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Ce manuel porte sur l’engagement de longue date qu’entretient le droit international occidental avec la doctrine philosophique de l’anthropocentrisme. À l’heure de l’anthropocène, ou plus simplement, à celle de l’humain, dans quelle mesure les structures juridiques internationales sont-elles construites selon l’idée que l’humain est socialement et politiquement au centre de l’univers?
La première édition de cet ouvrage est dirigée par les docteur·es Vincent Chapaux, Frédéric Mégret et Usha Natarajan, respectivement chercheur à l’Université libre de Bruxelles en Belgique, professeur titulaire à l’Université McGill au Canada et chercheuse invitée à la Faculté de droit de l’Université de Yale aux États-Unis. Par une approche critique du droit, cet ouvrage, qui rassemble les écrits de 22 chercheur·es et professeur·es, explore la relation entre l’anthropocentrisme et diverses branches du droit international, les relations de pouvoir que ce droit reproduit ainsi que le rôle que joue ce dernier dans la crise socio-environnementale actuelle.
Visant à offrir un enrichissement de l’analyse anthropocentrique du droit international, cet ouvrage de 17 chapitres est divisé en trois sections : la première intitulée « Unveiling the Anthropcentrism of International Law » offre une analyse variée démontrant, d’hier à aujourd’hui, l’intégration de la logique anthropocentrique du droit international. Critique, la deuxième section intitulée « Conceptualising the Anthropocentrism of International Law » théorise sous plusieurs angles l’anthropocentrisme. Prospective, la troisième section intitulée « Imagining a Non-Anthropocentric International Law » explore, en mettant de l’avant certaines voies condamnées au silence, différentes trajectoires juridiques post-anthropocentriques.
La première section débute par une contribution au chapitre 1[1] de Mario Prost qui propose d’analyser la structure profondément anthropocentrique de la notion juridique de la souveraineté du 16e siècle à aujourd’hui. Il y est argumenté que l’exploitation de la nature n’est pas qu’un simple attribut légalement protégé et légitimé en vertu de cette doctrine mais a été, à bien des égards, une exigence sine qua non de la formation de tout État souverain « moderne » aux yeux du droit international occidental[2]. Pour ce faire, Prost explore les origines coloniales de la doctrine de la souveraineté en exposant la théorie lockéenne de la propriété fondée sur l’exploitation de la terre[3] ainsi que sa réinterprétation par le juriste Emer de Vattel[4]. Dans un deuxième temps, bien que le discours se transforme, l’auteur expose par l’entremise d’exemples, dont celui de la théorie développementaliste, l’héritage contemporain de cette doctrine anthropocentrique toujours perceptible au sein des normes et des procédés discursifs du droit international. Bien que la notion de souveraineté et les origines conceptuelles de la pensée juridique occidentale caractérisées par l’accaparement et l’exploitation licite de la terre ont été largement documentées[5], ce premier chapitre s’avère déterminant à la compréhension, tout au long de cet ouvrage, du lien qu’entretient l’anthropocentrisme juridique au néocolonialisme et au néolibéralisme.
Au chapitre 2[6], Frédéric Mégret propose d’explorer l’inhérente nature anthropocentrique des droits humains, fondée sur une justice intra-humaine se caractérisant par une exclusion des espèces vivantes non-humaines et de l’environnement. Après avoir retracé les origines historiques de l’édification du « projet » des droits humains fondé sur la supériorité des humains sur l’environnement/les animaux, il met en lumière, par l’entremise d’une analyse jurisprudentielle, l’approche anthropocentrique actuelle du droit international des droits humains. À cet égard, il démontre que la dégradation de l’environnement représente avant tout une menace portée contre l’humain nécessitant une intervention étatique, et non une obligation visant à prévenir un préjudice dirigé contre l’environnement[7]. De surcroît, à travers divers procédés, il souligne que les droits humains conceptualisent, par le prisme du droit à la propriété[8], du droit à l’auto-détermination[9] et des droits socio-économiques[10], l’environnement et les animaux comme une marchandise exploitable aux fins de combler les besoins et intérêts humains.
