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S’intéresser aux femmes criminelles, c’est déjà se focaliser sur un cas particulier. Aborder la thématique des femmes violentes, c’est cibler une minorité au sein d’une minorité, car les femmes sont à la fois nettement moins criminelles que les hommes et les femmes criminelles sont davantage auteurs d’infractions contre les biens (Ménabé, 2014). Les condamnations prononcées par les juridictions françaises en 2018 (Ministère de la Justice, 2020) confirment les années précédentes : parmi les 549 966 condamnations prononcées, 56 142 l’ont été à l’encontre de femmes, celles-ci représentant ainsi 10 % des condamnés. Or, parmi ces condamnations, 13 087 concernaient des vols, recels, escroquerie et abus de confiance – soit 23 % du contentieux féminin –, et 20 100 portaient sur des affaires en matière de circulation routière – soit 35 % du contentieux féminin. En comptabilisant l’ensemble des condamnations pour des infractions sans violence contre les personnes[2], il peut être relevé que près de 88 % des femmes condamnées n’ont pas fait preuve de violence contre les personnes dans le passage à l’acte. Seuls, 12 % des femmes condamnées l’ont été pour des faits de violence, physique, sexuelle ou homicide, de qualification criminelle, délictuelle ou contraventionnelle[3]. C’est un pourcentage à la fois relativement peu conséquent et en même temps, très similaire à celui des hommes, puisque 14 % de ceux-ci ont été condamnés pour des infractions de violence sur personne.

Si la criminalité féminine et les femmes criminelles font l’objet de nombreux préjugés, il en est de même de la violence féminine et des femmes violentes. La violence serait-elle le fait de folles ou de victimes qui se rebellent? Viserait-elle spécifiquement l’enfant ou le conjoint? La femme violente est-elle diabolisée ou déresponsabilisée? Un état des lieux de la violence des femmes est dès lors nécessaire pour appréhender les contentieux de la violence féminine et favoriser la clinique du féminin. Mais un tel état des lieux débute nécessairement par la délimitation du cadre du sujet, ce qui s'avère une tâche délicate, le terme de violence faisant l’objet de multiples définitions et la notion de violence étant profondément évolutive. Le Trésor de la langue française définit simplement la violence comme une « force exercée par une personne ou un groupe de personnes pour soumettre, contraindre quelqu'un ou pour obtenir quelque chose ». La violence est aussi une construction sociale, ce qui amène Coline Cardi et Geneviève Pruvost (2015, p. 23 et p. 22) à estimer que « est violent ce qui est reconnu comme violent » et à ajouter que « penser la violence des femmes interroge ainsi à la fois le concept de violence et celui de genre ». En se fondant sur les textes d’incriminations du Code pénal, la violence sera envisagée sous l’angle des atteintes à la vie, à l’intégrité physique et à l’intégrité sexuelle, y compris lorsque la violence est une circonstance aggravante d’une infraction contre les biens[4].

Alors que la violence est communément attribuée aux hommes, la violence des femmes est pourtant intemporelle : des amazones aux tricoteuses, des sorcières aux empoisonneuses de la Cour du Roi, des anarchistes aux femen (Cadiet et al., 2010; Py, 2020; Regina, 2011). La violence des femmes est aussi saisissante tant elle paraît rare et « hors-norme ». Les affaires de ces « monstrueuses » sont l’objet de tous les intérêts, leurs histoires sont contées, médiatisées, romancées, rejouées. Leurs noms résonnent à travers le temps : Hélène Jégado (considérée comme la première tueuse en série française), les soeurs Papin, Simone Weber (la « diabolique ») et tant d’autres (Chauvaud et Malandain, 2009; Lesueur-Chalmet, 2002). Au XXIe siècle, les affaires médiatiques de ces femmes qui transgressent leurs rôles sociaux éveillent toujours une curiosité macabre et fascinent les foules. De Véronique Coujault (une femme qui a congelé ses bébés nouveaux nés) ou Dominique Cottrez à Myriam Badaoui ou Monique Olivier (conjointe et collaboratrice du tueur en série de jeunes filles), de la « barbie » canadienne Karla Homolka (conjointe d’un violeur en série) à Cathie Gauthier (a tué ses 3 enfants) ou Nathalie Dion (a tué sa mère), les femmes ont prouvé qu’elles pouvaient recourir aux violences les plus variées et les plus graves.

Mais si les femmes peuvent, comme les hommes, avoir recours à la violence, il faut toutefois convenir qu’elles n’y recourent pas dans les mêmes proportions. La sous-représentation universelle des femmes dans le phénomène criminel est tout à fait remarquable (Morvan, 2019; Walmsley, 2017). La stabilité de cette sous-représentation l’est également. Hormis deux hausses de la participation des femmes à la criminalité au cours des deux guerres mondiales, les femmes ne représentaient globalement que 10 à 15 % des condamnés pour crimes ou délits durant le XXe siècle, comme au XXIe siècle (Cario, 1997a). La criminalité des femmes paraît même avoir eu tendance à décroître à partir des années 1960, tout particulièrement en matière criminelle. La violence des femmes paraît donc assez exceptionnelle. C’est du moins ce que font apparaître les statistiques pénales de la criminalité apparente et légale. La part réelle des femmes dans le phénomène criminel et dans la criminalité de violence contre les personnes est en effet, globalement sous-estimée (Cario, 1997a; Groman et Faugeron, 1979; Ménabé, 2014). Elle reste toutefois bien inférieure à l’implication des hommes. Le passage à l’acte d’une femme reste statistiquement plus exceptionnel. Le constat est sensiblement équivalent au Canada (Statistique Canada, 2017), même si une hausse a été constatée au cours des quatre dernières décennies et même si les femmes représentent plutôt 20 à 25 % des adultes inculpés d'une infraction au Code criminel. Leur part dans les infractions avec violence est toutefois bien inférieure, avec une légère surreprésentation des femmes de 18 à 24 ans. Quant aux victimes de ces femmes violentes, il s’agit à 88 % de personnes connues de la contrevenante (connaissances, autres membres de la famille, partenaire intime, conjoint ou ex-conjoint).

La violence des femmes est également socialement plus saisissante, car la femme est perçue comme douce, maternelle, responsable. « Elle incarne un idéal dans l’imaginaire collectif » (Bellard, 2010, p. 59). La femme ne serait pas prédisposée au crime. Malgré les évolutions de la place sociale des femmes, les stéréotypes de genre charrient encore l’appréhension de la criminalité (Cardi et Pruvost, 2015). Cantonnée au foyer, la femme y concentrerait son activité criminelle et ses premières victimes seraient, conformément à la théorie des opportunités criminelles, le mari et les enfants. La violence féminine ne serait dès lors pas un simple calque de la délinquance masculine dans une version quantitativement réduite. L’étude de la violence des femmes suppose donc de s’intéresser aux contextes des passages à l’acte et de ses causes et implique alors de déconstruire les mythes et réalités sur la criminalité féminine (Ménabé, 2014; Ottenhof, 1985).

