Abstracts
Résumé
Toute la côte ouest de Terre-Neuve — le « French Shore » — était au siècle dernier fréquentée par les Bretons qui y péchaient depuis le traité d'Utrecht de 1713, où ils avaient acquis des droits qu'ils finirent par considérer comme exclusifs. Les « maîtres de pêche », jaloux de leurs privilèges, ne permirent cependant à aucun pêcheur de s'établir sur la côte : contrairement aux autres postes qu'ils avaient occupés dans le golfe depuis Gaspé jusqu'au Labrador, à Terre-Neuve les Français ne firent que la pêche de bateau. Entre 1825 et 1850, la compagnie saint-pierraise Campion-Théroulde acquit un monopole exclusif sur l'île Rouge, à condition d'y transporter des Bretons et des Saint-Pierrais pour la pêche d'été. C'est à partir de cette époque que quelques pêcheurs réussirent à s'établir en permanence, depuis la Grand Terre jusqu'à La Barre (du sud au nord), puis du Cap à Port-au-Port à l'entrée de l'isthme, sur les côtes de la Baie Saint-Georges. Jusqu'alors on pratiquait la pêche à la morue, mais bientôt le développement de la pêche au homard et de la mise en conserve suscita l'intérêt de nombreux groupes : les pêcheurs de la Nouvelle-Ecosse commencèrent d'affluer, les Terre-Neuviens réclamèrent leur part. Les Français durent se retirer dans six postes de la côte qu'ils gardèrent jalousement : l'île Rouge, Cod Roy, L'Anse-au-Canard, Port-au-Choix, Petit-Havre, Port-au-Port. Seuls les engagés des maîtres de pêche pouvaient résider dans ces endroits.
L'immigration acadienne se développa parallèlement, entre 1830 et 1900, à partir des Îles-de-la-Madeleine, de la Nouvelle-Ecosse, de Magree et Chéticamp au Cap-Breton. Pour demeurer indépendants des Français, les pêcheurs acadiens se restreignirent à la pêche à la morue. Ceux qui voulaient s'établir durent cependant acheter les terres aux Français et leur vendre les produits de la pêche pour acquérir les provisions d'hiver. Quelques-uns louèrent leurs services aux marchands-maîtres de pêche — les Leroux, Grenier, Tajean, Chrétien, etc. — pour la prise ou la transformation du homard ; ce sont surtout les femmes qui furent affectées à cette dernière tâche.
Depuis 1888, les Français, chassés de la côte sud par le Bait Act du gouvernement terre-neuvien, songent, malgré l'opposition des Saint-Pierrais, à abandonner leurs droits sur la côte ouest ; 1904 marquera la fin de la pêche française sur les côtes de Terre-Neuve. Les habitants reprirent les postes de l'île Rouge pour la morue et le homard ; on pratiqua une pêche mixte sur la côte de la Baie Saint-Georges. On complétait la subsistance avec le produit de la chasse et quelque jardinage et cueillette. Le développement de la coupe forestière du côté de Corner Brook, à partir de 1910, sollicita grandement les habitants de la Baie Saint-Georges : on connut alors la pratique mixte de la pêche et des chantiers, ou bien de l'agriculture — qui s'était développée — et des chantiers.
L'émigration vers les États-Unis avait commencé dès les premières générations de peuplement français ; avant la fin du XIXe siècle, plusieurs jeunes hommes s'étaient dirigés vers Boston et les centres industriels pour y faire quelque fortune. Mais l'émigration ne devint un véritable courant qu'avec les guerres, surtout avec l'érection de la base militaire américaine de Stephenville, en 1940 ; plusieurs filles de la Baie épousèrent des G.I. et partirent à leur suite aux États-Unis. Les centres actuels d'attraction sont Corner Brook, Stephenville et le Nouveau-Brunswick.