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Cet ouvrage d’Étienne Berthold se base sur son travail remarqué de thèse de doctorat. Plusieurs qualités sont à relever dans ce livre, notamment parce que l’auteur propose une approche de l’étude du patrimoine qui est doublement intéressante. D’une part, il se place dans un courant plus général d’études critiques (critical studies) qui aborde le patrimoine comme une construction sociale et sémiotique qu’il convient de « déconstruire » et d’« interpréter ». Quoique l’introduction théorique soit un peu ardue pour le non-spécialiste, elle synthétise bien l’évolution des recherches sur le patrimoine et comment celles-ci en sont venues à adopter une approche herméneutique. D’autre part, l’auteur se situe résolument dans une pensée québécoise de la culture en convoquant les travaux de Fernand Dumont, notamment sur l’idéologie, mais aussi ceux d’autres prédécesseurs québécois dans l’étude du patrimoine, notamment sur la place Royale de Québec. Cette double approche donne à l’étude sa richesse. En effet, elle permet, dans un premier temps, de décrire (« décoder ») et de comprendre la construction patrimoniale de ces deux « berceaux », en révélant les idéologies et les contextes nécessaires à leur entendement. Dans un second temps, la convocation d’une tradition de pensée québécoise permet sans doute de développer une interprétation plus précise et plus contextualisée de ces phénomènes. Ainsi voit-on, au fil de l’analyse, émerger l’île d’Orléans d’abord dans les textes d’auteurs de la seconde moitié du 19e siècle, à l’instar de ce que Choay nommait « le temps des antiquaires », puis à travers la publication de l’ouvrage L’île d’Orléans en 1928 et la restauration du manoir Mauvide-Genest en 1927. De la même façon, on suit les débats entourant la « restauration » de la place Royale de Québec. Mais ce qui retient surtout l’attention, c’est la révélation des intentionnalités derrière ces constructions sociales successives et leurs liens avec le contexte social, politique et culturel à chaque moment. Dès lors, les processus de patrimonialisation de ces deux sites nous renseignent sur la société québécoise et ses valeurs à ces différents moments de son histoire, et nous permettent également de mieux comprendre la signification de ces sites dans l’imaginaire collectif d’aujourd’hui. En ce sens, l’ouvrage d’Étienne Berthold dépasse le cadre historique et contribue à éclairer les enjeux toujours d’actualité concernant l’île d’Orléans, encore symbole d’authenticité et de tradition, et la place Royale qui, avec le reste du Vieux-Québec, demeure un élément clé de l’image et du développement de la capitale du Québec.