Article body

L'INVENTAIRE DE PERSONNALITÉ ET L'EXPERTISE EN DROITS DE GARDE CONTESTÉS

L’évaluation psychologique en matière de garde d’enfants, expose que les parents ont tendance à se présenter sans problèmes particuliers ni défauts sur le plan psychologique, parce qu’ils veulent obtenir des recommandations qui confortent leur position sur la garde (Bathurst et Gottfried, 1997; Butcher, 2005; Carr, Moretti et Cue, 2005; Hynan, 2013, 2015; Posthuma, 2014; Semel, 2016; Strong et al. 1999). En contexte d’expertise psychologique en sélection de personnel ou en droits de garde contestée, les individus présentant des attitudes défensives veulent se montrer confiants en leurs capacités, entreprenants, efficaces, chaleureux, empathiques et patients (Hynan, 2013, 2015; Kurtz et al., 2015; Morey, 1996, 2003, 2007; Semel, 2016). Toutefois, les situations de conflit de séparation sont caractérisées par la méfiance, la colère, le blâme et les mésententes au sujet de la garde (Deutsch et Pruett, 2009). Elles sont aussi le fruit de dimensions psychologiques problématiques chez les parents comme l’anxiété, la dépression, les attitudes agressives, le non-respect, et/ou le manque dans la gestion des émotions (Deutsch et Pruett, 2009) où ils font preuve de non-coopération, de projection, de blâme, de méfiance, de centration sur soi, de manque d’empathie, et/ou conclusions hâtives quant à l’appréciation des motivations de l’autre parent (Deutsch et Pruett, 2009; Lamb et Kelly, 2009; Pruett et Barker, 2009). Le stress vécu par les parents, de même que leur fonctionnement de personnalité, compliquent la résolution de problème et favorise le litige sur la garde, car les parents ont une faible capacité à faire des compromis et ont une réelle difficulté à percevoir le point de vue de l’autre et/ou à le considérer (Lamb et Kelly, 2009; Pruett et Barker, 2009). Or, les facteurs essentiels pour créer un climat harmonieux pour l’enfant sont déterminés principalement par les caractéristiques psychologiques des parents comme l’empathie, l’adaptabilité, la capacité à contenir son émotivité, la communication adéquate, la bonne entente, et la conciliation afin de favoriser le développement ou l’attachement de l’enfant à l’autre parent (Pruett et Barker, 2009). La coparentalité constructive demande aux parents d’être moins centrés sur leurs besoins et d’être plus empathiques dans leurs relations avec les autres (Lamb et Kelly, 2009; Pruett et Barker, 2009).

Les attitudes défensives des parents constituent le principal obstacle du psychologue en contexte de droits de garde contestés, car celles-ci peuvent les amener à sous-estimer leurs difficultés psychologiques réelles et à surestimer leurs capacités parentales (Bathurst et Gottfried, 1997; Strong, Greene, Hoppe, Johnston et Olesen, 1999; Butcher, 2005; Carr et al., 2005; Hynan, 2013, 2015; Kurt et al., 2015; Mazza et al., 2019; Posthuma, 2014; Semel, 2016). L’utilisation d’instruments de mesure de la personnalité, tel que l’Inventaire de Personnalité (Personality Assessment Inventory [PAI]), combinée à une cueillette diversifiée d’informations, est la meilleure méthode et la plus utilisée pour discriminer ceux qui n’ont pas de problèmes psychologiques de ceux qui les sous-estiment ou les nient (Ackerman et Ackerman, 1997; Baer et Miller, 2002; Kurt et al., 2015; McCredie et Morey, 2018; Strong et al., 199;). Or, les résultats obtenus aux échelles qui mesurent la désirabilité sociale aux instruments de mesure de la personnalité, comme le MMPI-2, le MMPI-2-RF et le PAI, sont modérément élevés démontrant la motivation des parents à se présenter sous un jour favorable (Butcher, 2005; Carr et al., 2005; Hynan, 2013, 2015; Posthuma; 2014). Vu la motivation des parents à bien se présenter pour obtenir les droits d’accès demandés, les outils psychométriques utilisés produisent souvent des profils invalides (Carr et al., 2005; Butcher, 2005; Hynan, 2013, 2015; Posthuma; 2014). Carr et al. (2005) a pu observer que la validité de 52 % des profils au MMPI-2 était compromise à cause de l’élévation des échelles mensonges délibérés (Lie [L]) ou attitude défensive (Correction [K], alors qu’au PAI près de 17,2 % des mères et 18,2 % des pères affichaient un score de T ≥ 68 à l’échelle de Présentation Positive de soi (Positive Impression Management [PIM]). L'étude de Hynan (2015), basée sur 250 parents, a démontré que 22 % de ceux-ci produisaient un profil invalide (PIM ≥ T68).

Les différences aux tests psychométriques, par rapport aux normes entre les populations naturellement motivées à se présenter sous un bon jour et les populations motivées à démontrer une détresse psychologique, ont été démontrées en contexte d’expertise psychologique (Bagby et al., 2002; King et Sullivan, 2009; Kutz et al., 2015; Mazza et al. 2019; McCCredie et Morey, 2018). En situation de droits de garde contestés, les profils défensifs sont attendus et l’invalidité des données obtenue ne doit pas être systématique (Butcher, 2005). Dans la majorité des cas, les profils sont interprétables si, plutôt que de les comparer aux données standards, on les compare à un groupe similaire de répondants (Bathurst et Gottfried, 1997; Butcher, 2005; Carr et al., 2005; Hynan, 2013, 2015; Kurt et al., 2015; Mazza et al., 2019; Posthuma, 2014; Semel, 2016; Strong et al., 1999). Toutefois, les études qui ont analysé cette situation d’expertise avec l’utilisation du PAI sont limitées (Hynan, 2013, 2015; Posthuma, 2014; Semel, 2016).