Ainsi, il apparaît nécessaire de mettre en exergue tant les ressemblances entre hommes et femmes que leurs différences dans le passage à l’acte violent. Si les femmes peuvent commettre des violences de toute nature, il n’en reste pas moins que leur déviance est atypique. C’est pourquoi il sera envisagé que les femmes commettent d’une part des violences protéiformes, et d’autre part, des violences spécifiques.

DES violences protÉiformes

Les infractions avec violences prévues par le Code criminel canadien sont principalement l’homicide, la tentative de meurtre, les autres infractions entraînant la mort, l’agression sexuelle et les autres infractions d'ordre sexuel, les voies de fait (graves, armées ou causant des lésions corporelles, simples et autres), la séquestration, l’enlèvement ou le rapt, le vol qualifié, l’extorsion, le harcèlement criminel, les appels téléphoniques harcelants ou menaçants, les menaces et la marchandisation des activités sexuelles. Quant au Code pénal français, il ne catégorise comme « violences » (volontaires) que les atteintes volontaires à l’intégrité physique ou psychique de la personne visée par les articles 222-7 à 226-16-3[5] qui suivent les dispositions relatives aux actes de torture et de barbarie, et précèdent celles relatives aux menaces. Il faut toutefois convenir que la violence revêt un sens beaucoup plus large que ces quelques dispositions et, sans pour autant viser l’exhaustivité, d’autres qualifications pénales méritent d’être envisagées pour toute étude portant sur les violences. La remarque est d’autant plus évidente que la violence des femmes est loin d’être uniforme. Les statistiques judiciaires conduisent à constater que les femmes commettent des homicides, des coups et blessures volontaires et des violences sexuelles[6].

Les homicides

L’homicide volontaire consiste à donner volontairement la mort à autrui. Il suppose un dol spécial, l’intention de tuer (animus necandi), et est qualifié, selon les circonstances de passage à l’acte, de meurtre (art. 221-1 C. pén.), d’assassinat (art. 221-3 C. pén.) ou d’empoisonnement (art. 221-5 C. pén.). L’assassinat suppose la préméditation – c’est-à-dire « le dessein formé avant l'action de commettre un crime ou un délit déterminé » (art. 132-72 C. pén.) – ou le guet-apens – c’est-à-dire « le fait d'attendre un certain temps une ou plusieurs personnes dans un lieu déterminé, pour commettre à leur encontre, une ou plusieurs infractions » (art. 132-71-1 C. pén.). L’empoisonnement suppose l'emploi ou l'administration de substances de nature à entraîner la mort. Cette infraction est caractérisée dès lors que l’auteur a fait usage de la substance mortifère, même s’il n’en est pas résulté la mort.

En s’intéressant spécialement aux femmes homicides, les préjugés, mais aussi la littérature, le cinéma, les médias et même l’histoire française renvoient aux figures de la femme empoisonneuse, de la criminelle passionnelle et de la mère infanticide. En tant que « fille, épouse ou mère » (Cario, 1997a, p. 72), la femme concentrerait son activité criminelle, dont ses actes homicides, sur les membres du foyer, les victimes privilégiées seraient l’époux et les enfants. Ces présupposés, qui recoupent partiellement la réalité, conduisent à s’intéresser au « maricide » (selon la terminologie de S. Frigon, 2002) et à l’« infanticide ».

Le « maricide »

L’homicide conjugal consiste dans le fait de donner volontairement la mort à son conjoint, concubin ou partenaire passé. Cette qualité de la victime est prise en compte au titre des circonstances aggravantes. L’homicide conjugal heurte fondamentalement la symbolique attachée aux femmes et à leurs rôles sociaux. Pourtant, bien que la femme ne soit pas conçue comme « naturellement » homicide, survivent les stéréotypes de la femme empoisonneuse dominée par la ruse, de la femme meurtrière emportée par la passion et de la femme victime qui élimine son conjoint en réaction aux années de violences subies.

L’empoisonnement

De par sa place traditionnelle au foyer, la femme gère la nourriture et les soins, rôles offrant des opportunités criminelles spécifiques. Pour commettre un homicide sans avoir recours à la force (puisque la femme serait faible) et le dissimuler (puisque la femme serait fourbe), la femme aurait recours au poison, arme de la trahison. Face à la femme empoisonneuse, l’homme est vulnérable puisqu’exclu des tâches domestiques. La figure de la femme empoisonneuse a commencé à prendre naissance au XVIIe siècle avec l’affaire dite des Poisons. Quelques célèbres affaires françaises (particulièrement celles de Marie Lafarge, Hélène Jegado, Violette Nozières, Marie Besnard) ont entériné la croyance en une criminalité spécifiquement féminine. Il faut dire que ces affaires ont bénéficié d’une médiatisation et d’un relais littéraire et cinématographique particulièrement forts. Or ces évènements ont été d’autant plus relatés qu’ils mettaient en cause des femmes et, qui plus est, des femmes qui avaient transgressé leurs rôles traditionnels (Bellard, 2010). Pourtant, l’empoisonnement n’est et n’a jamais été une infraction commune, pas plus que spécifiquement féminine. Au cours du XIXe siècle et au début du XXe, période supposée être celle du paroxysme de l’empoisonnement et de l’apogée des femmes empoisonneuses, ces crimes s’avéraient déjà plus rares qu’il n’y paraissait. L’empoisonnement alimentaire était bien souvent accidentel à cette époque et les mauvais usages de conservation des aliments engendraient un climat de suspicion envers les femmes (Bertrand, 2009). Ce climat était également accentué par la difficile détection de traces de poison dans l’organisme des victimes, laissant ainsi toujours planer un doute sur la culpabilité de telle ou telle femme. Même lorsque les faits ne donnaient pas lieu à une procédure judiciaire, l’opinion publique relayait la rumeur de la femme empoisonneuse. Une étude relative au « maricide » au Canada entre 1866 et 1954 a relevé que parmi les vingt-huit femmes condamnées pour avoir tué leur mari au cours de cette période de presque quatre-vingt-dix ans, dix ont utilisé une arme à feu et huit du poison (Frigon, 2002). Le poison n’était donc déjà pas à cette époque l’arme la plus utilisée par les femmes et peu de femmes étaient condamnées pour l’empoisonnement de leur époux. Les stéréotypes en matière d’empoisonnement ne sont pas plus démontrés à la période actuelle. Les statistiques pénales ne permettent pas de l’établir précisément, mais sont suffisantes pour affirmer que l’empoisonnement n’est pas une infraction courante (surtout en écartant les euthanasies par empoisonnement) (Ménabé, 2014). Une étude menée par Bellard (2010) relève que les femmes utilisent davantage l’arme blanche, puis l’arme à feu, les traumatismes, la strangulation et enfin le poison. L’empoisonnement n’est pas le crime par excellence des femmes et le poison n’est pas plus l’arme privilégiée des femmes qui n’hésitent pas à recourir à des modes opératoires bien plus violents.