Au troisième chapitre[11], Charlotte E. Blattner aborde l’anthropocentrisme du droit international économique sous l’angle de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Bien que la doctrine ait déjà étudié les possibles avenues normatives pouvant offrir aux espèces vivantes une protection juridique[12], Blattner soutient que l’obstacle principal au développement d’une telle protection relève avant tout de la conception marchande de l’animal à l’OMC. En s’inspirant de la théorie féministe de l’objectivisation issue des travaux de la philosophe Martha Nussbaum[13], l’autrice présente une analyse critique de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, de l’Accord sur les obstacles techniques aux commerces et de l’Accord sur l’application des mesures sanitaires et phytosanitaires afin d’illustrer de quelle manière les animaux sont réduits à de simples biens fongibles de marchandises exploitables et instrumentalisées à leur plus simple nature[14]. S’inspirant de la théorie de la « fragmentation » du droit, abordée dans de multiples autres critiques du droit économique, telle que celle de l’investissement[15], l’autrice considère que la « siloisation » du droit international commercial, fondée sur le cadre juridique axiomatique de l’OMC, favorise la préséance des intérêts économiques au détriment de la protection des animaux.
Si l’anthropocentrisme du droit international économique est manifeste, certains pourraient croire que le droit international de l’environnement permettrait de transcender ce paradigme. Or, au chapitre 4, Vito De Lucia démontre plutôt qu’il étend et renforce de façon subtile la centralité de l’humain. Dans cette optique, l’auteur expose de façon détaillée les manifestations anthropocentriques observables de ce droit dans le narratif néolibéral du développement durable dont les prémisses, analysées par l’entremise des déclarations de Stockholm (1972), de Rio (1992), de Johannesburg (2002) et de l’Agenda 2030 des Nations unies, permettent aux lecteur·es de déceler une vision du monde anthropocentrique fondée sur l’exploitation « durable » de la nature afin de garantir les besoins présents et futurs de l’anthropos[16].
Au chapitre 5[17], Godwin Dzah expose le rôle du droit international de la mer relatif à l’exploitation des fonds marins. Comme le fait Prost au premier chapitre, Dzah nous ramène à l’histoire afin de déceler les origines occidentalo-anthropocentriques de ce domaine du droit, par l’entremise des doctrines juridiques impériales de la liberté des mers d’Hugo Grotius[18] ainsi que son antithèse, celle des mers fermées du britannique John Selden[19]. L’auteur démontre que ces deux doctrines, fondées sur la centralité de l’humain à travers laquelle la mer est conditionnée à l’exploitation, n’a pas complètement disparue en vertu de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer[20]. À cet effet, il propose une critique de la notion de « patrimoine commun de l’humanité » applicable à la zone internationale des fonds marins[21] et du rôle de l’Agence internationale des fonds marins dans la gestion et l’exploitation de cette zone.
Le chapitre 6[22], dernier de cette première section, apporte un éclairage sur l’anthropocentrisme du droit international humanitaire fondé sur une séparation hiérarchique entre les objets et les sujets. Mathilda Arvidsson et Britta Sjöstedt mettent en lumière la façon dont ce droit encadre, en vertu de ces traités et principes, les relations entre les sujets (les humains) et les objets (non-humains) lors des conflits armés[23]. Les autrices démontrent que dans certaines situations, les « sujets » de droit international peuvent acquérir le statut d’« objets ». Elles prennent pour exemples l’environnement naturel et les groupements de drones contrôlés par intelligence artificielle qui, dans certaines situations, acquièrent le statut d’« objet » conventionnel du droit international humanitaire dû à leurs liens et leurs intérêts pour l’être humain.