L’Inventaire de Personnalité

L’Inventaire de Personnalité (PAI) dispose de trois mesures de validité afin de détecter les attitudes défensives positives des parents évalués, soit PIM, l’Indice Défensif (Defensiveness Index [DEF]) et de la Fonction Discriminante de Cashel (Cashel Discriminant Function [CDF]). Une élévation à l’échelle de Présentation Positive de soi (PIM) suggère une réticence à admettre des défauts mineurs chez un parent, soit en niant toutes caractéristiques psychologiques problématiques ou en les sous-estimant. La présentation sous un jour favorable permet de prédire une distorsion plus ou moins marquée dans les échelles cliniques (Hynan, 2013, 2015; Kurtz et al., 2015, 2016; Morey, 1996, 2003, 2007; Morey et Hopwood, 2007;). Plusieurs études ont démontré que le point de coupure à l’échelle PIM, pour discriminer la présentation positive de soi au PAI, est de T57 (Cashel et al., 1995; Morey, 1996, 2003, 2007; Morey et Lanier). L’Indice Défensif (DEF) permet d’identifier les personnes qui ont tendance à fournir une impression positive d’elle-même. L’Indice DEF est corrélé à PIM, mais sa construction est différente (Morey, 2007). Il est composé de neuf indices répartis au travers de l’ensemble du profil clinique comme le Rejet de traitement (Treatment rejection [RXR]), la présence de la Grandiosité (Grandiosity [MAN-G]) sans l’Irritabilité (Irritability [MAN-I]) ou le besoin de Domination de son environnement (Dominance [DOM]) sans Attitude agressive (Verbal Aggression [AGG-V]). L’identification de six marqueurs et plus (T70) révèle la présence d’une attitude de dissimulation (Morey, 1996, 2003, 2007; Morey et Hopwood, 2007). Sous T70 à l’indice DEF, soit entre T58 et T68, la prise en compte des marqueurs de l’indice montre un effort chez la personne à se montrer sous un jour favorable (Morey, 2007). L’indice CDF sert à identifier les réponses d’une personne coachée afin de produire un profil artificiellement faux (profil fake good). Sa composition est différente de PIM et DEF. L’indice CDF est obtenu avec un calcul de multiplication, d’addition et de soustraction des scores T de six échelles du PAI (Morey, 2003, 2007). Un résultat près de 145 (T55) suggère un effort modéré de présentation positive de soi. Plus le score s’élève, plus l’effort défensif est soutenu. Un résultat supérieur à 160 (T69) suggère une distorsion positive du profil. L’indice CDF est modérément corrélé à DEF et faiblement à PIM (Morey, 1996, 2003, 2007; Morey et Hopwood, 2007). Les échelles de validité au PAI sont corrélées positivement avec les échelles de validité (L et K) du MMPI-2 (Bagby et al., 2002; Carr et al., 2005; Groth-Marnat et Wright, 2017; Morey, 1996, 2003, 2007).

Stratégies discriminatives pour détecter la distorsion positive

Dans un contexte de droits de garde contestés, les recherches ont démontré que l’utilisation seule de l’échelle PIM comme mesure de détection des profils défensifs n’est pas recommandée (Carr et al., 2005; Posthuma, 2014). L’échelle PIM peut entraîner le rejet de profils considérés invalides, alors qu’ils pourraient être autrement révélateurs (Kurt et al., 2015). Il est donc important d’utiliser d’autres stratégies en support à l’échelle PIM, en plus des indices DEF et CDF, pour identifier les parents qui auraient tendance à fournir une impression positive d’eux-mêmes pour masquer une réalité psychologique défavorable à l’obtention de droits de garde (Hynan, 2013, 2015; Kurtz et al., 2015, 2016; McCredie et Morey, 2018 Morey et Hopwood, 2007).

Le PIM Predicted Profile (PPP) permet d’estimer l’effet d’une attitude particulièrement défensive sur le profil clinique obtenu (Kurtz et al., 2015; Kurtz et al. 2016; Morey et Hopwood, 2007). La procédure de régression utilisée permet de comprendre laquelle des échelles cliniques est affectée par la distorsion observée et dans quelle mesure, les résultats obtenus sont sous-estimés par le répondant. La procédure vise à retirer l’influence provoquée par le style de réponse du parent; celui-ci étant représenté par l’élévation à l’échelle PIM. Lorsque peu de contraste est observé entre un score T à une échelle clinique et le score T obtenu au PPP, l’absence de contraste indique que le parent endosse une échelle clinique de façon plus défensive que ne le prévoit cette échelle seule. Un écart supérieur à 5T révélé au PPP est potentiellement révélatrice de l’état psychologique réel du répondant à cette échelle (Kurtz et al., 2015; Kurtz et al., 2016; Morey et Hopwood, 2007).

Le PIM Specific Scoring (PSS) s’intéresse aux scores de distorsion positive supérieurs à T57 obtenus avec une population adulte générale sur l’échelle PIM (Kurtz, et al., 2015, 2016; McCredie et Morey, 2018). Un score égal ou supérieur à T57, soit à un écart-type au-dessus de la moyenne, signifie que la personne se décrit elle-même comme étant sans défauts mineurs sur le plan psychologique. Entre T57 et T67, la présentation défensive est considérée comme étant modérée à élevée. Deux cas de figure sont possibles à cette élévation en contexte de droits de garde contestés : il est possible d’être en présence d’un profil d’un parent qui a répondu honnêtement au PAI ou d’un parent qui veut se présenter sans problèmes ni défauts sur le plan psychologique. L’analyse de plusieurs autres échelles, comme DEF, CDF, RXR et Démonstration d’Affection (Warmth [WRM]), est utile pour discriminer l’attitude authentique de celle défensive (Hynan, 2013, 2015; Semel, 2016), car dans le premier cas, l’élévation de l’échelle PIM est due au fait que la personne est éduquée et/ou sans difficultés psychologiques proprement dites (Morey, 2007). À partir de T68 à l’échelle PIM, le score obtenu est à deux écarts-types au-dessus de la moyenne. Le profil est donc questionnable, voire invalide, étant donné que le parent a cherché à se présenter exagérément sans défauts (Morey, 1996, 2003, 2007; Morey et Hopwood, 2007). Dans cette troisième stratégie, les profils des parents sont redistribués en trois groupes, selon qu’ils se situent sous T57, entre T57 et T67 ou s’ils sont supérieurs à T68 à l’échelle PIM. L’analyse effectuée compare les résultats du parent évalué (PIM ≥ T57) à ceux des deux groupes de référence pour en évaluer l’écart à la moyenne et donc l’importance de l’attitude défensive du répondant (Hynan, 2015; Kurt et al., 2016; Morey et Hopwood, 2007).