Le « crime passionnel »

Dans l’imaginaire populaire, lorsque la femme commet un meurtre, elle agit sous l’impulsion de la passion, principalement au sein du foyer à l’encontre du mari, mais aussi à l’encontre d’un amant, d’une rivale ou même d’un tiers. Ainsi, l’amour, la jalousie, la peur de l’abandon sont autant de mobiles d’homicide conjugal. Or, la notion de « crime passionnel » renvoie implicitement à une forme de compréhension de l’acte pénalement sanctionné, à l’admission d’une forme de « normalité » du passage à l’acte, et à la prise en compte de « circonstances atténuantes ». Si les mobiles sont en principe indifférents en droit pénal à la constitution d’une infraction, le mobile passionnel peut toutefois être pris en compte par la juridiction de jugement, lors du prononcé de la peine, conformément au principe d’individualisation des peines permettant au juge d’adapter la durée et le régime de la peine aux circonstances de l’infraction et à la personnalité de son auteur (art. 132-1 C. pén.). En la matière (comme pour toute la criminalité féminine), la femme est jugée par le prisme du genre, compte tenu de sa conformité ou non aux rôles sociaux attendus (Bard et al., 2002). Les stéréotypes de genre conduisent en conséquence à une oscillation de la répression entre intolérance et compassion : compassion envers la femme trompée, abandonnée, humiliée ou battue, et intolérance envers la femme infidèle, vénale, violente ou alcoolique.

Mais l’étude approfondie des crimes dits passionnels (par interprétation des mobiles évoqués par les auteurs ou les médias) met surtout en avant que, d’une part, les crimes passionnels consistent à 80-85 % en des uxoricides (un homme qui tue sa conjointe ou ex-conjointe) et, d’autre part, que les hommes tuent davantage pour garder leur femme, alors que les femmes tuent pour se débarrasser de leur conjoint, tout particulièrement lorsque celui-ci est violent (Houel et al., 2008). Ainsi, l’étude du crime passionnel renvoie principalement (mais pas exclusivement) à l’homicide « de défense » en réaction aux violences conjugales. Il ne faut toutefois pas en déduire que seules les femmes victimes de violences conjugales tuent leur compagnon.

L’homicide « de défense »

Les femmes qui tuent leur partenaire sont souvent qualifiées de victimes qui ont fini par se rebeller, après nombre d’années de maltraitance conjugale. Si ces femmes n’obtenaient pas la compassion des juges au XIXe siècle, le mari disposant d’un droit de correction, elles font aujourd’hui bien souvent l’objet de clémence et quelques affaires médiatisées (notamment l’affaire de Alexandra Lange) ont mis en évidence un début de prise en compte du syndrome de la femme battue (SFB) (Walker, 1979). Qualifié d’état de stress post-traumatique dans le DSM[7], le syndrome de la femme battue correspond à un état de dépendance, d’impuissance et de soumission de la femme envers son conjoint entrainant des conséquences pathologiques. Après plusieurs années de violences physiques et/ou psychologiques, la victime peut développer un état psychique amoindrissant sa capacité de jugement et subir des conséquences criminogènes (stress post-traumatique, sentiments dépressifs, colère, faible estime de soi, culpabilité et ressentiment, plaintes somatiques, ou encore conduites addictives) qui peuvent la conduire à un passage à l’acte d’une extrême violence. Au Canada, la caractérisation du syndrome de la femme battue permet depuis 1990 d’invoquer la perception de danger au titre de la légitime défense (Cour suprême du Canada, R. c. Lavallée, 1990-05-03, RCS 852). En France, le fait justificatif de légitime défense suppose un acte d’agression imminent, injustifié et réel, ou du moins vraisemblable, ainsi qu’une riposte concomitante, nécessaire et proportionnée (art. 122-5 C. pén.). Si la femme victime de violences conjugales pouvait raisonnablement croire qu’elle se trouvait en péril, l’infraction peut être justifiée. Toutefois, le SFB ne permet pas de retenir une « légitime défense différée » lorsque la femme passe à l’acte à un moment où elle n’est pas agressée, puisque le fait justificatif suppose une concomitance. L’état de nécessité ne peut pas plus justifier les faits puisqu’il suppose que la réponse de l’agent soit « nécessaire », ce qui implique que l’agent ne pouvait recourir à d’autres moyens. Toutefois, en tant que trouble psychique ou neuropsychique susceptible d’altérer le discernement, le SFB peut être invoqué comme cause d’atténuation de la responsabilité (art. 122-1 C. pén.).

Si les crimes les plus commis par les hommes sont les viols et agressions sexuelles, puis les crimes contre les biens, les crimes les plus commis par les femmes sont les homicides volontaires, puis les violences volontaires. Ces deux catégories d’infractions représentent 60 % des crimes féminins (Visseaux et Bornstein, 2012). L’homicide est d’ailleurs l’une des principales causes d’incarcération des femmes. Pour autant, l’homicide, y compris conjugal, est majoritairement masculin. En effet, 78 % des homicides conjugaux seraient commis par des hommes (Houel et al., 2004). Au Canada, entre 1961 et 1990, 73 % des auteurs d’homicides conjugaux étaient des hommes (Frigon, 1996).

L’« infanticide »[8]

L’infanticide est l’une des rares infractions majoritairement commises par des femmes. Les données statistiques des condamnations en 2018 (Ministère de la Justice, 2020) font apparaître 23 condamnés pour meurtre sur mineur de moins de 15 ans, 13 femmes pour 10 hommes, soit près de 57 % de femmes. En 2011, elles représentaient 69 % des condamnés pour ce crime. Cependant, ces individus n’ont pas forcément tous été condamnés pour le meurtre de leur enfant puisque, depuis l’entrée en vigueur du nouveau Code pénal (1994), l’infanticide n’est plus incriminé sui generis, mais en tant que meurtre aggravé par l’âge de la victime (moins de 15 ans) sans qu’il y ait lieu de retenir le lien de filiation de la victime (art. 221-4, 1° C. pén.). Auparavant, l’infanticide était légalement défini comme « le meurtre ou l'assassinat d'un enfant nouveau-né »[9] (art. 300 anc. C. pén.) et une excuse atténuante, dite de puerpéralité, faisait encourir à la mère des peines moins sévères (art. 302 anc. C. pén.), compte tenu de la perturbation psychologique ayant pu suivre l’accouchement. Il faut dire que les néonaticides sont intimement liés aux troubles de la grossesse et de l’accouchement.

Le déni de grossesse conduit une femme enceinte à ne pas avoir conscience de sa propre grossesse. Dans le cas d’un déni total, le moment de l’accouchement échappe alors au contrôle mental de l’intéressée; la femme est « dans un état assimilable à celui d’un état de stress dépassé, avec souvent un état de dissociation péritraumatique et des conduites automatiques, qui témoignent de la violence de l’effraction psychique de ce qu’elles sont en train de vivre » (Romano, 2010). Le déni de grossesse fait écho aux affaires médiatisées de femmes accouchant seules à leur domicile ou dans des toilettes publiques et qui étouffent, noient ou jettent aux ordures le nouveau-né (Henry, 2009; Zagury, 2011). Les infanticides multiples sont en revanche davantage liés à une dénégation de grossesse c’est-à-dire à un déni de l’inéluctabilité de la fin de la grossesse (Zagury, 2013). L’infanticide est alors le moyen de continuer à cacher la grossesse vécue. Tant que la dénégation de la réalité persiste, le risque de réitération de l’infraction est considérable, les conditions ayant amené au passage à l’acte restant inchangées.