Fondamentalement critique, la deuxième section de l’ouvrage débute au chapitre 7[24] par une contribution de Hélène Mayrand et Valérie Chevrier-Marineau qui soulignent les biais anthropocentriques, tant du point de vue normatif que descriptif, des grandes approches critiques du droit international. L’approche structuraliste est d’abord abordée à travers les travaux de David Kennedy[25] et de Martti Koskenniemi[26] et ceux d’auteur·es ayant récemment problématisé la relation entre le droit et la nature par le biais du structuralisme[27]. Mayrand et Chevrier-Marineau soulignent que le recours au structuralisme demeure normatif sur le plan anthropocentrique et ce, même dans le cadre d’une analyse environnementale, dû à sa compréhension sociologique unidimensionnelle des relations fondées sur l’analyse des structures humaines du discours[28]. Elles mettent aussi en lumière l’anthropocentrisme de l’approche néomarxiste, limitée à une compréhension de la nature réduite aux conditions matérielles. Elles abordent finalement l’anthropocentrisme des approches tier-mondialiste et écoféministe, caractérisées par leur analyse ontologique limitée, respectivement en ce qui a trait à l’émancipation des populations humaines et des femmes du Sud-Global.
Au chapitre 8[29], Anna Grear propose de s’interroger sur les fondements onto-épistémiques de cet ordre juridique international anthropocentrique, considéré inégalitaire et profondément genré, racial et néocolonial. Ce chapitre apparait indispensable pour mieux comprendre la reproduction des relations de pouvoir issues du droit international anthropocentrique. À cet égard, elle soutient que ce système légal, fondé sur un anthropos paradigmatique, structure une relation binaire cartésienne de domination « sujet-objet ». En effet, les intérêts interconnectés des sujets rationnels dominants (hommes privilégiés, États dominants et compagnies transnationales) placés au centre de ce système seraient protégés, alors que les groupes d’humains dominés, ainsi que les animaux et écosystèmes, tous considérés comme des objets ou quasi-objets, seraient oppressés par l’exploitation de l’environnement conduite par ces sujets qualifiés d’anthropos[30]. De Grotius à aujourd’hui, l’autrice réussit à mettre en exergue l’interconnexion entre, d’une part, ces diverses formes d’oppression observables au Sud et, d’autre part, l’appropriation et l’exploitation coloniale historique de ces territoires par les États et compagnies transnationales occidentales.
Au chapitre 9[31], Karen Morrow souligne l’intérêt, à l’ère de l’anthropocène, de s’intéresser à l’approche écoféministe en droit international afin de répondre aux injustices systémiques intra-humaines et environnementales dont font l’objet de manière disproportionnée les femmes ainsi que les autres groupes vulnérables[32]. Comme Anna Grear, elle soutient que profondément interreliées, les injustices intra-humaines et la dégradation actuelle de l’environnement, auquel le droit international s’est vu incapable de répondre efficacement, serait notamment dues au dualisme cartésien qu’entretient ce droit et le système patriarcal qui le sous-tend. L’autrice met en lumière cette binarité à travers l’édification des trois « piliers » (économique, environnemental et social) des Objectifs de développement durable (ODD) dans le but de démontrer comment cette approche, qu’elle juge « compartimentée » et « artificielle », accorde généralement préséance au pilier économique plutôt qu’au pilier environnemental[33]. En guise d’alternative, Morrow démontre que les fondements de l’écoféminisme pourraient permettre de tendre vers une relation davantage symbiotique, fondée sur une éthique de réciprocité entre les humains et l’environnement.
Dans le chapitre 10[34], Roger Merino montre la nécessité d’intégrer en droit international les savoirs des peuples autochtones dont les postulats ne reposent pas, contrairement au droit euro-centrique, sur une différentiation ontologique et hiérarchique entre l’humain et la nature. Il critique la reconnaissance « ornementale » des savoirs des peuples autochtones, qu’il considère instrumentalisés et assimilés par le droit international afin de légitimer, notamment, l’exploitation des territoires à des fins économiques[35]. Sur ce point, l’originalité de la critique et l’exhaustivité des références qui appuient ce chapitre sont convaincantes. Il explore, à travers les notions de « souveraineté alimentaire » et de « droit de la nature », comment une réelle intégration des savoirs autochtones favoriserait l’émergence d’un droit non-anthropocentrique[36].
