Recensions

Laurence Burgorgue-Larsen, Les 3 cours régionales des droits de l’homme in context. La justice qui n’allait pas de soi, Paris, Éditions Pedone, 2020[Record]

  • Silviana Cocan

Silviana Cocan est docteure en droit de l’Université de Bordeaux et de l’Université Laval. Elle est chargée de cours et chercheuse postdoctorale à la Faculté de droit de l’Université de Montréal, bénéficiaire d’une bourse Mitacs Élévation (2020-2022).

« La Justice des droits de l’homme est singulière ». En effet, elle s’inscrit dans une tension palpable entre d’une part, « l’éternelle raison d’État » et l'« irréductible souveraineté » et d’autre part, la sophistication normative et la mise en place de mécanismes juridictionnels de protection particulièrement complexes découlant de la volonté première des États. En ayant accepté d’accorder la fonction de juger à des institutions supranationales, les États ont ainsi contribué à la juridictionnalisation régionale des droits de la personne avec les « singularités inhérentes à la fonction judiciaire ». L’ouvrage Les 3 cours régionales des droits de l’homme in context. La justice qui n’allait pas de soi a pour objet l’étude contextualisée des trois systèmes régionaux institués par la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (Convention européenne), la Convention américaine relative aux droits de l’homme (Convention américaine) et la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (Charte africaine), complétée par le Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples. Il s’agit d’une monographie de Laurence Burgorgue-Larsen qui est professeure de droit public à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et membre de l’Institut de recherche en droit international et européen de la Sorbonne (IREDIES). Auteure et directrice de nombreux ouvrages et contributions doctrinales portant notamment sur l’analyse des rapports entre systèmes, sur les droits européen et interaméricain des droits de l’homme, sur le droit comparé ou sur la protection des droits fondamentaux à l’échelle constitutionnelle et internationale, elle a également été juge du Tribunal constitutionnel d’Andorre (2012-2019) et y a exercé les fonctions de présidente (2014-2016). Cet ouvrage a pour objectif de procéder à l’analyse comparative des trois systèmes régionaux de protection des droits de la personne qui sont juridiquement effectifs à travers la mise en oeuvre de la responsabilité internationale des États. Il prend appui sur « le droit et ses spécifiques techniques » mais intègre aussi des « éléments historiques et de sociologie judiciaire » afin de « sortir du formalisme juridique asséchant; s’emparer des contraintes politiques, voire géopolitiques qui se développent en permanence sur les trois continents ». En effet, la professeure Burgorgue-Larsen souligne que « [l]e droit est pétri par la politique; le droit international sans doute plus que tout autre ». Face à ce constat, l’auteure aborde successivement trois thématiques − l’évolution institutionnelle des trois systèmes régionaux de protection, l’interprétation de leur texte de référence et les conséquences en termes d’application − guidées par une problématique centrale qui vise à déterminer « de quelle manière la Souveraineté des États s’est-elle conjuguée avec l’obligation de protéger la Majesté des Droits ». Dans un chapitre préliminaire, l’auteure envisage la « singulière justice » des droits de l’homme à travers l’histoire de la création des trois systèmes régionaux de protection en montrant qu’elle résulte des interactions entre plusieurs facteurs complexes, comme le traumatisme de l’idéologie nazie et la volonté d’endiguer l’expansion du communisme en Europe; la prédominance du principe de non‑intervention face à la montée des régimes présidentiels autoritaires dans les Amériques; dans le contexte de la décolonisation, la magnification de la souveraineté par de jeunes États indépendants en Afrique. Ainsi, la géopolitique et la diplomatie juridique propre à chaque continent, ont influencé la création des systèmes régionaux en façonnant leurs spécificités. Toutefois, ces systèmes partagent « des éléments matériels et des questionnements communs indiscutables », notamment au regard des mécanismes juridictionnels qui reposent sur le principe de subsidiarité, l’exigence de l’épuisement des voies de recours …

Appendices