Les troubles du post-partum peuvent apparaître dans les premiers jours suivant la naissance et peuvent perdurer tout au long de la première année de vie de l’enfant. Le baby-blues correspond à un état dépressif bénin et commun et la dépression postnatale est un état dépressif majeur classé au DSM et à la CIM[10]. La psychose puerpérale, également répertoriée par les classifications des maladies, est un trouble psychotique grave qui conduit à un risque majeur de passage à l’acte infanticide (Campus national de la gynécologie obstétrique, 2008).

Les auteurs de filicide[11], hommes et femmes, présentent également des troubles psychiatriques dans des proportions importantes (Welniarz et Fortineau, 2011) ou encore des traits du trouble de la personnalité limite ou narcissique (Léveillée et Doyon, 2019).

Ces troubles psychiques et psychiatriques peuvent conduire à l’acquittement de l’accusée (qui n’apparaît dès lors pas dans les statistiques relatives aux condamnés). En effet, l’abolition du discernement est une cause d’irresponsabilité pénale (art. 122-1, al. 1 C. pén.). Toutefois, ces troubles peuvent avoir conduit simplement à l’altération du discernement, la femme étant alors déclarée responsable bien que bénéficiant d’une atténuation légale de peine (art. 122-1, al. 2 C. pén.). Il faut également noter que les néonaticides ne donneraient pas toujours lieu à des poursuites pénales (Welniarz, 2009).

Bien que les proportions semblent s’équilibrer (Mucchielli, 2009), l’« infanticide » – et spécialement le « néonaticide » – reste la seule infraction de violence majoritairement féminine[12]. Un quart des meurtres commis par les femmes ont pour victime un mineur de moins de 15 ans (alors que ces meurtres représentent un quarantième des homicides commis par des hommes).

Les coups et blessures

Le mathématicien Quételet (1848) avait calculé que les femmes étaient deux fois moins fortes physiquement que les hommes et il en déduisait que les femmes ne pouvaient commettre d’infractions, supposant le recours à la force physique. Mais l’importance de la force physique dans le passage à l’acte violent doit être relativisée, car rares sont les infractions nécessitant une force physique qu’une femme de gabarit moyen n’aurait pas. La force physique des femmes est suffisante pour commettre un meurtre avec strangulation ou pour exercer des violences suffisamment graves pour entraîner le décès de la victime. Les données statistiques le prouvent d’ailleurs (Ministère de la Justice, 2020). En 2018, 37 femmes ont été condamnées pour des violences volontaires criminelles (pour 274 hommes; soit un « taux de féminité » de 12 %) dont 10 pour des « coups mortels » (violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner; art. 222-7 C. pén.). Elles étaient en outre près de 5500 à être condamnées pour des délits de violences volontaires (représentant 9 % des condamnés pour ces faits[13]). Une part importante des violences commises par les femmes se concentre au sein du foyer, mais les femmes n’hésitent pas à recourir à la violence contre des tiers, à titre d’infraction principale ou comme accessoire d’un passage à l’acte, en matière d’infraction contre les biens.

La violence intrafamiliale

En contrariété avec la symbolique de douceur de la femme et avec son assignation traditionnelle au « care » (Cardi et Pruvost, 2015), les coups et violences volontaires intrafamiliales des femmes, à l’instar des homicides volontaires, touchent le conjoint et les enfants.

Les violences conjugales

Si les violences conjugales sont bien souvent synonymes de violences faites aux femmes et abordées comme tel par les pouvoirs publics, face à la surreprésentation des femmes parmi les victimes, il ne faut pas pour autant en déduire que les femmes ne peuvent être violentes à l’égard de leur conjoint ou conjointe. Les données recueillies par l’Observatoire national des réponses pénales ont fait apparaître jusqu’à 25 % d’hommes parmi les victimes (ONDRP, 2012) et, en écartant les violences sexuelles des violences conjugales, une victime sur trois de violences physiques est un homme (ONDRP, 2011)[14]. Il faut encore ajouter qu’une part infime des violences conjugales commises par les femmes est traitée par la justice. Si seulement 3 500 plaintes ont été enregistrées en 2010, l’ONDRP a estimé à 136 000 le nombre d’hommes victimes de violences au sein de leur couple pour 400 000 femmes (violences physiques et sexuelles) (ONDRP, 2012). Des enquêtes de victimisation gouvernementales canadiennes ont même relevé des proportions égales d’hommes et de femmes victimes de leurs conjoints – tout en précisant que les femmes subissent les violences les plus graves – (Statistique Canada, 2014). Une telle proportion ne se retrouve pas dans les statistiques judiciaires, car, en la matière, les stéréotypes sexuels sont encore fortement présents et conduisent les hommes à rarement signaler les faits aux services de police. La violence des femmes à l’encontre des hommes est donc largement sous-estimée et encore trop ignorée (Welzer-Lang, 2009).

Les maltraitances à enfant

38 % des condamnations de femmes pour des coups et violences volontaires criminels, étaient aggravées par la minorité de la victime. Les données recueillies par le Service National d’Accueil Téléphonique de l’Enfance en Danger révèlent que les auteurs dénoncés par les appelants appartiennent à la famille proche de l’enfant pour près de 96 % des enfants en danger. Or, dans ces hypothèses, il s’agit de la mère pour plus de la moitié des enfants et du père pour un tiers d’entre eux[15]. Les mères représentent ainsi près de 60 % des parents dénoncés[16] (SNATED, 2018).

En revanche, le syndrome du bébé secoué (SBS) apparaît majoritairement masculin (70 %) (SOFMER, 2011), même si la part des femmes (30 %) est supérieure à leur proportion dans la criminalité générale et au sein des infractions de violence (Vellut et al., 2017).

Il faut également évoquer le syndrome de Münchhausen par procuration[17] (SMPP) qui, bien que consistant en une forme plutôt rare de maltraitance à enfant (généralement poursuivie sous la qualification d’administration de substances nuisibles; art. 222-15 C. pén.), a pour auteur principal, la mère de l’enfant (Gasman et al., 2002; Rey-Salmon, 2008; Schweitzer et Puig Verges, 2010).

La violence extrafamiliale

La répression des violences volontaires (art. 222-7 et s. C. pén.) dépend du résultat advenu, mais toutes les violences volontaires présentent les mêmes éléments constitutifs. Contrairement aux coups qui supposent un contact brutal, les voies de fait n’atteignent pas matériellement la victime, mais sont de nature à impressionner vivement une personne raisonnable. Il suffit que l’auteur ait voulu l’acte de violence et peu importe qu’il ait voulu ou non le résultat. 86 % des violences délictuelles commises par les femmes condamnées touchent des majeurs (avec ou sans circonstance(s) aggravante(s)) (Ministère de la Justice, 2020). Une part importante concerne des violences extrafamiliales (conflictuelles ou crapuleuses). Les coups et violences volontaires conduisent à la condamnation d’environ 5500 femmes par an, et constituent la troisième cause de condamnation des femmes après les infractions à la circulation routière et les vols (et donc la première cause de condamnation pour des infractions de violence). Il faut en outre ajouter à ces infractions de violences volontaires, les infractions commises avec la circonstance aggravante de violence, tout particulièrement le vol avec violence même si celui-ci reste d’une importance proportionnelle plutôt faible par rapport à l’ensemble des vols commis sans violence (ou sans que la circonstance aggravante ne soit retenue). Ainsi, en 2018, parmi les 9363 femmes condamnées pour vol, 167 l’ont été pour vol avec violence, soit 1,8 % (pour 2740 hommes, les femmes représentent donc 6 % des condamnés pour ces faits) (Ministère de la Justice, 2020).