Études sur le PAI en contexte de droits de garde contestés

Hynan (2013, 2015) a démontré l’utilité du PAI lors d’évaluation en matière de garde d’enfants. Il a identifié plusieurs caractéristiques associées aux parents évalués en situation de garde d’enfants, notamment leur tendance à être modérément sur la défensive. Il a confirmé qu’une élévation à l’échelle PIM était souvent accompagnée d’une élévation aux échelles Rejet de traitement (RXR) et Démonstration d’affection (WRM) (Morey, 2003, 2007; Morey et Hopwood, 2007) et a identifié des corrélations entre ces échelles et les attitudes défensives des parents en litige sur la garde d’enfants. L'étude de Hynan (2013) est la seule avec l’utilisation du PAI en contexte de droits de garde contestés.

Objectifs de la présente étude

L’objectif principal est d’identifier les caractéristiques psychologiques des parents évalués en contexte de droits de garde contestés, de même que la présence et le niveau de sévérité de l’attitude défensive démontrés chez ces parents. Il est attendu qu’une majorité de profils de parent obtenue dans ce contexte soit modérément défensive à l’échelle PIM (≥ T57) et aux indices DEF (≥ T58) et CDF (≥ T55). Ce niveau de sévérité de présentation positive de soi est retrouvé chez cette clientèle (Bathurst et al., 1997; Butcher, 2005; Carr et al., 2005; Hynan, 2013; Mazza et al., 2019). Il est attendu conséquemment que ces parents présentent une sous-estimation de leurs caractéristiques psychologiques associées au conflit, aux communications problématiques et aux difficultés de conciliation (≤ T50). De telles caractéristiques sont mesurées par différentes échelles ou sous-échelles du PAI comme l’Anxiété Affective (Anxiety Affective [ANX-A]), la rigidité Obsessive-Compulsive (Obsessive-compulsive [ARD-O]), la Dépression cognitive (Depression Cognitive [DEP-C]), la Grandiosité (MAN-G), l’Irritabilité (Irritability [MAN-I]), le sentiment de Persécution (Persecution [PAR-P]), le Ressentiment (Resentment [PAR-R]), l’Instabilité affective (Affective Instability [BOR-A]), les Relations problématiques (Negative Relationships [BOR-N]), l’Automutilation (Self-Harm [BOR-S]), l’Égocentrisme (Egocentricity [ANT-E]), la Recherche de sensations fortes (Stimulus Seeking [ANT-S]), l’Attitude agressive (Aggresive Attitude [AGG-A]) et l’Agressivité verbale (Verbal Aggresion [AGG-V]).

L’effet de l’attitude défensive sur les échelles, les indices et certaines sous-échelles d'intérêt sera analysé pour déterminer s’il y a des différences entre la présentation des femmes et des hommes. Considérant les résultats de Hynan (2013), il est attendu que les femmes obtiennent des élévations supérieures aux hommes aux échelles Anxiété (Anxiety [ANX]) et WRM, alors que les hommes obtiendront des élévations supérieures aux échelles Manie (Mania [MAN]), Traits Antisociaux (Antisocial Features [ANT]), Problèmes liés à l’alcool (Alcohol Problems [ALC]), RXR, et DOM.

Le coefficient de corrélation de Pearson sera aussi calculé afin de vérifier la puissance de la relation linéaire qui existe entre PIM, DEF, CDF, MOY, RXR DOM et WRM, afin de vérifier si ces échelles sont utiles ou non à l’interprétation des profils de parents défensifs. Vu les études antérieures (Hynan, 2013, 2015; Morey, 1996, 2003, 2007), il est attendu que PIM corrèle significativement avec ces autres échelles, notamment DEF, RXR et WRM. La corrélation entre ces échelles permettra de mieux comprendre l’attitude défensive des parents ce contexte d’évaluation.

Enfin, nous examinerons l’impact de l'échelle Présentation Positive de soi (PIM) sur les profils obtenus à l’aide de différentes stratégies discriminatives (PPP et PSS), afin de préciser les caractéristiques psychologiques les plus marquées des parents défensifs, dans un contexte de droits de garde contestés. Des différences significatives sont attendues entre les sous-groupes sur le plan de la présentation et du niveau de révélation de soi, soit entre ceux qui se montrent « authentiques » (PIM ≤ T56), « modérément défensifs » (PIM entre T57 et T67) ou « très défensifs » (PIM ≥ T68).

MÉTHODE

Participants

Le groupe de parents, majoritairement francophones (99,17 %), est composé de 120 personnes provenant du Québec. Les parents se sont soumis, entre 2014 et 2020, à l’évaluation de leurs capacités parentales dans le cadre d’évaluations psychosociales en matière de garde d’enfants à la demande de leurs avocats ou de la Cour. Tous les parents ont consenti à ce que leurs données soient utilisées de façon anonyme à des fins de recherches. L’âge moyen des mères est de 37,48 ans (ÉT = 6,45) et celui des pères est de 40,65 ans (ÉT = 6,48). Ils ont complété 15,38 années (ÉT = 2,47) d’études en moyenne.