Cette réflexion se poursuit au chapitre 11[37], par une contribution de Peter Burdon et Samuel Alexander portant sur l’anthropocentrisme normatif. Celle-ci permet de mieux comprendre la relation que cette doctrine entretient avec le néolibéralisme. Bien que le développement de la scala naturae par Aristote, la notion de dominion, et le principe de dualisme posé par Descartes apparaissent comme des étapes incontournables à la formalisation de la doctrine anthropocentrique, les auteurs soutiennent que ces trois moments historiques ne permettent pas de définir l’anthropocentrisme normatif à travers le temps. En effet, cette doctrine n’est pas un paradigme statique mais plutôt une notion indéterminée se transformant face aux idéologies dominantes. Afin de définir le néolibéralisme, idéologie dominante actuelle, les auteurs s’inspirent de l’approche de gouvernance du philosophe utilitariste Jeremy Bentham. Bien que ce dernier ne soit généralement pas associé au courant néolibéral, l’approche de la gouvernance de Bentham permet aux auteurs de démontrer avec originalité comment s’opère la domination de la rationalité néolibérale dans nos sociétés et comment se traduit la relation entre cette rationalité et l’anthropocentrisme normatif. Ils soutiennent que l’anthropocentrisme s’opère de nos jours par une logique omniprésente à travers laquelle la pensée et le fonctionnement des humains sont réduits à une logique économiciste où la terre est assimilée à un bien d’exploitation[38].
Cette deuxième section de l’ouvrage se conclut au chapitre 12[39] par un texte de Alejandro Lorite Escorihuela. Ce dernier analyse l’ambivalence de l’anthropocentrisme développé par le droit animal global (global animal law) dont les prémisses sont fondées sur une approche antispéciste qui conçoit la régulation légale et institutionnelle des animaux comme une forme de discrimination fondée sur une logique de préférence irrationnelle en faveur des intérêts humains[40]. À cet égard, l’auteur soutient que les animaux ne seraient toutefois pas en premier lieu victimes de l’irrationalité du spécisme menant à diverses formes de discrimination mais plutôt de dominionisme. Il s’agirait d’un traitement rationnel en vertu de règles totalitaires caractérisées d’une part, par une violence épistémique visant l’effacement de l’autonomie animale et, d’autre part, par la violence ontologique conduisant à l’objectification des animaux.
Réunissant certains des chapitres les plus originaux, la troisième section débute au chapitre 13[41] par une contribution de Ugo Mattei et Michael W. Monterossi portant sur les possibles fondements d’un monde juridique post-anthropocentrique inspiré des avancées observables relatives aux climats au sein de certaines instances nationales et régionales. Les auteurs conçoivent ce nouveau droit comme un système de protection à long terme axé sur les générations humaines futures et qui serait aussi bénéfique à la protection des entités non-humaines[42]. Selon eux, bien que cette définition axée sur les futures générations humaines ne représente pas une rupture anthropocentrique radicale, une telle prise en considération de ces générations pourrait toutefois « decentre the focus on ‘current humans’ in ways that create breathing space for more complex and comprehensive visions of international law »[43]. À certains égards, cette vision peut sembler contraire à certaines critiques développées aux chapitres 2 et 4, mais elle permet de concevoir les multiples possibilités du spectre post-anthropocentrique.
Dans cette même perspective, l’autrice anichinabée Valérie G. Waboose met en lumière au chapitre 14[44] la conception anthropocentrique de l’environnement et des espèces animales chez la nation autochtone Anichinabé[45]. L’autrice expose la cosmologie autochtone, dont les prémisses, caractérisées par la relation d’interdépendance et non-hiérarchique entre l’humain et la nature, contribueraient à transcender la vision anthropocentrique et dualiste du droit international. Elle explique comment elle s’est inspirée de la vision du monde anichinabé dans le but de développer des savoirs juridiques novateurs.
