiones de la Corte, su exigibilidad; aunque las instituciones del Estado y los tribunales nacionales aplican y interpretan la Convención, la CEDH es el último recurso; con su jurisprudencia, tiene la última palabra y permite la efectividad de la Convención. Analiza, en segundo lugar, el puesto eminente (pero no exclusivo) de la Convención en la jurisprudencia de la Corte. La Convención tiene que ser interpretada por la CEDH para poder tener un papel jurisdiccional (y de paso consultativo). Desde el principio de los años 1950, esa interpretación fue extensamente creativa. La jurisprudencia desarrollo conceptos autónomos, independientes del derecho nacional. Vio la Convención como un instrumento vivo, que debe entenderse de manera diferente a través del tiempo, según las condiciones de vida. La interpretación de la CEDH aspira a ser realista y no teórica. Es liberal (las excepciones a las libertades son entendidas de manera estrecha). Suavizo las reglas habituales de evidencia en un sentido favorable para los solicitantes y no para los Estados acusados. La jurisprudencia afirmo que los Estados, además de no tener que violar los derechos de la Convención, están sujetos a obligaciones positivas. Sin embargo, admite una margen de apreciación nacional, para impedir una lectura muy uniforme sobre las libertades convencionales y sobre la manera de garantizarlas. La Convención no es la única fuente de derecho establecida por las decisiones de la CEDH, que también aplica el derecho internacional general, tal como resulta de mucho tratados importantes, y la soft law (textos de diferentes organismos europeos o mundiales que no son obligatorios). De esa manera, enriquece el sentido de la Convención, que no está en un vacío jurídico o en otro mundo. La conclusión es un tributo a la CEDH. Esta ha respetado y sigue respetando el gran texto que es la Convención, pero sin santificarla y esforzándose de revisitarla sin cesar. ¡Que dure mucho tiempo!
Article body
La Convention européenne des droits de l’homme (plus précisément Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales[1] (ci-après, « la Convention ») a été signée au Palais Barberini à Rome le 4 novembre 1950. Elle fête donc ses soixante-dix ans le 4 novembre 2020. Le texte qui va suivre est ma contribution au numéro spécial que la Revue québécoise de droit international consacre à cet anniversaire, et je l’en remercie. Mes remerciements et mes compliments vont aussi aux initiateurs de ce projet.
La pierre angulaire de la Convention est la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après, « la Cour »), que la Convention a instituée. L’affirmer ne diminue pas les mérites de la Commission européenne des droits de l’homme (ci-après, « la Commission »), elle aussi instituée par la Convention (article 19, a). De 1954 à 1999, la Commission, composée de membres souvent éminents, a déployé en pleine indépendance une activité remarquable et jeté les bases de l’interprétation de la Convention, notamment pour les questions de compétence et de recevabilité des saisines étatiques et surtout des requêtes individuelles. Sa suppression en vertu du Protocole n° 11 à la Convention, voulue par les États parties, n’a été en rien un désaveu de cet organe, qui a fonctionné quarante-cinq ans, en parallèle avec la Cour elle-même. Celle-ci est un peu plus jeune que la Convention : dans les faits elle a commencé à exister en 1959, et a rendu son premier arrêt à la fin de 1960, il y a soixante ans.
Pour la Cour, il m’a semblé inutile de reprendre sa description (sa composition, son organisation, son fonctionnement ou encore sa procédure). Les lecteurs de cette Revue les connaissent suffisamment.
Plus intéressante est une approche reposant sur les relations, en quelque sorte dialectiques, en tout cas réciproques, entre la Convention et « sa » Cour, puisque si la Convention existe et pourrait vivre sans la Cour, l’existence de cette juridiction et sa production juridique donnent à la Convention une effectivité et une influence très supérieures. La Cour, gardienne de la Convention, pourrait-on dire.
Vont être examinées la place de la Cour dans la Convention, puis celle de la Convention dans la jurisprudence de la Cour.
I. La place de la Cour dans la Convention
Dès le texte originel, la Cour est mentionnée comme un rouage essentiel du mécanisme de protection des droits mis en place par la Convention. Elle est instituée par celle-ci à l’article 19 b) et de nombreux autres articles décrivent la Cour et définissent son rôle, sa compétence et ses pouvoirs. Il faut se rappeler que la création de la Cour, organe pleinement juridictionnel et juridiquement contraignant, a été obtenue de haute lutte lors de l’élaboration de la Convention en 1949-1950, au sein du tout jeune Conseil de l’Europe[2]. De fortes réticences s’étaient exprimées à son égard, notamment britanniques.