Mesure

L’Inventaire de personnalité de Morey (1996, 2003, 2007) fournit des informations précieuses sur le fonctionnement de la personnalité du parent et sa condition psychologique (Groth-Marnat et Wright, 2017; Morey et Hopwood, 2007; Weiner et Greene, 2017). Le PAI a démontré aussi son utilité et son efficacité en contexte d'expertise psycholégale (Weiner et Greene, 2017), en sélection de personnel (Kurtz et al., 2015; Weiss, 2010) et en litige sur les droits de garde contestés (Hynan, 2013, 2015; Semel, 2016). Il est le deuxième outil psychométrique utilisé en expertise psycholégale et le troisième spécifiquement en contexte de litige sur la garde (Semel, 2016). Le PAI a été traduit en français selon les normes en psychométrie par Routhier (2000). L’outil psychométrique a pour objectif l’évaluation de la psychopathologie en évaluant la capacité à remplir le questionnaire, la façon dont le parent se perçoit et la façon dont il souhaite être perçu sur différentes facettes de sa condition psychologique et personnalité (Groth-Marnat et Wright, 2017; Weiner et Greene, 2017). Le PAI est un instrument empirique qui comprend 344 énoncés répartis en 22 échelles globales (4 échelles de validité, 11 échelles cliniques, 5 échelles de considération de clinique et 2 échelles de dimension interpersonnelle). Il comprend également 31 sous-échelles cliniques et des indices supplémentaires pour détecter les réponses défensives (Groth-Marnat et Wright, 2017; McCredie et Morey, 2018; Morey, 1996, 2003, 2007; Morey et Hopwood, 2007; Weiner et Greene, 2017). La tâche du répondant consiste à indiquer jusqu’à quel point chacun des énoncés s’applique à lui selon quatre possibilités aux questions posées : « Faux ou pas du tout vrai », « un peu vrai », « surtout vrai » ou « très vrai ». Les détails du contenu psychométrique du PAI se trouvent dans le manuel de Morey (2007). Le PAI se compare favorablement aux autres mesures de personnalité comme le MMPI-2 et le MMPI-2-RF (Groth-Marnat et Wright, 2017).

Procédure

L’Inventaire de Personnalité (PAI) a été administré dans le cadre d’un processus complet d’évaluation en matière de garde d’enfants. Les parents ont rempli le PAI sur un iPad à l’aide de la plateforme en ligne de l’Institut de recherches psychologiques (IRP), qui a également compilé les scores bruts et les scores T et comparé les résultats de chaque parent québécois au groupe normatif de Morey (2012). Tous les parents ont répondu aux 344 questions du PAI. Les scores bruts ont été inscrits à l’Explorateur d’interprétation développé par Morey (2007) afin d’aider l’interprétation des données psychométriques obtenues pour chaque parent à l’aide des stratégies d’interprétation PPP et PSS. Ces stratégies d’interprétation peuvent aussi être calculées manuellement à l’aide du livre de Morey et Hopwood (2007).

Avant l’administration du PAI, chaque répondant a été informé de ce que le test mesure, de sa structure, de la présence d’échelles de validité et de l’importance d’y répondre honnêtement. Les 120 répondants ont été divisés selon leur genre. Ils ont aussi été divisés en trois sous-groupes sur la base de leurs résultats à l’échelle PIM, soit PIM ≤ T56, PIM entre T57 et T67 ou PIM ≥ T68. La comparaison (scores T) des 22 échelles et autres sous-échelles d'intérêt entre les femmes et les hommes ou entre les différents sous-groupes PIM, a été effectuée à l’aide du test t de Welch. Le calcul du t-test, des valeurs de p et le d de Cohen a été effectué pour le groupe et les sous-groupes. Le coefficient de corrélation de Pearson entre PIM, DEF, CDF, MOY, RXR, DOM, WRM a aussi été calculé pour déterminer la puissance entre ces différentes échelles. Les valeurs p pour les corrélations ont été analysées afin de déterminer si les corrélations sont significatives ou non. Enfin, afin d’identifier toutes les caractéristiques psychologiques potentiellement sous-estimées ou surestimées par les parents défensifs au PAI, une valeur 0,5 écart-type a été utilisée au PPP et au PSS.

RÉSULTATS

Aucun profil clinique n’a été invalidé dans cette recherche. À part quelques profils de parents (3,3 %) montrant des élévations cliniques anormales (M ≥ T60), comparativement à ce qui est attendu chez les parents en litige sur la garde, les résultats au PAI ne révèlent aucune psychopathologie particulière chez les répondants. Aussi, le dévoilement de soi s’est fait de façon cohérente, logique et constante et les parents n’ont pas cherché à exagérer les difficultés vécues. L’étude montre qu’une majorité des parents évalués en contexte de droits de garde contestés (65,83 %), présentent des attitudes modérément défensives (45,83 %) à très défensives (20,00 %). L’élévation de deux des trois échelles de désirabilité sociale est significative, soit pour l’échelle de Présentation Positive de soi (PIM = T59,08 [ÉT = 9,13]) et l’Indice Défensif (DEF = T58,69 [ÉT = 9,46]), ce qui révèle la présence d’une attitude défensive chez les parents évalués. La Fonction Discriminante de Cashel se situe près du seuil de signification, soit T55 (CDF = T53,00 [ÉT = 8,35]). Ce résultat n’est pas surprenant puisque CDF identifie les répondants qui ont été coachés, et donc identifie ceux qui veulent dissimuler leur condition psychologique pour un gain secondaire (Morey, 2003, 2007). Elle deviendra toutefois significative au sous-groupe des « très défensifs » (PIM ≥ T68), soit à T56,17 (É-T = 6,29). Comme attendu, l’attitude défensive présentée par une majorité de parents (65,83 %) a abaissé l’élévation de l’ensemble des échelles cliniques (M = T47,98) et a coloré les portraits obtenus, en atténuant potentiellement certaines caractéristiques défavorables à l’obtention d’une garde (Carr et al., 2005; Hynan, 2013, 2015; Morey, 1996, 2003, 2007).