Au chapitre 15[46], Vincent Chapaux soutient qu’au courant des dernières décennies, les auteurs issus du courant post-anthropocentrique se sont focalisés sur l’analyse critique relevant des manifestations normatives de l’anthropocentrisme du droit international. À cet égard, il démontre que la faible attention portée aux manifestations descriptives de ce système a généralement conduit ces auteur·es à concevoir un imaginaire juridique fondé sur le maintien des grandes notions et conceptions du droit international, telles que la territorialité[47]. En conséquence, la littérature resterait anthropocentrique, d’un point de vue descriptif. En se fondant sur les écrits éthologiques de Vinciane Despret[48], il s’inspire de la conception donnée de la notion de territoire à travers le comportement de certaines espèces animales afin de voir comment ces dernières pourraient aider à redéfinir la conception du territoire en droit international[49]. Cette dernière serait fondée non plus sur la souveraineté exclusive et l’exploitation du territoire, mais sur le partage et sur un respect des ressources issues de cet espace physique[50].
Au chapitre 16[51], Tim Lindgren aborde de manière critique les développements actuels quant à la reconnaissance du crime d’écocide au Statut de Rome. Alors que plusieurs soutiennent que cette portée universelle du droit international favoriserait l’émergence à l’échelle globale d’un paradigme éco-centrique, l’auteur remet en doute la capacité du paradigme de l’universalité à conduire les humains à une relation de réciprocité avec la nature[52]. En s’inspirant des travaux du sociologue français Bruno Latour[53], il démontre qu’en dirigeant le droit international vers une vision universelle de plus en plus abstraite et intangible, l’ordre juridique détourne indirectement notre conscience quant à la matérialité de la vie sur Terre[54]. Il souligne la nécessité de réfléchir à des alternatives juridiques axées sur une relation sociale et locale à la terre en s’inspirant notamment des récits jurisprudentiels autochtones de Christine Black qui conceptualisent la terre comme une source de droit[55].
Cet ouvrage se termine par une contribution de Elena Cirkovic visant à élargir notre vision de l’anthropocentrisme[56]. Alors que l’ensemble de cet ouvrage reste principalement limité à la sphère terrestre de l’anthropocentrisme, elle propose, au chapitre 17[57], une réflexion « extra-terrestre » de cette doctrine. Face aux activités spatiales économiques actuelles, elle soutient qu’un nouveau paradigme post-anthropocentrique fondé sur une approche « cosmo-légale » permettrait de réorienter la conscience juridique du droit international vers l’espace. Sans s’opposer fondamentalement à la présence d’activités humaines dans l’espace, Cirkovic soutient que la cosmo-légalité viserait notamment à transcender le paradigme stato-centrique du droit où seuls les acteurs étatiques humains y sont décideurs, pour tendre vers une perspective caractérisée par la pluralité des acteurs juridiques où les êtres non-humains posséderaient une agentivité et seraient considérés comme des sujets et non des objets[58].
En conclusion, en proposant une diversité de réflexions critiques sur la nature anthropocentrique de certaines sphères du droit international, ce livre s’engage dans une profonde déconstruction de notre imaginaire juridique. Malgré l’hétérogénéité des thématiques, l’ouvrage reste cohérent : chaque chapitre permet d’enrichir continuellement la réflexion, de combler les angles morts et de mieux comprendre la mouvance de cette doctrine ainsi que la pluralité des avenues éco-centristes futures. Bien que le livre ne prétende pas à l’exhaustivité, une critique de l’anthropocentrisme juridique davantage axée sur la jurisprudence ou le droit conventionnel aurait permis, à certains égards, une démonstration plus convaincante, riche et nuancée de la nature éco-centrisme de certaines sphères juridiques ou système régionaux des droits de la personne. À cet égard, par exemple, la jurisprudence de la Cour interaméricaine des droits de l’homme, reconnue pour ses avancées quant à la conception donnée du territoire autochtone, gagnerait à être davantage analysée afin de mieux cerner ses fondements anthropocentriques mais aussi ses avancées vers une jurisprudence éco-centriste[59].