Dans le texte actuel[3], la Cour apparait à nouveau à l’article 19, qui fixe son but : « assurer le respect résultant pour les Hautes Parties contractantes de la présente Convention et de ses protocoles », et précise qu’« elle fonctionne de façon permanente »[4]. Une trentaine d’autres articles de la Convention (plus de la moitié du total) concernent la Cour. L’un d’eux me parait particulièrement important, c’est l’article 32 :
1. La compétence de la Cour s’étend à toutes les questions concernant l’interprétation et l’application de la Convention et de ses Protocoles qui lui sont soumises […].
2. En cas de contestation sur le point de savoir si la Cour est compétente, la Cour décide[5].
C’est donc évidemment la Convention qui fonde non seulement l’existence de la Cour et donc sa légitimité, mais aussi sa compétence et sa souveraineté. Loin de borner l’autorité et la force juridique de la Convention, la Cour les amplifie. En vertu de son article premier, les Hautes Parties contractantes[6] reconnaissent en effet à toute personne relevant de leur juridiction les droits et libertés définis dans la Convention et dans ses Protocoles. Sans la Cour, les États parties seraient certes tenus par leurs obligations conventionnelles. Du reste, les juges nationaux appliquent la Convention et en sont au premier chef les responsables. Mais du fait de l’existence de la Cour, le manquement à ses obligations de la part d’un État peut en outre être contrôlé et sanctionné par cette juridiction, en dernier recours, à condition que les voies de recours internes aient été épuisées (article 35 de la Convention, qui traduit le principe de subsidiarité).
C’est en réalité la Cour, par sa jurisprudence, qui a donné et donne à la Convention toute son importance, et qui en a fait le principal instrument international obligatoire, pour la protection des droits de l’homme[7].
II. La place de la Convention dans la jurisprudence de la Cour
On pourrait dire, à propos de cette jurisprudence, « toute la Convention, mais non pas rien que la Convention ».
A. La Cour applique et interprète la Convention et ses Protocoles
C’est la mission centrale de la Cour, gardienne de la Convention. Mais la marge d’interprétation du texte conventionnel, que lui ouvre l’article 32 mentionné ci-dessus, est très grande, et elle en a beaucoup usé, à la manière d’un juge constitutionnel national qui applique et interprète le texte de la constitution de son pays. Les stipulations de la Convention, les notions qu’elle emploie, sont dans leur ensemble générales, mais aussi imprécises, parfois floues, ce qui appelle des précisions interprétatives de nature à harmoniser la compréhension du texte et à rendre sa portée effective. L’autorité de la chose jugée impose l’interprétation opérée par la Cour, y compris aux juridictions et législateurs nationaux.
Quelques exemples, nombreux, mais non exhaustifs, montrent la liberté d’interprétation que la Commission d’abord, la Cour ensuite, se sont toujours reconnue.
Les concepts autonomes : la Cour ne s’estime pas liée par le sens des notions de la Convention tel que les différents droits nationaux le leur donnent. Elle entend ces notions de façon autonome, selon une interprétation téléologique (en fonction du but recherché) et aussi globalisante (la Convention est entendue comme un tout). Par exemple, c’est la Cour qui précise ce que sont les droits et obligations de caractère civil ou les accusations en matière pénale[8], ou encore ce qu’il faut entendre par un tribunal[9]. C’est encore vrai pour la notion de domicile au sens de l’article 8, qui selon la jurisprudence peut englober des locaux professionnels[10].
La théorie de l’instrument vivant : aux yeux de la Cour, la Convention est un instrument vivant[11], à lire à la lumière des conditions de vie actuelles, ce qui permet d’adapter le sens du texte originel aux changements dans les techniques ou dans les moeurs, ou dans la perception de la communauté internationale. C’est une interprétation éminemment évolutive, et non fixiste (pour reprendre des adjectifs utilisés depuis longtemps s’agissant des juges de la Cour suprême des États-Unis et de l’interprétation de la Constitution américaine).
L’interprétation de la Convention et des Protocoles doit être telle que les droits garantis le soient de façon réelle et effective, non théorique et illusoire[12].
Dans la Convention, la liberté est le principe et les limitations admises au principe sont des exceptions. Il faut donc interpréter largement le principe et de façon stricte les exceptions[13]. C’est là une interprétation pro libertate.