Comparaison entre les femmes et les hommes

Le Tableau 1 montre une description statistique des résultats du groupe de 120 parents, de même que les sous-groupes des femmes et des hommes. La comparaison entre ces sous-groupes révèle des similitudes sur le plan de l’attitude défensive présentée dans un contexte de droits de garde contestés; bien que les femmes se montrent légèrement plus sur la défensive que les hommes, soit PIM = 60,18 (8,88) et PIM = 58,27 (9,42). Ainsi, il n’y a pas d’écart significatif aux échelles de désirabilité sociale (PIM, DEF et CDF) entre les femmes et les hommes; ils se présentent de la même façon dans ce type d’évaluation (d = 0,21, d = 0,01 et d = 0,05). Également, il n’y a pas de différence significative entre ces groupes aux échelles RXR et WRM, contrairement à ce qui était attendu (d = -0,13, d = 0,07). On observe toutefois que, sur les 27 échelles et sous-échelles comparées, 10 d’entre elles distinguent significativement les femmes des hommes. Comme attendu, les hommes obtiennent des élévations supérieures aux femmes aux échelles MAN (MAIN-I), ANT (ANT-E), ALC et DOM. Également, les hommes se distinguent des femmes aux échelles PAR et DRG. Les femmes obtiennent uniquement des élévations supérieures aux hommes à l’échelle INF. Toutefois, près du seuil de signification se trouve ANX, tel qu’identifié par Hynan (2013).

Comparaisons et différences entre les sous-groupes aux échelles de désirabilité sociale

Le Tableau 2 montre une description statistique des résultats des trois sous-groupes divisés sur la base de l’élévation à l’échelle PIM. Les « authentiques » (PIM ≤ T56) représentent 34,17 % du groupe de parents, alors que les « modérément défensifs » (PIM entre T57 et T67) et les « très défensifs » (PIM ≥ T68) représentent respectivement 45,83 % et 20,00 % du groupe. Comme attendu, des différences significatives distinguent ces trois sous-groupes de parents : 15 échelles et 11 sous-échelles distinguent significativement les « authentiques » des « modérément défensifs », alors que 12 échelles et 5 sous-échelles distinguent significativement les « modérément défensifs » des « très défensifs ». À trois exceptions près, les résultats révèlent que l’attitude défensive (PIM: d = 2,85) des parents en contexte de droits de garde contestés, a un effet qui varie de modéré à grand, sur le dévoilement de soi aux échelles et sous-échelles entre les sous-groupes « authentiques » et « modérément défensifs ». Les exceptions sont identifiées aux échelles STR (d = 0,20), DOM (d = 0,13) et à la sous-échelle MAN-G (d = 0,13). Le constat est similaire lorsque les sous-groupes « modérément défensifs » et « très défensifs » sont comparés (PIM: d = 3.56). Seules 5 échelles se distinguent des autres, soit DRG (d = 0,07), DOM (d = 0,06), MAN-G (d = 0,11), PAR-P (d = 0,20) et ANT-E (d = 0,09). De façon particulière, MAN-G et DOM sont des échelles qui demeurent stables au sein des trois sous-groupes, et ce, malgré l’élévation de l’échelle PIM montrant une volonté de se présenter sous un jour favorable de la part du parent.

Tableau 1

Description statistique des échelles du PAI lors d’évaluation en garde d’enfants

Description statistique des échelles du PAI lors d’évaluation en garde d’enfants

Tableau 1 (continuation)

Description statistique des échelles du PAI lors d’évaluation en garde d’enfants

ICN = Inconsistance; INF = Réponses atypiques; NIM = Présentation négative de soi; PIM = Présentation positive de soi; SOM = Plaintes somatiques; ANX = Anxiété; ARD = Troubles liés à l’anxiété; DEP = Dépression; MAN = Manie; PAR = Paranoïa; SCZ = Schizophrénie; BOR = Traits limites; ANT = Traits antisociaux; ALC = Problèmes liés à l’alcool; DRG = Problèmes liés à la drogue; AGG = Colère et hostilité; STR = Stresseurs; NON = Perception d’un manque de soutien; RXR = Rejet de traitement; DOM = Domination/Soumission; WRM = Démonstration d’affection; MOY = Moyenne des onze échelles cliniques; DEF = Indice défensif; CDF = Fonction discriminante de Cashel; ARD-O = Obsessif-compulsif; MAN-G = Grandiosité; ANT-E =  Egocentrisme.

t-test, valeur de p et d de Cohen des sous-groupes mères et pères; * p ≤ 0,05

-> See the list of tables

Tableau 2

Description statistique des échelles du PAI lors d’évaluation en garde d’enfants

Description statistique des échelles du PAI lors d’évaluation en garde d’enfants

Tableau 2 (continuation)

Description statistique des échelles du PAI lors d’évaluation en garde d’enfants

ANX-A = Anxiété affective; ARD-O = Obsessif-compulsif; DEP-C = Dépression cognitive; MAN-G = Grandiosité; MAN-I = Irritabilité; PAR-P = Persécution; PAR-R = Ressentiment; BOR-A = Instabilité affective; BOR-N = Relations problématiques; BOR-S = automutilation; ANT-E = Égocentrisme; ANT-S = Recherche de sensations fortes; AGG-A = Attitude agressive; AGG-V = Agressivité verbale.

t-test, valeur de p et d de Cohen entre les sous-groupes : (a) #1 - # 2; (b) t-test : #2 - # 3. * p ≤ 0,05; ** p ≤ 0,01

-> See the list of tables

Les échelles DEF et RXR permettent la distinction entre les « authentiques » et les « modérément défensifs », et entre les « modérément défensifs » et les « très défensifs ». L’échelle WRM ne permet pas de distinguer significativement les deux premiers groupes. Le point de coupure pour permettre cette distinction est identifié à T57. L’échelle WRM permet toutefois la distinction entre les deux derniers sous-groupes, soit entre les « modérément défensifs » et les « très défensifs ». Lorsque les échelles d’attitudes parentales défensives sont modérément élevées (PIM entre T57 et T67; DEF entre T58 et T68), mais que RXR (≤ T55) et WRM (≤ T57) sont sous le point de coupure, il est vraisemblable d’être en présence d’un parent qui a pu répondre honnêtement au PAI.

Corrélations entre PIM, DEF, CDF, MOY, RXR, DOM et WRM

Au Tableau 3, le coefficient de corrélation de Pearson a été calculé afin de vérifier la puissance de la relation linéaire qui existe entre PIM, DEF, CDF, MOY, RXR, DOM et WRM.