Appendices
Notes
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[*]
Julien-Manuel Després détient un baccalauréat en relations internationales et droit international de l’Université du Québec à Montréal. Il est candidat à la maitrise au programme Droit économique - Global Governance Studies à l’École de droit de Sciences Po Paris ainsi que chercheur affilié à la Chaire de recherche du Canada en droits humains et justice internationale et membre du comité éditorial de la Revue des Juristes de Sciences Po Paris.
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[1]
Mario Prost, « One Vast Gasoline Station for Human Exploitation’ Sovereignty as Anthropocentric Extraction » dans V Chapaux, F Mégret et U Natarajan, dir, The Routledge Handbook of International Law and Anthropocentrism, Routledge, 2023.
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[2]
Ibid à la p 14.
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[3]
John Locke (1632-1704) était un philosophe anglais.
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[4]
Emer de Vattel (1714-1767) était un juriste suisse.
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[5]
Pour un ouvrage francophone récent, voir Emmanuelle Tourme-Jouannet, Le droit international, le capitalisme et la terre : histoire des accaparements de terres d’hier à aujourd’hui, Paris, Bruylant, 2021.
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[6]
Frédéric Mégret, « The Anthropocentrism of Human Rights » dans Chapaux, Mégret et Natarajan, supra note 1 à la p 35.
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[7]
Voir par ex Lopez Ostra c Espagne (1994), 90 CEDH 16798 au para 51.
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[8]
Voir par ex Massacres of El Mozote (El Salvador) (2012) Inter-Am Ct HR (Sér C) n° 252 au para 180.
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[9]
Mégret, supra note 6 à la p 42.
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[10]
Ibid à la p 43. Voir Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Observation générale nº 12 : Le droit à une nourriture suffisante (art. 11), Doc off CESCR NU, 20e sess, Doc NU E/C.12/1999/5 (1999).
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[11]
Charlotte A Blattner, « International Trade Law and the Commodification of the Living » dans Chapaux, Mégret et Natarajan, supra note 1 à la p 61.
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[12]
Ibid à la p 64.
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[13]
Martha Nussbaum est une philosophe américaine.
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[14]
Blattner, supra note 11 aux pp 65-70.
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[15]
ONU, « Fragmentation of International Law: Difficulties Arising from the Diversification and Expansion of International Law », Report of the Study Group of the International Law Commission, finalised by Mr. Martti Koskenniemi, Doc off NU, 2006, 58e sess, Doc NU A/CN.4/L.702 aux pp 10 et 13.
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[16]
Ibid aux pp 87-91.
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[17]
Godwin Dzah, « The Law of the Sea’s Fluid Anthropocentrism » dans Chapaux, Mégret et Natarajan, supra note 1 à la p 102.
-
[18]
Hugo Grotius (1583-1645) était un juriste et théologien hollandais. Voir Hugo Grotius, La liberté des mers/Mare liberum, Paris, Éditions Panthéon-Assas, 2013.
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[19]
John Selden (1584-1654) était un juriste anglais. Voir John Selden, Mare Clausum Sive de Dominio Maris, Londres, 1635.
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[20]
Convention des Nations unies sur le droit de la mer, 10 décembre 1982, 1833 RTNU 397 (entrée en vigueur : 16 novembre 1994) [CNUDM].
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[21]
Ibid CNUDM, art 136.
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[22]
Mathilda Arvidsson et Britta Sjöstedt, « Ordering Human-Other relationships: International Humanitarian Law and Ecologies of Armed Conflicts in the Anthropocene » dans » Chapaux, Mégret et Natarajan, supra note 1 à la p 122.
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[23]
Ibid à la p 124.
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[24]
Hélène Mayrand et Valérie Chevrier-Marineau, « Anthropocentrism and Critical Approaches to International Law » dans Chapaux, Mégret et Natarajan, supra note 1 à la p 145.
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[25]
Voir généralement David Kennedy, International Legal Structures. Baden-Baden : Nomos, 1987.