Dans le même sens, la charge de la preuve, qui normalement dans un litige incombe au demandeur à l’action, donc devant la Cour au requérant et non à l’État défendeur, doit être assouplie pour ne pas rendre ce fardeau trop lourd, voire impossible. Ainsi, si une personne entre en bon état dans un commissariat et si elle en ressort en moins bon état, c’est à la police de prouver qu’elle n’a pas subi des traitements contraires à la Convention[14].
De la même manière, la Cour entend l’article 35 de la Convention comme exigeant du requérant d’établir qu’il a épuisé les voies de recours internes, mais pour autant qu’elles soient accessibles, adéquates et suffisantes pour remédier à la violation alléguée[15]. Et s’il soutient que tel n’est pas le cas, c’est au gouvernement de prouver le contraire. Elle chasse le formalisme au profit de l’effectivité.
La Convention est rédigée en des termes qui font peser sur les États des obligations négatives : ils doivent s’abstenir de commettre des ingérences qui violeraient les droits conventionnels du justiciable. Mais, au-delà, l’État est tenu selon la Cour à des obligations positives, de nature à protéger le droit en cause ou à le rendre effectif[16].
Parfois, l’interprétation de la Cour est même créatrice de droits substantiels. Elle dégage un droit non prévu par les auteurs de la Convention, ce qui n’était pas surprenant, dans le contexte de 1950, d’un droit conventionnel. Ainsi le droit au respect de la vie privée et familiale (article 8) inclut, selon la Cour, le droit de vivre dans un environnement sain[17]. Ou bien, comme il n’y pas, selon elle, de cloison étanche entre les droits civils et politiques, privilégiés par la Convention, et les droits économiques et sociaux, l’obligation de l’État – dans certains cas – de faire bénéficier un justiciable de l’aide judiciaire peut se fonder sur la situation économique et sociale de cette personne[18].
La Cour a développé de façon prétorienne, d’ailleurs dans un sens quelque peu auto-limitatif que certains lui ont reproché, la notion de marge nationale d’appréciation des États[19]. Ceux-ci ont un certain choix dans les moyens pour atteindre les buts de la Convention, et même peuvent avoir le choix de se livrer ou non à des ingérences. Toutefois, elle a toujours indiqué que cette marge variait suivant la matière et la nature des droits en jeu, et surtout elle précise que cette marge doit se concilier avec un contrôle européen[20].
Pour synthétiser, la jurisprudence de la Cour a cherché depuis les origines à étendre le champ et la portée de la Convention. Cette démarche est quelquefois critiquée comme étant trop audacieuse. Mais il ne faut pas oublier que le préambule de la Convention, au paragraphe 4, indique que l’un des moyens pour atteindre le but du Conseil de l’Europe (une union plus étroite entre ses membres) est la sauvegarde et le développement (souligné par moi) des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Ce développement peut se faire par des protocoles additionnels (mais c’est là une voie dont l’expérience a montré la difficulté), mais aussi par l’activité juridictionnelle de la Cour et donc par une jurisprudence constructive, d’ailleurs dans l’ensemble tacitement approuvée par les États parties. Je pense qu’il y a même un effet « cliquet » : il est implicitement admis que les droits doivent se développer, non se restreindre.
B. Au-delà de la Convention, la Cour sert celle-ci en appliquant le droit international ou en s’en inspirant
La Cour affirme depuis longtemps que, quelle que soit l’importance de son texte fondateur, la Convention, elle ne statue pas dans un vide juridique, et que le droit de la Convention s’insère dans le droit international, qu’il soit de source conventionnelle ou de source coutumière. Le droit international public se subdivise, on le sait, en droit international général, en droit international pénal et en droit international humanitaire[21].
La jurisprudence n’applique pas directement les traités internationaux ou la coutume internationale, mais elle s’en inspire, et lit la Convention ou ses Protocoles à la lumière de ces instruments.
Dans son interprétation de l’un ou l‘autre article de la Convention, elle applique souvent un principe tiré d’un traité, comme la notion d’« intérêt supérieur de l’enfant », qui se trouve dans la Convention de New York relative aux droits de l’enfant de 1989[22].