Plusieurs corrélations sont significatives, dont cinq sont d’intérêt pour distinguer les profils cliniques défensifs : entre PIM et RXR [t(238) = 3,89, p ≤ 0,001, d = 0,50], entre PIM et WRM [t(238) = 4,86, p ≤ 0,001, d = 0,63], entre DEF et RXR [t(238) = 3,49, p ≤ 0,001, d = 0,45], entre DEF et DOM [t(238) = 5,64, p ≤ 0,001, d = 0,73], et entre DEF et WRM [t(238) = 3,46, ≤ 0,002, d = 0,45]. Comme attendu, PIM, DEF, RXR et WRM sont reliées entre elles (Hynan, 2013, 2015; Morey, 1996, 2003, 2007; Semel, 2016) et elles sont utiles pour distinguer les profils cliniques défensifs selon l’élévation significative de l’échelle de Présentation positive de soi (PIM ≥ T 57) et l’Indice défensif (DEF ≥ T 58).

Tableau 3

Corrélations entre PIM, DEF, CDF, MOY, RXR DOM et WRM

Corrélations entre PIM, DEF, CDF, MOY, RXR DOM et WRM

* p ≤ 0,01; ** p ≤ 0,05

-> See the list of tables

Distinctions des caractéristiques psychologiques entre les sous-groupes

L’effet des attitudes défensives sur les profils cliniques a pu être estimé à partir du PIM Predicted Profile (PPP). La procédure de régression permet l’identification des caractéristiques psychologiques sous-estimées du groupe « modérément défensifs » (PIM entre T57 et T67) uniquement par rapport à leur empathie (ANT-E) et leur niveau de stress (STR). L’écart entre les scores T des échelles cliniques de ce sous-groupe et les scores T de la procédure PPP est inférieur à 0,5 écart-type. Par contre, elle permet l’identification de ce qui est sous-estimé chez les « très défensifs » (PIM ≥ T68). Ces derniers sous-estiment particulièrement leur niveau de stress (STR), leur rigidité à l’ordre (ARD-O), leur grandiosité (MAN-G), leur irritabilité (MAN-I), leur méfiance (PAR-P), leur stabilité affective (BOR-A), leur relation sociale (BOR-N), leur tolérance à la frustration (ANT-S), leurs attitudes agressives (AGG-A). Ils surestiment leur capacité d’empathie (ANT-E) et leur chaleur relationnelle (WRM).

La procédure PIM Specific Scoring (PSS) permet une meilleure identification des caractéristiques psychologiques sous-estimées et/ou surestimées des sous-groupes « modérément défensifs » (PIM entre T57 et T67) et « très défensifs » (PIM ≥ T68). Des contrastes significatifs sont observés aux caractéristiques psychologiques (et aux échelles) suivantes : l’anxiété (ANX), la rigidité de la pensée et des comportements (ARD-O), la surestimation de soi (MAN-G), le sentiment de persécution d’être traité injustement (PAR-P), les relations problématiques entretenues (BOR-N), l’impulsivité (BOR-S), l’empathie (ANT-E), la recherche de sensations fortes (ANT-S), les problèmes liés à l’alcool (ALC), l’attitude agressive (AGG-A), l’agressivité verbale (AGG-V), le stress vécu (STR), le manque d’intérêt à changer (RXR) et la démonstration d’affection (WRM).

DISCUSSION

L’objectif principal de cette étude est d’identifier, à l’aide de l’Inventaire de Personnalité, les différentes caractéristiques psychologiques des parents en contexte de droits de garde contestés, afin d’améliorer les connaissances dans ce domaine d’expertise psycholégale. Le PAI se révèle un outil psychométrique pertinent pour évaluer les parents en litige sur la garde, notamment pour discriminer les effets de l’attitude défensive (PIM ≥ T57) présentée chez les parents à l’aide des différentes stratégies analysées (Hynan, 2013, 2015; Kurt et al., 2016; Morey et Hopwood, 2007). L’étude démontre les problèmes qu’affronte le psychologue à bien interpréter les données psychométriques obtenues au PAI auprès de parents en litige sur la garde, car une majorité de parents présentent une attitude modérément ou très défensive au PAI. La présentation sous un jour favorable des parents défensifs (PIM ≥ T57) pose problème pour l’évaluation réelle de la dynamique affective de ces derniers, car le psychologue doit discriminer les authentiques, à savoir ceux qui n’ont pas réellement de problèmes psychologiques proprement dits et qui produisent un PIM entre T57 et T67, de ceux qui les sous-estiment ou les nient en vue d’obtenir une garde favorable à leur opinion. La question ne se pose pas pour les profils des parents qui ont obtenu un score PIM ≥ T68. Les différentes stratégies analysées aident toutefois à ne pas rejeter systématiquement les profils PIM ≥ T68, même s’ils sont invalides sur le plan psychométrique. L’interprétation des profils PIM ≥ T57 peut se faire à partir du profil ajusté (PIM predicted profile et PIM specific profile), de l’indice DEF, des échelles RXR et WRM, et des données collatérales recueillies. Par ailleurs, les résultats, au niveau de la sévérité de l’attitude présentée par les parents, sont comparables aux autres études dans le domaine de l’expertise sur la garde d’enfants (Bathurst et Gottfried, 1997; Butcher, 2005; Carr et al., 2005; Hynan, 2013; Mazza et al., 2019).