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[26]
Voir généralement Martti Koskenniemi, From Apology to Utopia : The Structure of International Legal Argument, Cambridge, Cambridge University Press, 1989.
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[27]
Hélène Mayrand, « From Classical Liberalism to Neoliberalism: Explaining the Contradictions in the International Environmental Law Project » (2020) 50 R générale de Dr 57; Vito De Lucia, The “Ecosystem Approach” in International Environmental Law, Genealogy and Biopolitics, Routledge, New York, 2019; Ileana Poras, « Binge Development in the Age of Fear: Scarcity, Consumption, Inequality and the Environmental Crisis » (2015) Cambridge University Press 25.
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[28]
Mayrand et Marineau, supra note 24 aux pp 147 et 150.
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[29]
Anna Grear, « International Law, Legal Anthropocentrism, and Facing the Planetary » Chapaux, Mégret et Natarajan, supra note 1 à la p 165.
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[30]
Ibid aux pp 166-67.
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[31]
Karen Morrow, « Towards an Ecofeminist Critique of International Law? » dans Chapaux, Mégret et Natarajan, supra note 1 à la p 183.
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[32]
Ibid.
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[33]
Ibid à la p 186.
-
[34]
Roger Merino, « Indigenous Knowledge and International (Anthropocentric) Law: The Politics of Thinking from (and for) Another World » dans Chapaux, Mégret et Natarajan, supra note 1 à la p 198.
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[35]
Ibid aux pp 198-99.
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[36]
Ibid aux pp 204-08.
-
[37]
Peter Burdon et Samuel Alexander, « Earth Jurisprudence: Anthropocentrism and Neoliberal Rationality » dans Chapaux, Mégret et Natarajan, supra note 1 à la p 215.
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[38]
Ibid aux pp 224-26.
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[39]
Alejandro Lorite Escorihuela, « Global Animal Law, Pain, and Death: An International Law for the Dominion » dans Chapaux, Mégret et Natarajan, supra note 1 à la p 231.
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[40]
Ibid à la p 233.
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[41]
Ugo Mattei et Michael W. Monterossi, « What Would a Post-Anthropocentric Legal System Look Like? » dans Chapaux, Mégret et Natarajan, supra note 1 à la p 263.
-
[42]
Ibid.
-
[43]
Ibid.
-
[44]
Valérie G Waboose, « Non-Anthropocentric Indigenous Research Methodology: The Anishinabe Waterdrum, Residential Schools, and Settler Colonialism » dans Chapaux, Mégret et Natarajan, supra note 1 à la p 279.
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[45]
Ibid aux pp 279-80.
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[46]
Vincent Chapaux, « Non-Human Animals as Epistemic Subjects of International Law » dans Chapaux, Mégret et Natarajan, supra note 1 à la p 295.
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[47]
Ibid.
-
[48]
Vinciane Despret est une philosophe belge. Voir Vinciane Despret, Living as a Bird, Polity Press, 2021.
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[49]
Chapaux, supra note 46 aux pp 298-303.
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[50]
Ibid.
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[51]
Tim Lindgren, « Grounding Ecocide, Humanity and International Law » dans Chapaux, Mégret et Natarajan, supra note 1 à la p 307.
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[52]
Ibid à la p 308.
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[53]
Bruno Latour, Facing Gaia: Eight Lectures on the New Climatic Regime, Polity Press, Cambridge, 2017.
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[54]
Lindgren, supra note 51 aux pp 308 et 312-13.
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[55]
Ibid aux pp 316-18.
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[56]
Elena Cirkovic, « Formless Infinite: Law beyond the Anthropocene and the Earth System » dans Chapaux, Mégret et Natarajan, supra note 1 à la p 323.
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[57]
Ibid.
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[58]
Ibid aux pp 326 et 329.
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[59]
Pour une conception anthropocentrique des droits humains, voir notamment Affaire Habitants de La Oraya (Pérou) (2023) Inter-Am Ct HR (Sér C) n° 511 au para 124.