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Dirigé par Claude Corbo et grâce au concours de la Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ), cet ouvrage réunit vingt contributions de la part de chercheurs en littérature, en histoire, en arts ou en histoire du livre. Comme le rappelle Claude Corbo dans son introduction, ce qui intéresse le collectif, ce n’est pas tant le texte, mais davantage le livre en tant qu’objet, son contexte de parution, sa production éditoriale. Aussi, les vingt livres jugés remarquables sont majoritairement empruntés à la littérature dite « classique » (La Chasse-Galerie de Beaugrand, les Poésies de Nelligan, etc.), québécoise comme étrangère (Oeuvres poétiques de Victor Hugo) ainsi qu’au domaine scientifique (Flore laurentienne de Marie-Victorin) ou à l’histoire (Atlas historique du Canada français de Trudel). Le point commun de ces textes est d’être imprimés par des maisons d’édition québécoises.

Chaque contributeur tente de raconter une histoire du livre auquel il s’intéresse. Après une présentation de l’auteur du livre, un peu longue dans certains articles, le projet éditorial est décrit : le format de l’objet, son organisation, le recours aux illustrations et photographies, etc. La réception critique et l’histoire de la fortune du livre concluent les articles. Accompagnant les textes, des photographies de quelques pages du livre illustrent le propos des auteurs et nous montrent visuellement combien ces oeuvres sont remarquables d’un point de vue esthétique. C’est là la force de cet ouvrage collectif, de nous présenter des éditions désormais inaccessibles, car trop abîmées.

Destiné davantage au grand public qu’aux spécialistes, cet ouvrage se distingue par la clarté du propos et du but poursuivi ; la postface écrite par Jacques Michon permet de tisser des liens entre les livres et ainsi d’observer une évolution de l’objet tout au long du 20e siècle. La diversité des objets étudiés amène à (re)découvrir certaines oeuvres, parfois oubliées, mais aussi à envisager leur matérialité d’après les stratégies éditoriales de l’époque. L’article sur les Oeuvres poétiques complètes de Victor Hugo est à ce sujet intéressant, puisque le contributeur (Martin Doré) s’attache autant à l’étude du contenu de l’objet qu’à son impact sur l’édition littéraire au Canada. Aussi, l’histoire et la trajectoire de ces vingt livres remarquables nous renseignent sur un champ de production et de réception du texte imprimé au Québec ; si l’objet est matériellement inchangé, sa destinée dépend d’un certain nombre de critères en mouvement, comme la critique, la lecture ou les stratégies de l’auteur et de la maison d’édition.

Que nous apprend ce regard rétrospectif ? Peut-il nous permettre d’appréhender davantage l’objet livre au 21e siècle, à l’heure du numérique ? En une phrase, Claude Corbo parle des « technologies de l’information et des communications » comme élément central du « renouvellement de l’art du livre » (p. 5). Il eût été intéressant de consacrer plus qu’une phrase à cette ouverture pourtant décisive ; car enfin, l’établissement d’une histoire du livre en tant qu’objet ne peut être coupé des préoccupations actuelles qui agitent le monde de l’imprimé au Québec.