En matière de violences volontaires extrafamiliales, il faut toutefois ajouter une influence de plus en plus notable des mineures. En 2009, 23 % des mineures mises en cause l’ont été pour des atteintes à l’intégrité physique (hors vols violents), très majoritairement des violences non crapuleuses (ONDRP, 2010). Plus précisément, 15,8 % des filles mises en cause l’ont été pour coups et blessures volontaires non mortels sur personne de 15 ans et plus, 3,2 % pour violences, mauvais traitements et abandons d’enfants, 1 % pour violences à dépositaire de l’autorité et 0,3 % (91 filles) pour violences sexuelles (ONDRP, 2010, p. 3). Le nombre de mineures mises en cause pour ces infractions a significativement augmenté depuis le début du XXIe siècle. Sur la période 2004-2009, a été relevée une hausse de plus de 80 % sur 5 ans du nombre de filles mises en cause pour violences et menaces (ONDRP, 2010). Le phénomène des « bandes de filles » fait par ailleurs l’objet d’études spécifiques tant ces jeunes femmes font preuve d’une violence physique et verbale, similaire à celle des jeunes hommes et au point qu’on ait pu s’interroger sur le fait, que ces filles ne soient pas « pires » que les garçons (Rubi, 2015, 2005).

Les violences sexuelles

En 2018, les femmes représentaient 1,3 % des condamnés pour viol et 1,6 % des condamnés pour agressions et atteintes sexuelles (Ministère de la Justice, 2020). Ces proportions pourraient amener à exclure de l’analyse les violences sexuelles féminines, mais il faut en réalité préciser d’une part que cette violence est sous-estimée et, d’autre part, que cette violence se concentre majoritairement sur les mineurs (Trébuchon et Léveillée, 2011).

Les viols et agressions sexuelles

En matière de violences sexuelles, les stéréotypes de genre conduisent à un déni de la déviance sexuelle féminine. Les affaires Dutroux-Martin, Delay-Badaoui et Fourniret-Olivier ont toutefois révélé l’existence de femmes complices de violences sexuelles sur mineurs et actives dans le passage à l’acte. Pourtant, le fait que les crimes aient été commis avec un homme a pu faire douter de l’existence de femmes « prédatrices sexuelles ». Il faut dire que la marginalité des condamnations conforte le tabou de l’existence de femmes auteurs d’infractions sexuelles. S’il faut convenir que la violence sexuelle est très majoritairement masculine, il faut aussi avoir conscience à la fois, que le champ répressif de l’infraction de viol a conduit à une sous-qualification des faits commis par les femmes et que le taux faible de plainte lorsque l’auteur est une femme, amène à minimiser la violence sexuelle féminine réelle.

Le cadre infractionnel

Au sein d’une section intitulée « Des agressions sexuelles », le Code pénal distingue le viol (art. 222-23 et s. C. pén.), les agressions sexuelles autres que le viol (art. 222-27 et s. C. pén.), l’exhibition sexuelle (art. 222-32 C. pén.) et le harcèlement sexuel (art. 222-33 C. pén.)[18]. Ce qui caractérise les deux premières catégories d’infractions est l’utilisation par l’agresseur d’une composante de l’absence de consentement, c’est-à-dire de « violence, contrainte, menace ou surprise »[19]. En matière d’infractions sexuelles commises sur les mineurs, il faut encore y ajouter celles de la section relative à la mise en péril des mineurs, tout particulièrement les atteintes sexuelles qui ne nécessitent pas l’emploi par l’auteur de violence, contrainte, menace ou surprise. Ainsi, le Code pénal réprime toute atteinte sexuelle sur un mineur de quinze ans (art. 227-25 C. pén.) et les atteintes sexuelles sur mineur de plus de quinze ans, lorsqu’elles sont commises par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait, ou par une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions (art. 227-27 C. pén.).

Les textes d’incrimination n’opèrent aucune distinction selon que l’auteur ou la victime est un homme ou une femme. Toutefois, tel n’a pas toujours été le cas. Réprimé par l’article 332 du Code pénal de 1810 sans être légalement défini, le viol correspondait à « la conjonction charnelle d’un homme avec une femme, contre le gré ou sans le consentement de celle-ci » (Vitu, 1982). Le viol était alors conçu comme une infraction que seul un homme pouvait commettre et que seule une femme pouvait subir. Dans un but d’égalitarisme, le champ d’incrimination de cette infraction a été étendu par une loi du 23 décembre 1980 définissant alors le viol comme « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise »[20]. Bien que dénuée de référence au sexe de l’auteur et de la victime, la formulation s’est révélée non-neutre. En effet, le texte d’incrimination imposait que soit caractérisé « un acte de pénétration sur la personne d’autrui », or, lorsque la femme impose à un homme une relation sexuelle avec pénétration (génitale, buccale ou anale) par le sexe de l’homme, c’est la femme qui est pénétrée et non « autrui ». Dans de telles hypothèses, le principe de légalité a conduit les juridictions à exclure le viol (qualification criminelle) et à retenir l’agression sexuelle (qualification délictuelle) (Mayaud, 1999). Le législateur a fini par intervenir avec la loi du 3 août 2018 (« renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes ») pour modifier le texte d’incrimination et rétablir une stricte égalité, selon que l’auteur est un homme ou une femme. Le viol est depuis défini comme « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui ou sur la personne de l'auteur par violence, contrainte, menace ou surprise »[21]. Toujours est-il que ces complexités juridiques n’ont pas aidé à la révélation des violences sexuelles commises par les femmes.

La violence réelle

Les agresseuses sexuelles apparaissent comme des exceptions, en tant que femmes (tellement les faits entrent en contrariété avec leurs rôles traditionnels) et en tant que criminelles (leur part parmi les délinquantes étant elle-même résiduelle). Cette faiblesse statistique des femmes auteurs d’infractions sexuelles s’explique par la sous-estimation du phénomène et, également, par la moindre participation générale des femmes au phénomène criminel. Des enquêtes menées auprès des victimes au Canada révèlent que 13 à 22 % des affaires d’infractions sexuelles impliquent des femmes (Tardif, 2005). Au centre des Buttes-Chaumont à Paris, spécialisé dans la prise en charge de victimes d’agressions sexuelles, une agression sexuelle sur deux, commise au sein de la famille, implique des femmes, actrices ou complices (Poiret, 2006). Quant au Service National d’Appel Téléphonique pour l’Enfance Maltraitée, il constate que 11% des cas de maltraitances sexuelles dont il a eu connaissance avaient pour auteur une femme (Poiret, 2006). Le taux de plainte déjà faible en matière d’infractions sexuelles l’est encore plus lorsque l’auteur est une femme (Ménabé, 2021a). Depuis quelques années, il commence toutefois à augmenter, ce qui amène à révéler davantage la part des femmes auteurs d’infractions sexuelles. Les taux de poursuites et de condamnations ont parallèlement augmenté. En France, les femmes représentaient 1,5 % des personnes mises en cause pour ces infractions en 1996, 2,4 % en 1998, 3 % en 2001 et 4 % en 2006. En ce qui concerne la population carcérale, une étude au centre pénitentiaire de Rennes a relevé que, de 1970 à 1995, quinze femmes étaient incarcérées tous les ans pour agressions sexuelles, alors qu’entre 1995 et 1998, elles étaient trente chaque année (Deschacht et Génuit, 2000). Cette étude a par ailleurs relevé qu’un quart des femmes condamnées pour agression sexuelle ont agi seules, sans aucune contrainte de la part du conjoint ou de toute autre présence masculine. D’autres études estiment jusqu’à 15 % de femmes parmi les agresseurs sexuels, ce qui reviendrait à la part des femmes mises en cause en France pour l’ensemble des infractions (Bellard, 2010). Indubitablement, la criminalité sexuelle des femmes est loin d’être exceptionnelle.

