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L’essai de 162 pages publié aux Presses de l’Université du Québec regroupe en huit chapitres un argumentaire éclairant sur les caractéristiques de l’économie collective québécoise, sur la nature de la crise actuelle et sur quatre pistes à considérer pour un nouveau projet de société. Ces pistes reposent sur la « démocratisation de l’économie, le renouvellement de l’État social, la conversion écologique de l’économie et la construction d’un vaste mouvement citoyen dans le monde » (p. 36). Pour parvenir à ce nouveau projet, il s’agirait moins de « renverser le capitalisme » que « d’occuper le terrain économique dans le plus grand nombre de secteurs possible par des entreprises collectives ou à contrôle démocratique » (p. 36).

L’essai a la qualité de présenter clairement les idées exprimées, de ne pas utiliser un vocabulaire trop spécialisé. Il s’adresse à un public large, intéressé par la question économique, les problèmes environnementaux et la crise actuelle. Il apporte peu d’éléments nouveaux aux spécialistes, mais constitue une excellente entrée en matière pour toute personne en quête de solutions pour mieux penser l’avenir des sociétés humaines.

Pour déployer leur thèse, Louis Favreau et Ernesto Molina, sociologues et spécialistes des questions relatives au développement des collectivités et des coopératives, s’appuient tout en les prolongeant sur les idées et les analyses qui furent présentées à la conférence internationale « Quel projet de société pour demain : enjeux, défis et alternatives », laquelle a été organisée par le mouvement coopératif québécois à Lévis en 2010.

Évidemment, pour toute personne préoccupée par la grande question du changement social, l’apport des auteurs est moins évident. La thèse présentée rejoint la masse des nombreux essais qui ont tenté de se distinguer en identifiant les contours d’une nouvelle recette. Leur contribution est peu évidente pour au moins deux raisons.

Premièrement, la proposition d’une économie collective impulsée par le mouvement coopératif pose actuellement problème puisque le mouvement coopératif, tant à l’international qu’à l’échelle nationale, se définit plus au singulier (l’entreprise coopérative) qu’au pluriel (l’organisation et l’entreprise collectives). Il y a donc tout un défi à relever pour que le mouvement coopératif reconnaisse la diversité de l’économie collective et gagne en légitimité pour devenir LE mouvement capable de rallier les autres mouvements sociaux.

Deuxièmement, présenter l’économie collective comme étant LA solution à la crise actuelle signifie que les problèmes récents et historiques de la société capitaliste ont essentiellement une nature économique. La solution à la crise actuelle et au mal-être planétaire que provoquent tant la modernité que son vaisseau amiral, l’économie capitaliste, ne réside pas dans le simple ajout d’un peu de collectivisme, d’un peu plus de comportements bienveillants à l’égard des écosystèmes ou d’un peu plus d’État social. Il y a plus à changer. Si l’économie collective constitue un élément pour penser un nouvel ordre socioéconomique, il importe aussi d’identifier les autres dimensions à travailler. Sur ce plan, le rapport à l’altérité n’est pas abordé par les auteurs. Nous pensons plus particulièrement au racisme et aux différentes formes d’exclusion fondées sur les dimensions religieuses, politiques ou culturelles. En ce sens, une réponse uniquement économique à enrober d’un État plus social et d’une attention environnementaliste demeure une proposition correcte mais insuffisante pour donner une erre d’aller plus solidaire, démocratique, altière et écologique au vivre ensemble des sociétés humaines.