À titre d’illustration, on peut citer quelques traités souvent cités dans la jurisprudence de Strasbourg :
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Les quatre Conventions de Genève de 1949[23];
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La Convention relative au statut des réfugiés de Genève en 1951[24];
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La Convention de Vienne sur le droit des traités[25] de 1969, qui est un guide interprétatif très important;
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Les Pactes internationaux relatifs aux droits civils et politiques, et aux droits économiques, sociaux et culturels[26] de 1966;
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La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants[27] des Nations Unies en 1984;
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La Charte sociale européenne de 1951 et la Charte sociale européenne révisée[28] de 1996, instruments du Conseil de l’Europe complémentaires de la Convention;
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La Convention relative aux droits de l'enfant de New York en 1989[29];
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La Convention sur les aspects civils de l’enlèvement international des enfants de La Haye en 1980[30];
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La Convention pour la protection des droits de l'homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine[31];
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La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne[32], etc.
Par ailleurs, la Cour puise largement dans la soft law qui résulte, par exemple, pour le Conseil de l’Europe, des résolutions de l’Assemblée consultative et des recommandations du Comité des ministres.
Elle ne manque pas de citer les décisions juridictionnelles des autres juridictions régionales compétentes en matière de droits de l’homme, soit la Cour interaméricaine des droits de l’homme, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, et la Cour de justice de l’Union européenne bien entendu; mais aussi des constatations des quasi-juridictions que sont les comités onusiens, à commencer par le Comité des droits de l’homme. Elle observe avec attention et cite souvent la jurisprudence de certaines juridictions supérieures nationales…
Pour synthétiser à nouveau, la Cour ne s’en tient pas à sa « Bible », la Convention, mais elle enrichit celle-ci par la lecture qu’elle en fait dans le contexte d’autres instruments normatifs internationaux ou de l’expression de l’opinion de la communauté internationale. Elle recherche souvent pour ses décisions l’existence ou l’émergence d’un consensus international, ou au moins européen. Cela lui permet de légitimer son intention de faire évoluer sa jurisprudence dans le sens de ce consensus[33].
***
Pour avoir eu l’honneur de siéger treize années à la Cour européenne des droits de l’homme[34], et de l’avoir présidée presque cinq ans, je peux témoigner que les juges de la Cour et les membres du Greffe qui les assistent de façon précieuse ont pleinement conscience de l’importance de leur tâche au service de la liberté. Ils savent le respect dû à la Convention, le texte fondateur, un respect qui s’étend aux auteurs de ce grand texte, mais qui ne va pas jusqu’à le sacraliser. La Convention a vieilli[35] (même si en 2020 une dame de soixante-dix ans n’est pas une vieille dame!). Il faut sans cesse la revisiter, l’adapter aux circonstances changeantes, rester fidèle à son esprit plus qu’à sa lettre.
Puisque cela va être son anniversaire, il faut lui souhaiter un très heureux anniversaire – et espérer qu’elle guidera pendant encore de très longues années les juges et les juristes nationaux et internationaux. Longue vie à la Convention – et à sa servante dévouée et talentueuse, la Cour.
Appendices
Notes
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[1]
Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 4 novembre 1950, 213 RTNU 221 (entrée en vigueur : 3 septembre 1953).
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[2]
Créé le 5 mai 1949, dix-huit mois à peine avant la signature de la Convention, qui fut le premier traité international rédigé dans le cadre du Conseil.
-
[3]
La Convention a été amendée à de nombreuses reprises par des Protocoles. Les plus importants de ces Protocoles, du point de vue systémique, sont le n° 11, entré en vigueur le 1er novembre 1998, et le n° 14, entré en vigueur, à la suite de la Conférence d’Interlaken, le 1er juin 2010. Le Protocole « optionnel » n°16, entré en vigueur le 1er aout 2018 pour les États l’ayant ratifié, n’est pas à négliger. Il étend en effet de façon importante la compétence consultative de la Cour, ouvrant la voie à un mécanisme favorisant le dialogue entre elle et les hautes juridictions nationales.
-
[4]
Avant le 1er novembre 1998, elle fonctionnait par sessions d’une huitaine de jours; il y en avait une dizaine par an.
-
[5]
« Kompetenz-kompetenz », comme disait Georg Jellinek.
-
[6]
Actuellement les quarante-sept États ayant ratifié la Convention. L’Union européenne pourrait être la quarante-huitième, mais le processus de son adhésion est malheureusement bloqué présentement.
-
[7]
Instrument certes régional et non universel, mais l’ancienneté et la notoriété de la Convention, et son rayonnement, dépassent largement les frontières du continent européen.
-
[8]
Au sens de l’article 6 au para 1 de la Convention.