La « pédophilie »

Les violences sexuelles des femmes sur des majeurs sont principalement commises à l’encontre du conjoint. Les statistiques pénales ne permettent pas d’évaluer l’ampleur de ces violences conjugales, tant elles sont peu dénoncées : 19 % des hommes contactant l’association "SOS hommes battus" se disent victimes de violences sexuelles et 1 % d’entre eux déposent plainte (SOS Hommes battus, 2012). Les statistiques permettent en revanche de constater que les femmes sont majoritairement condamnées pour des violences sexuelles sur mineur. En effet, les données de condamnation pour 2018 font apparaître que 50 % des viols et 84 % des agressions et atteintes sexuelles commis par les femmes avaient pour victime un mineur de moins de 15 ans (contre 38 % et 60 % pour les violences sexuelles commises par les hommes) (Ministère de la Justice, 2020). La criminalité sexuelle des femmes s’apparente effectivement majoritairement à de la « pédophile », et principalement dans le contexte familial (Deschacht et Génuit, 2000; Harrati et al., 2005). Les principales victimes des femmes auteurs d’infractions sexuelles sont des mineurs, généralement de moins de quinze ans, ayant un lien de filiation ou de parenté avec la femme auteur[22]. Il a pu être estimé que 80 % des violences sexuelles commises par les femmes concerneraient des mineurs dans un contexte familial (Deschacht et Génuit, 2000).

Des violences SPÉcifiques

« Too few to count » (Adelberg et Currie, 1987), les femmes criminelles ont longtemps été les oubliées de la criminologie. La criminalité des femmes, un « non-phénomène » (Bertrand, 1979, p. 20) universel et intemporel (Cario, 1997a; Bertrand, 2003), a curieusement peu intéressé. Malgré un début de prise en considération des femmes criminelles dans les années 1960-1970 (Parent, 1998), les écrits criminologiques en la matière s’illustrent par leur marginalité, tout autant que les données empiriques et statistiques par leur insuffisance, au point que la violence des femmes est comparable à un « iceberg féminin » (Groman et Faugeron, 1979). La matière doit en outre s’affranchir des stéréotypes de genre qui l’imprègnent toujours fortement, au point de conduire à une répression différenciée en fonction de sexe de l’auteur et de sa conformité aux rôles sociaux traditionnels. Pourtant, les similarités entre hommes et femmes criminels sont tout à fait notables, car la violence est bien souvent la conséquence d’un parcours de vie chaotique marqué par les facteurs criminogènes. Les violences des femmes présentent ainsi, pour particularités, d’être invisibilisées, stéréotypées et ancrées.

Une violence invisibilisée

« Plusieurs processus conduisent à invisibiliser la violence des femmes et, par là même, à réaffirmer l’ordre du genre en construisant la non-violence supposée des femmes, au point d’en faire un objet impensable » (Cardi et Pruvost, 2015, p. 23). La violence des femmes est en effet encore inconcevable malgré des données statistiques concordantes quant à leur existence (et leur importance tout de même non négligeable) et malgré la médiatisation d’affaires hors-normes (y compris en matière terroriste[23]). Les stéréotypes de genre, la construction sociale de la « masculinité » et de la « féminité », conduisent à imaginer l’homme violent et la femme victime (Rubi, 2015). La femme ne représenterait pas un danger. Au mieux lui attribue-t-on la capacité de recourir à la violence psychologique (DESBARATS, 2016). Par conséquent, les femmes violentes seraient « folles », car leur violence serait « anormale ». Au déni de la participation des femmes à la violence, s’ajoute un phénomène de déresponsabilisation des femmes auteurs. Cette violence étant « anormale », elle ne peut qu’avoir une origine spécifique : la folie, l’influence d’un homme ou une réaction traumatique. La femme n’agirait que faute de discernement, sous domination masculine ou qu’en qualité de victime. Les frontières de genre restent nettes. Elles conduisent d’ailleurs à des stratégies de défense de ces femmes judiciarisées. La peine prononcée sera d’autant plus clémente que la femme poursuivie se présente comme victime, de sa propre victime, d’autres hommes (un père violent, un frère incestueux, un violeur inconnu…) ou même de la société (qui n’a pas su la protéger ou l’a enfermée dans un carcan de vulnérabilité). Doit-on alors admettre que la perception de faiblesse de la femme devienne sa force en justice? Alors que les femmes s’ouvrent à de nouvelles opportunités sociales, que l’égalité de droit ne cesse d’être revendiquée et que la parité tend à s’imposer, l’ordre du genre doit-il encore dominer la perception du phénomène criminel? La violence des femmes doit être rendue visible et la justice doit par ailleurs s’affranchir des stéréotypes.

Une violence stéréotypée

Les femmes représentent environ 4 % de détenus, 10 % des condamnés et 18 % des mis en cause (Büsch et Timbart, 2017). Elles disparaissent progressivement des statistiques pénales, ce qui a pu amener à parler d’un traitement judiciaire préférentiel à l’égard des femmes. Il est vrai que, même en actant que les femmes commettent moins d’infractions, elles devraient se retrouver dans des proportions similaires à toutes les phases de la procédure pénale à moins de faire l’objet d’un traitement distinct de celui des hommes judiciarisés. Toutefois, il convient désormais davantage de parler de traitement différentiel, car les recherches ont tendance à mettre en évidence que ce n’est pas le sexe ou le genre de l’intéressée qui motive la décision judiciaire (aux stades des poursuites, du jugement et de l’exécution des peines), mais un ensemble de caractéristiques qui se retrouvent dans des proportions plus importantes chez la population pénale féminine (Ménabé, 2014). Pour autant, le sexe des intéressés n’est pas totalement indifférent aux acteurs judiciaires et il faut tout de même admettre que les femmes bénéficient de représentations sociales qui tantôt peuvent conduire à une certaine clémence, tantôt à une certaine sévérité (Parent, 1986). Les représentations sociales, tout comme les réalités sociales, influent sur le traitement judiciaire de la criminalité féminine.