L’étude révèle que les femmes et les hommes présentent des attitudes défensives similaires lorsqu’ils sont aux prises avec un litige entourant la garde. Ainsi, il n’y a pas d’écart significatif aux échelles de désirabilité sociale entre les genres (PIM, DEF et CDF). Les distinctions à faire, observées au Tableau 1, sont les suivantes : les femmes ont plus de difficulté à se concentrer (INF) en répondant au PAI, que les hommes en contexte de droits de garde contestés. Pour leur part, les hommes présentent plus d’agitation affective, cognitive et comportementale (MAN), plus de méfiance (PAR), et leur empathie est plus limitée (ANT-E) que les femmes. Aussi, ils prennent plus d’alcool et de drogue (ALC; DRG), ils ressentent plus d’irritabilité (MAN-I) et de besoin de contrôler leur environnement et les relations interpersonnelles (DOM) que les femmes. Ces résultats sont conformes aux attentes et à l’étude de Hynan (2013, 2015). Toutefois, il n’y a pas de différence significative entre ces groupes aux échelles RXR et WRM contrairement à ce qui était attendu. Comme il n’y a pas de différence significative sur le plan de la présentation défensive (PIM et DEF) entre ces sous-groupes, vu les corrélations existantes, il est normal que les élévations aux échelles RXR et WRM soient équivalentes. Vu que les femmes se montrent légèrement plus défensives (PIM) que les hommes, une prudence est requise par rapport aux différences observées aux échelles DRG, ALC et PAR. De même, pour ce qui est de l’anxiété (ANX), l’étude montre que les femmes rapportent qu’elles sont plus inquiètes que les hommes. Toutefois, la différence n’est pas significative au sein de cette étude.

L’étude expose aussi que ce groupe de parents est plus homogène sur le plan du fonctionnement psychologique qu’il n’y parait. Il est surprenant de constater que, finalement, les parents évalués en contexte de droits de garde contestés présentent des caractéristiques psychologiques similaires, qu’ils soient authentiques ou non avec l’expert. Les sous-groupes (PIM ≤ T56, PIM entre T57 et T67 et PIM ≥ T68) se distinguent fondamentalement sur leur volonté ou non de se dévoiler à l’autre. Les parents qui présentent des attitudes défensives (PIM ≥ T57) veulent se montrer sans problèmes ni défauts psychologiques, confiants en leurs capacités, entreprenants, efficaces, chaleureux, empathiques et patients (Bathurst et Gottfried, 1997; Butcher, 2005; Carr, et al., 2005; Hynan, 2013, 2015; Mazza et al., 2019; Semel, 2016). Des élévations conséquentes de cette attitude parentale défensive au PAI sont identifiées lorsque PIM et DEF s’élèvent (PIM ≥ T57; DEF ≥ T58). Dans ce contexte, l’ensemble des scores T aux échelles cliniques du PAI s’abaisse (≤ T 46,82). Ce mouvement défensif, observé au Tableau 2, s’accompagne également de caractéristiques psychologiques conformes à la littérature (Deutsch et Pruett, 2009) : il y a un manque de révélation de soi chez ces parents par rapport à l’anxiété affective (ANX-A), l’irritabilité (MAN-I), le sentiment de persécution (PAR-P), le ressentiment (PAR-R), l’instabilité affective (BOR-A), l’ambivalence relationnelle (BOR-N), l’impulsivité (BOR-S), l’empathie (ANT-E), la recherche de sensations fortes (ANT-S), et/ou l’attitude agressive et verbale (AGG-A; AGG-V). Ces parents veulent, au contraire, se présenter comme efficaces (DEP-C), chaleureux, patients et empathiques (WRM). Aussi, ils ne ressentent pas le besoin de changer leurs attitudes ni leurs comportements (RXR). Également, six sous-échelles participent significativement à distinguer les « modérément défensifs » des « très défensifs », soit ANX-A, MAN-I, BOR-A, BOR-N, BOR-S et AGG-A.

Les corrélations existantes entre PIM, DEF, RXR et WRM révèlent que ces quatre échelles sont au coeur du fonctionnement et de l’attitude des parents défensifs, conformément aux recherches effectuées par Morey (1996, 2003, 2007) et Hynan (2013, 2015) et qu'elles participent significativement à repérer les parents défensifs. Si les échelles PIM et DEF permettent déjà de bien repérer les parents qui présentent des attitudes défensives, l’ajout de l’échelle RXR et WRM à la considération de ces deux premières échelles permet de discriminer significativement les profils des « authentiques » (PIM ≤ T56), des « modérément défensifs » (PIM entre T57 et T67) et des « très défensifs » (PIM ≥ T68). Le point de coupure pour l’échelle RXR est identifié à T ≥ 55, alors que pour l’échelle WRM, il est identifié à T ≥ 57. L’ajout des stratégies discriminatives PIM Specific Scoring et du PIM Predicted Profil aux quatre échelles d’attitudes parentales défensives (PIM, DEF, RXR et WRM), permet d’évaluer l’écart à la moyenne du profil obtenu de chaque parent sur chaque échelle clinique, de positionner les résultats de celui-ci correctement sur le continuum de l’attitude défensive présentée, afin de mieux interpréter ce que révèlent les échelles cliniques pour chacun d’eux.

En plus de PIM, DEF, RXR et WRM, une attention particulière à la faible élévation aux sous-échelles ANX-A, MAN-I, BOR-A, BOR-N, BOR-S et AGG-A est requise. Ces échelles et sous-échelles permettent d’observer le mouvement défensif du parent, ce qui est utile pour discriminer les parents qui n’ont pas de problèmes psychologiques particuliers, mais qui produisent un PIM entre T57 et T67, de ceux qui sous-estiment leurs difficultés dans l’objectif d’obtenir des recommandations favorables sur la garde. Lorsque les échelles d’attitudes parentales défensives sont modérément élevées (PIM entre T57 et T67; DEF entre T58 et T68), mais que RXR (≤ T55) et WRM (≤ T57) sont sous le point de coupure, il est vraisemblable d’être en présence d’un parent qui a pu répondre honnêtement au PAI, surtout si plusieurs des résultats des six sous-échelles ANX-A, MAN-I, BOR-A, BOR-N, BOR-S et AGG-A sont égaux ou supérieurs à ceux des parents « modérément défensifs ». Dans ce contexte, ce parent est généralement éduqué et/ou sans difficultés psychologiques proprement dites. Les informations issues de l’entrevue pourront aider à valider cette possibilité.