-
[9]
Au sens du même article; voir l'arrêt Sramek c Autriche (1984), 84 CEDH (Sér A).
-
[10]
Voir l'arrêt Société Colas est et autres c France, n° 37971/97, [2002] III CEDH 105.
-
[11]
Voir l'arrêt Tyrer c Royaume-Uni (1978), 26 CEDH (Sér A).
-
[12]
Voir l'arrêt Artico c Italie (1980), 37 CEDH (Sér A).
-
[13]
Par exemple pour les para 1 et 2 des articles 8 à 11 de la Convention.
-
[14]
En particulier à l’article 3 de la Convention.
-
[15]
Voir l’arrêt Akdivar et autres c Turquie (1996), 99 CEDH (Sér A).
-
[16]
Voir par exemple l’arrêt Airey c Irlande (1979), 73 CEDH (Sér A).
-
[17]
Voir l'arrêt Lopez Ostra c Espagne (1994), 90 CEDH (Sér A).
-
[18]
Akdivar et autres c Turquie, supra note 16.
-
[19]
Notion reprise dans le Protocole n° 15 à la Convention (non encore en vigueur). Voir Protocole n° 15 portant amendement à la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales, 24 juin 2013 (entrée en vigueur à venir).
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[20]
Voir par exemple l’arrêt Affaire Kokkinakis c Grèce (1993), 88 CEDH (Sér A) au para 47.
-
[21]
Celui-ci est de plus en plus influent dans la jurisprudence de la Cour. Voir par exemple l’arrêt Hassan c Royaume-Uni [GC], n° 29750/09, [2014] VI CEDH 1.
-
[22]
Pour les requêtes fondées sur l’article 8 de la Convention.
-
[23]
Convention de Genève pour l'amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces armées en campagne, 12 août 1949, 75 RTNU 31 (entrée en vigueur : 21 octobre 1950); Convention de Genève pour l'amélioration du sort des blessés, des malades et des naufragés des forces armées sur mer, 12 août 1949, 75 RTNU 85 (entrée en vigueur : 21 octobre 1950); Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre, 12 août 1949, 75 RTNU 135 (entrée en vigueur : 21 octobre 1950); Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, 12 août 1949, 75 RTNU 287 (entrée en vigueur : 21 octobre 1950).
-
[24]
Convention relative au statut des réfugiés, 28 juillet 1951, 189 RTNU 137 (entrée en vigueur : 22 avril 1954).
-
[25]
Convention de Vienne sur le droit des traités, 23 mai 1969, 1155 RTNU 353 (entrée en vigueur : 27 janvier 1980).
-
[26]
Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 16 décembre 1966, 999 RTNU 171 (entrée en vigueur : 23 mars 1976); Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, 16 décembre 1966, 993 RTNU 3 (entrée en vigueur : 3 janvier 1976).
-
[27]
Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, 10 décembre 1984, 1465 RTNU 85 (entrée en vigueur : 26 juin 1987).
-
[28]
Charte sociale européenne, 18 octobre 1961, 529 RTNU 89 (entrée en vigueur : 26 février 1961); Charte sociale européenne (révisée), 3 mai 1996, 2151 RTNU 277 (entrée en vigueur : 1er juillet 1999).
-
[29]
Convention relative aux droits de l'enfant, 20 novembre 1989, 1577 RTNU 3 (entrée en vigueur : 2 septembre 1993).
-
[30]
Convention sur les aspects civils de l’enlèvement international des enfants, 25 octobre 1980, Conférence de La Haye de droit international privé 28 (entrée en vigueur : 1er décembre 1983).
-
[31]
Convention pour la protection des droits de l'homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine, 4 avril 1997, 2137 RTNU 171 (entrée en vigueur : 1er décembre 1999).
-
[32]
CE, Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, [2000] JO, C 364/01.
-
[33]
Un exemple souvent cité est celui de l’affaire Christine Goodwin c Royaume-Uni, n°28957/95, [2002] VI CEDH 1, affaire dite des transsexuels. Un autre exemple est celui de l’arrêt Bayatyan c Arménie, n°23459/03 [2011], IV CEDH 1 sur les objecteurs de conscience.
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[34]
De novembre 1998 à novembre 2011.
-
[35]
À cet égard, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, proclamée en 2000 et entrée en vigueur en 2009, est une tentative intelligente de rester fidèle à l’esprit de la Convention, tout en la modernisant et en la complétant. Voir Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, supra note 32.