Les représentations sociales

Les stéréotypes sexuels correspondent à une représentation sociale de ce qui caractériserait l’ensemble des hommes et des femmes. Ils présentent un caractère réducteur puisqu’ils consistent à attribuer une représentation générale à l’ensemble d’un groupe. Ils sont pourtant ancrés dans la société, influencent la perception d’un groupe, tout autant que le comportement des membres du groupe, et conduisent à des préjugés. Or, selon le « théorème de Thomas » (tel que reformulé par Merton), « la représentation que l’on se fait d’une situation contribue à construire cette situation » (Bedin et Fournier, 2009, p. 287). La perception générale est que le délinquant est un homme et que la femme criminelle transgresse son statut de femme, mère et épouse. Alors qu’on aurait pu penser que la justice est indifférente aux perceptions sociales genrées et que le sexe de l’auteur ne conditionne jamais la réaction judiciaire, il faut pourtant convenir que les magistrats et jurés sont, au moins inconsciemment, influencés par les constructions sociales des genres (Lelièvre et Léonard, 2012). Ce fut notamment le cas pour le prononcé de mesures restrictives de liberté présentencielles à l’encontre de radicalisés revenant de l’« État islamique », les hommes faisant généralement l’objet d’une détention provisoire, alors que les femmes étaient placées sous contrôle judiciaire. Les « revenantes » étaient, jusqu’à 2016 (et la tentative d’attaque de Notre-Dame de Paris par trois jeunes filles), perçues comme des « femmes de combattants », voire des « victimes », ne portant pas les armes et n’ayant pas de rôle actif. Les autorités judiciaires en déduisaient que les femmes présentaient une dangerosité criminelle moindre que les hommes (Ménabé, 2021b; Thomson, 2016).

Il faut pourtant garder à l’esprit que la femme auteur d’infraction est bien plus semblable à l’homme infracteur qu’il pourrait l’être supposé. Aucune infraction n’est exclusivement féminine ou exclusivement masculine et les stéréotypes sexuels conduisent à une image atténuée et faussée de violence féminine. La réalité est que globalement les femmes, comme les hommes, concentrent leur activité criminelle en matière délictuelle, et commettent tout particulièrement des atteintes aux biens comme le vol, l’escroquerie ou l’abus de confiance. Lorsqu’elles portent atteinte aux personnes, les femmes, comme les hommes, recourent à la violence, elles tuent, elles frappent et même agressent sexuellement. Certes, les délinquances masculines et féminines ne se confondent pas, tant quantitativement que qualitativement, mais elles ne divergent pas autant que les stéréotypes de sexe pourraient le laisser présager. Pour autant, revendiquer une certaine similarité entre auteurs d’infraction de sexes différents, n’induit pas l’uniformisation parfaite de la réaction judiciaire qui est une réaction juridique et sociale complexe fondée sur les particularités du passage à l’acte et de l’auteur de l’infraction (art. 132-1 C. pén.). Les réalités de la criminalité féminine justifient en effet l’existence d’un traitement différent.

Les réalités sociales

Durkheim (1897) estimait qu’aucune différence de nature ne distingue les hommes et les femmes dans leur propension au crime, mais que les femmes bénéficient de plus d’indulgence à toutes les étapes du processus pénal, car les hommes adoptent une attitude dite paternaliste ou chevaleresque (Parent, 1986; Simon, 1975). Cette théorie a depuis montré ses limites avec la féminisation de la police et de la magistrature. Plus qu’un traitement préférentiel à l’égard des femmes judiciarisées lié à une forme de courtoisie des acteurs de la procédure pénale (qu’ils soient hommes ou femmes d’ailleurs), c’est un traitement différentiel qui doit être relevé, ayant pour origine les caractéristiques situationnelles et personnelles différenciées en fonction du sexe.

Les caractéristiques situationnelles

Les autorités de poursuite, de jugement et d’exécution des peines sont influencées par les circonstances de commission de l’infraction et tout particulièrement, que ce soit conscient ou non, par la place générale des femmes dans le phénomène délinquantiel. Or, la sous-représentation des femmes dans le phénomène criminel est une réalité et même la spécificité la plus marquante de la criminalité féminine. Les acteurs de la procédure ont parfaitement conscience qu’il est beaucoup plus rare pour une femme d’entrer dans les mailles du système pénal. La délinquance féminine, plus encore la violence féminine, n’est pas habituelle et, dès lors, la réaction judiciaire peut différer. En outre, les femmes judiciarisées sont globalement moins ancrées dans la délinquance d’habitude et ont non seulement moins d’antécédents judiciaires, mais ont aussi moins de risques de récidiver ou de réitérer que les hommes (Kensey et Benaouda, 2011). Or, les autorités judiciaires prennent en compte le passé pénal et le risque de rechute, afin de déterminer l’opportunité des poursuites, la nature des peines, leur durée et les mesures d’aménagement.

Les caractéristiques personnelles

Les femmes criminelles présentent elles aussi des spécificités. En particulier, trois quarts des détenues sont mères et elles sont également majoritaires au sein des femmes judiciarisées (Ass. Nat., 2009; Bellard, 2010; Cario, 1997a). Or, l’influence de la situation familiale est manifeste que ce soit au stade des poursuites, du prononcé des peines ou de l’exécution des peines, car les sanctions doivent pénaliser le moins possible l’enfant au nom de son intérêt supérieur et du principe de la personnalisation des peines, imposant au juge de prendre en compte la situation familiale (Ménabé, 2019). Ainsi, lorsqu’une délinquante assume seule la charge des enfants, le risque de placement de l’enfant en institution peut peser considérablement sur la décision de l’autorité judiciaire. Les juges (correctionnels ou d’application des peines) peuvent s’orienter vers des peines alternatives à l’emprisonnement, des condamnations avec sursis, vers des aménagements de peine ou des libérations anticipées. En outre, les femmes présentent une personnalité fragile pouvant également être prise en compte dans le prononcé et l’exécution des peines. Deux tiers des femmes détenues pour crime ont des antécédents victimologiques de maltraitance physique et/ou sexuelle (Bellard, 2010). De ces antécédents, et de leur socialisation marquée par les carences affectives, découlent des fragilités psychologiques notables. Les femmes judiciarisées et incarcérées présentent dans des proportions inquiétantes, des troubles psychologiques, des troubles de l’attachement, des addictions, une immaturité, une pauvreté affective, socio-économique et culturelle (Cario, 1997a; Rome, 2018; CGLPL, 2016; Delarue, 2016). Or, les autorités judiciaires ne font pas abstraction de ces caractéristiques personnelles qui peuvent peser sur leurs décisions.

Une violence ancrée

« Seule une différence de degré, en aucun cas de nature, sépare les délinquants des abstinents; comme elle sépare les criminels selon leur genre » (Cario, 1997b, p. 458-459). Le parcours des femmes violentes est sensiblement équivalent à celui des hommes violents. Pour les passages à l’acte les plus graves, les facteurs criminogènes sont particulièrement marqués et les femmes présentent, dans des proportions encore plus importantes que les hommes, des antécédents victimologiques (Bellard, 2010).

