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Jean-François Simard est professeur à l’Université du Québec en Outaouais et titulaire de la Chaire Senghor de la francophonie. Auparavant, il a été actif en politique, entre autres à titre de député de 1998 à 2003 et de ministre. Le premier colloque de la Chaire Senghor de la francophonie portait sur la carrière politique du docteur Camille Laurin. Par la suite, Simard a dirigé un collectif qui rassemble les textes des conférences. L’ouvrage n’est pas une biographie. Il distingue la sphère privée de la publique et se concentre sur la seconde. Il s’intéresse à l’oeuvre politique, entre 1977 et 1984, avec un accent sur la période préréférendaire.

L’idée principale est de montrer le caractère innovant dans l’action de Camille Laurin. Il y est décrit comme « le porteur de l’innovation sociale », par son action dans la langue, la culture, l’éducation et la science. L’ouvrage explique la participation du ministre Laurin à l’élaboration de plusieurs politiques publiques et présente l’impact de ces actions gouvernementales sur la société québécoise. L’ouvrage présente aussi Camille Laurin, psychanalyste de formation, comme ayant compris à sa façon les causes du « retard québécois ». Le docteur Laurin l’associe au colonialisme et à un manque de contrôle des Québécois sur leur destin collectif. De là, son action politique visait la mise en place d’un « traitement ». Une idée secondaire est aussi présente. Simard considère que les théoriciens de l’administration publique sous-estiment le rôle de l’élu dans l’élaboration des politiques publiques. Pour supporter ce point de vue, l’ouvrage donne des exemples où Camille Laurin détermine la direction à prendre et sait convaincre son entourage d’aller dans ce sens. L’ouvrage participe à la transmission d’une mémoire collective qui se perd lentement, celle du combat des francophones pour assurer la prépondérance de leur langue au Québec. Pour ce faire, l’analyse bénéficie d’une importante mise en contexte. Celle-ci est intéressante, mais éloigne quelques fois du thème principal : Camille Laurin comme porteur d’innovations sociales.

Le travail des auteurs, dirigés par Jean-François Simard, est un bon exemple d’analyse de la carrière d’un politicien pour en faire ressortir la cohérence et le lien avec les convictions personnelles du politicien. C’est une lecture intéressante, qui donne une place à la personne, mais à Simard l’auteur reconnaît une part de subjectivité. Il met lui-même en garde contre l’excès dans ce sens.

Cet ouvrage est particulièrement conseillé à ceux qui s’intéressent aux parlementaires sous l’angle de leur façon de gérer l’État. Peu d’ouvrages québécois se penchent sur cette question et ceux qui le font sont concentrés sur les premiers ministres connus. Les historiens qui cherchent un exemple d’analyse ayant une personne comme « objet d’étude » trouveront une bonne explication méthodologique. Enfin, ceux qui veulent mieux connaître la période préréférendaire et comprendre le débat linguistique québécois trouveront une solide mise en contexte.