PrésentationAu Québec et ailleurs : comparaisons de sociétés[Record]

  • Simon Langlois

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  • Simon Langlois
    Département de sociologie et CEFAN,
    Université Laval.

L’importance des analyses comparées n’est pas à démontrer. Il y a plus d’un siècle, Durkheim ne faisait-il pas de la comparaison une règle de méthode de l’analyse sociologique ? Malgré un intérêt accru pour une telle perspective comparatiste, force est de reconnaître que les études comparées représentent un champ encore insuffisamment développé dans la sociographie québécoise. Gérard Bouchard a récemment apporté une contribution majeure avec la publication de sa Genèse des nations et cultures du Nouveau monde (2000) qui montre de belle manière la pertinence de cette approche. Que faut-il entendre par analyses comparées ? Appliquons la méthode de Raymond Aron en proposant des distinctions. Charles Tilly (1984) a déjà élaboré une typologie classique, souvent reprise, mais je retiendrai plutôt celle de Melvin Kohn (1987) qui distingue quatre types d’analyses comparées selon que la nation ou la société est l’objet d’étude, le contexte de l’étude ou encore l’unité d’analyse, le quatrième type caractérisant les études transnationales. Les types d’analyses comparées que nous venons de distinguer peuvent évidemment se recouper. Nous donnerons quelques exemples pour fixer les idées. Dans le premier type suggéré par Kohn, c’est la sociographie des sociétés qui retient l’intérêt, la comparaison permettant d’éclairer ce qui se passe dans l’une à la lumière de ce qui se produit dans une autre. La comparaison entre le Québec et la Pologne éditée en 1990 par Raymond Breton et ses collaborateurs illustre bien l’apport des comparaisons appartenant à ce premier type. De même, le Québec est considéré comme une société globale dans les travaux comparés du Groupe international sur l’analyse comparée du changement social (connu sous l’acronyme anglais CCSC pour Comparative Charting of Social Change) qui publie ses travaux dans une collection chez McGill-Queen’s University Press. Ainsi, l’analyse des grandes tendances du changement social en Espagne, en Grèce, en Italie ou en Bulgarie révèle-t-elle d’étonnantes similitudes avec ce qui s’est déroulé dans la société québécoise au moment de la Révolution tranquille. Loin d’avoir été spécifique à une société en retard, la modernisation accélérée qu’a connue le Québec dans les années soixante a pris des formes semblables dans d’autres sociétés. La laïcisation des institutions, les mutations de la condition féminine, la baisse de la natalité, la hausse importante de la scolarisation, l’omniprésence des médias ou encore l’assainissement des moeurs politiques sont autant de changements qui apparaissent dans les sociétés dont la situation est comparable à celle de Québec. Les études qui portent sur un processus social ou un phénomène de société – pensons au lien entre éducation et mobilité sociale par exemple – reçoivent un éclairage neuf à la lumière des comparaisons, la nation ou la société apparaissant alors comme un contexte. Dans ce cas, c’est le phénomène social lui-même plus que la connaissance sociographique d’une société qui intéresse le chercheur. Le livre de Clement et Myles (1994) illustre bien ce deuxième type d’analyses. Ces deux auteurs ont été responsables du volet canadien de la grande recherche supervisée par Olin Wright, Comparative Class Structure and Class Consciousness, et ils ont montré comment des enjeux portant sur les rapports entre les sexes avaient émergé dans toutes les sociétés développées en parallèle aux enjeux de classes. À noter que ces auteurs prennent en compte dans leur analyse la situation particulière du Québec au sein du Canada. Dans la troisième perspective proposée par Kohn, les sociétés sont considérées comme des objets à regrouper en types. C’est le cas notamment des études sur les types de capitalismes effectuées par Berger et Dore (1996) et Crouch et Streeck (1996) ou les types de d’États-providence dégagés par Esping-Anderson (1990). Laczko (1998) a …

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