Les caractéristiques sociales

Jeune âge. Près de 40 % des condamnés sont âgés de moins de 25 ans (Ministère de la Justice, 2018). Hommes ou femmes, deux détenus sur cinq ont moins de 25 ans (Cario, 2009). Ce constat est d’autant plus frappant que les moins de 25 ans ne représentent qu’environ 25 % de la population française (moins de 16 ans compris) et la tranche des 18-24 ans seulement 11 %. La délinquance est donc majoritairement un phénomène jeune et le constat est similaire pour les femmes, tout particulièrement en matière d’atteinte aux biens, dont les vols avec violence, mais aussi pour les délits de coups et blessures volontaires. Les homicides volontaires et les violences sexuelles sont globalement le fait d’une population un peu plus âgée (Ministère de la Justice, 2018).

Faible niveau scolaire. Le degré d’instruction a également une incidence sur le risque de passage à l’acte et la nature de la délinquance[24] (Ouimet, 2010). Or, le faible niveau scolaire se retrouve chez les détenus des deux sexes. En 1996, Robert Cario avait pu relever que la moitié des détenues n’avaient pas dépassé le niveau d’instruction primaire, que le niveau moyen d’instruction des femmes condamnées était la première année de cours élémentaire (= 2è année) et que le taux d’illettrisme s’élevait à presque 18 % (Cario, 1997a). Quelques années plus tard, Chrystèle Bellard (2010) a relevé un niveau scolaire un peu plus élevé, mais encore largement inférieur à la moyenne nationale : 44 % des femmes de son échantillon (condamnées pour crime) ont atteint un niveau Brevet, CAP ou BEP, le niveau scolaire moyen est le cours moyen première année (= 4è année) et le taux d’analphabétisme ou d’illettrisme est de presque 14 %. En outre, 30 % des détenues pour crime présentent une déficience intellectuelle – qui est d’ailleurs notable chez les auteurs de violences sexuelles (Harrati et Vavassori, 2015; Lévy, 2000).

Faible insertion professionnelle. Le faible niveau scolaire moyen conduit à des difficultés d’obtention d’un emploi, qui plus est stable, qualifié et assurant un niveau économique confortable. Cette faible insertion professionnelle se constate tant chez les femmes que chez les hommes condamnés. Les délinquantes sans activité ou avec une activité précaire sont surreprésentées par rapport à la moyenne de la population française (Cario, 1997a). 50 % des détenues pour crime sont dans ces situations (Bellard, 2010). Cette instabilité professionnelle a elle-même une incidence sur le niveau de vie, d’autant plus en cas de foyer monoparental et en fonction du nombre d’enfants à charge.

Faible niveau de vie. Les délinquants sont généralement issus des classes défavorisées, ils n’ont bien souvent pas eu accès à la culture et aux loisirs, et le foyer est fréquemment marqué par les carences éducatives. La situation familiale du foyer d’origine est également peu stable : rupture parentale, abandon, délinquance d’un parent, conflits familiaux… (Ouimet, 2010). Ces situations conduisent à des séquelles psychopathologiques et à un abaissement du seuil délinquantiel. Ces carences affectives découlant du milieu d’origine ont été relevées également pour les femmes judiciarisées (Cario, 1997; Bellard, 2010). Chrystèle Bellard (2010) a également pu évaluer que la taille moyenne de la fratrie d’origine est de 5,23 enfants par foyer (et 87 % des criminelles sont issues de familles de trois enfants et plus), ce qui se situe donc largement au-dessus de la moyenne nationale. Un tiers des criminelles a grandi au sein d’une famille recomposée et 15 % n’ont pas connu leur père. La moitié a subi une rupture familiale précoce et un quart de ces hypothèses concerne un placement par les services sociaux.

Antécédents médico-psychologiques. Les carences affectives durant l’enfance ont des répercussions sur la socialisation et peuvent conduire à des troubles médico-psychologiques (DREES, 2009). Ainsi, avant leur judiciarisation, un quart des criminelles ont des antécédents de dépression, une sur six a fait au moins une tentative de suicide et 10 % ont fait l’objet d’une hospitalisation psychiatrique (Bellard, 2010). À ces fragilités psychologiques et psychiatriques, il faut ajouter la prévalence des conduites addictives : une sur dix est toxicomane et une sur quatre est alcoolique. Les criminelles présentent également, à l’instar des criminels, des traits de personnalité marquants : une détenue sur trois est immature, une sur six fait preuve de narcissisme ou d’égocentrisme, une sur six est manipulatrice (dont une partie est diagnostiquée mythomane), 15 % présentent une froideur ou une indifférence affective, et une sur dix est qualifiée de perverse.

Les antécédents victimologiques

Le lien entre les violences subies, qu’elles soient physiques ou sexuelles, et les violences agies, est établi par la surreprésentation d’antécédents victimologiques chez les délinquants (Choquet et Ledoux, 1994; Vidon, 1998). Avoir été victime d’une infraction prédispose au passage à l’acte, tout particulièrement lorsque l’individu a été soumis jeune à une ou des infractions (Ménabé, 2021a). Chrystèle Bellard (2010) a ainsi pu constater qu’une détenue pour crime sur cinq a été maltraitée physiquement avant ses dix-huit ans, tout comme une détenue sur cinq a subi des violences sexuelles avant sa majorité (bien souvent elles sont victimes d’un ascendant ou d’un membre de la famille). De plus, les agresseurs n’ont, dans la quasi-totalité des cas, pas été poursuivis ou pas condamnés. Une criminelle sur cinq a également fait l’objet de maltraitances physiques après dix-huit ans, tout particulièrement de violences conjugales, et une sur quinze a subi des violences sexuelles après la majorité. Deux tiers des détenues ont donc des antécédents victimologiques de maltraitance physique et/ou sexuelle. Les femmes, plus encore que les hommes, concentrent ces difficultés et le passage à l’acte violent s’inscrit dans un parcours de vie chaotique marqué par les abus physiques, sexuels ou psychologiques (Sénat, 2009; MIP, 2005; Dünkel et al., 2005; QCEA, 2007; Choquet et Ledoux, 1994; Génuit, 2007).

Pour conclure, l’inégale violence des hommes et des femmes ne doit pas masquer la réalité de la criminalité violente féminine. Si elle reste incontestablement inférieure numériquement à celle des hommes, ses expressions sont toutefois sensiblement équivalentes, aucune forme de violence n’étant du monopole absolu des hommes. Les violences protéiformes des femmes se concentrent toutefois au sein du foyer, principalement à l’encontre des enfants ou du conjoint. La construction sociale du genre a une influence considérable en la matière, non seulement en détournant les femmes du phénomène criminel (théorie de la socialisation différentielle : Bertrand, 1969; Heidensohn, 1968; Klein, 1973; Smart, 1977), mais aussi en rendant les violences féminines invisibles et en conduisant à un traitement judiciaire différentiel. Pourtant les origines du passage à l’acte sont d’une surprenante ressemblance entre hommes et femmes. Le passage à l’acte criminel est l’aboutissement d’une succession de carences et séquelles. « On ne naît pas criminel, on le devient », tout comme « on ne naît pas femme, on le devient » (De Beauvoir, 1986). Par conséquent, la prise en charge des femmes violentes suppose de s’attacher spécialement à ce « devenir », à ce parcours de vie individuel s’inscrivant dans une construction sociale de la violence et du genre.