Les facteurs essentiels pour créer un climat harmonieux pour l’enfant sont déterminés principalement par les caractéristiques psychologiques des parents (Pruett et Barker, 2009). La coparentalité constructive demande aux parents d’être moins centrés sur leurs besoins et d’être plus empathiques dans leurs relations avec les autres. Comme constaté, l’étude montre qu’une majorité des parents, qu’ils soient défensifs ou non, présentent des caractéristiques psychologiques opposées à une coparentalité constructive. Les différentes stratégies discriminatives utilisées (PPP et PSS) pour détecter la distorsion positive chez les parents en contexte de droits de garde contestés se révèlent efficaces pour identifier, de façon spécifique, comment ils se présentent au PAI et quelles sont les caractéristiques psychologiques qu’ils sous-estiment ou surestiment. Également, l’étude révèle que l’utilisation du PIM Predicted Profil et du PIM Specific Scoring permet d’interpréter les profils des parents « très défensifs » (PIM ≥ T68) plutôt que de les invalider.

De façon spécifique, le sous-groupe des parents « authentiques » (PIM ≤ T56) montre une plus grande ouverture à révéler leurs difficultés d’adaptation à la situation de séparation. Les dimensions psychologiques révélées par ces parents convergent vers les descriptions effectuées dans la littérature (Deutsch et Pruett, 2009; Pruett et Barker, 2009). Le profil que l’on peut dresser de ces parents est qu’ils sont susceptibles d'être anxieux (ANX), d'être irritables (MAN-I), d'être méfiants (PAR-P), et d'être moins empathiques (ANT-E), de même que peu tolérants à la frustration (ANT-S). Ces caractéristiques révèlent une propension caractérielle à être centré sur soi. Les sous-groupes des parents « modérément défensifs » (PIM entre T57 et T67) et « très défensifs » (PIM ≥ T68) révèlent avoir davantage de difficultés à se dévoiler pleinement, tout en se montrant sous un jour vertueux. L’étude identifie que plus l’attitude défensive est présente chez les parents (PIM ≥ T57; DEF ≥ T58), plus ceux-ci s’avouent satisfaits d’eux-mêmes et ne ressentent pas le besoin de changer (RXR), tout en voulant se montrer patients et chaleureux avec leur enfant (WRM). Avec des scores supérieurs à deux écarts-types de la moyenne, le sous-groupe de parents « très défensifs » (PIM ≥ T68) présente des profils embellis de caractéristiques favorables, à la limite de l’invalidité.

L’attitude défensive (PIM ≥ T57) des parents est démasquée par la présente étude. Plus l’attitude défensive est importante, plus les parents démontrent une rigidité et une opposition psychologique à changer par un mécanisme de négation ou de déni (RXR). Sur le plan des caractéristiques psychologiques, conformément à la littérature (Deutsch et Pruett, 2009; Lamb et Kelly, 2009; Pruett et Barker, 2009), plus l’attitude défensive est présente, plus les parents tentent de dissimuler leur anxiété (ANX), leurs tensions internes (ARD; MAN; BOR), leur méfiance (PAR-P), leur ressentiment (PAR-R) et leur stress (STR), face à la situation familiale conflictuelle. Ils essaient de se montrer en contrôle sur le plan des émotions et de la gestion de la coparentalité, tout en masquant leurs difficultés d’empathie (ANT-E), leur irritabilité (MAN-I), leur impulsivité (BOR-S), leurs attitudes agressives (AGG), et leur consommation d’alcool et de drogue (ALC; DRG). L’étude expose une sensibilité aux critiques extérieures où il y a une protection de l’estime de soi chez les parents défensifs. Les éléments de l’Indice Défensif (DEF) identifiés (Morey et Hopwood, 2007) exposent aussi que les parents « très défensifs » (PIM ≥ T68) cherchent à paraitre à la fois confiants et très patients avec les autres (MAN-G moins MAN-I ≥ T10), et qu’ils apprécient les situations où ils sont en contrôle, tout en niant chez eux toute attitude de sarcasmes, de critiques et d’expressions de la colère (DOM moins AGG-V ≥ T10). Également, leurs besoins d’attention et de contrôle peuvent être perçus par les autres comme étant intrusifs (DOM vs MAN-G vs WRM).

LIMITATIONS

Cette étude présente certaines limites à considérer. La division en trois sous-groupes sur la base de l’échelle de présentation positive de soi (PIM) a été effectuée sur l’ensemble des 120 répondants sans égard au sexe. Les différences de révélation de soi entre les hommes et les femmes n’ont pas été effectuées. Cette absence d’examen appelle à une certaine prudence dans l’interprétation différentielle selon le sexe, même si les hommes et les femmes se présentent généralement de la même façon en contexte de droits de garde contestés.

Cette étude confirme et précise toutefois ce qui est généralement observé en clinique et attire l’attention du psychologue, sur des aspects du fonctionnement des parents auxquels ils pourraient être peu attentifs. Les résultats au PAI offrent des indications précieuses sur le fonctionnement de parents en conflit sur la garde. S’il est particulièrement important d’approfondir les éléments généralement sous-estimés et surestimés par les parents défensifs au PAI, il est essentiel d’obtenir des informations de multiples sources afin d’assurer la validité externe de ces résultats. Les résultats au PAI ne sauraient en aucun cas être suffisants pour déterminer la légitimité et la capacité d’un parent à prendre soin de ses enfants; se souvenir qu’un parent présentant certaines difficultés psychologiques peut être tout à fait apte à s’occuper de ses enfants.

En entreprenant cette étude, nous souhaitions développer des outils pour mieux gérer les informations contradictoires récoltées par le psychologue-expert auprès de parents soumis à une évaluation psychosociale en matière de garde d’enfants. La prise en compte de l’échelle de validité PIM, de l’indice DEF, de l’échelle de rejet de traitement (RXR) et de l’échelle démonstration affective (WRM), ainsi que l’analyse de profils défensifs à l’aide du PIM Predicted Profiles et PIM Specific Profiles, ont permis de dégager les caractéristiques les plus importantes des parents fermés à la juste révélation de soi.