Comptes rendus

Pierre Doray et Christian Maroy, La construction sociale des relations entre éducation et économie. Les cas des formations en alternance en Wallonie et au Québec, Bruxelles, De Boeck Université, 2001, 257 p.[Record]

  • Clément Lemelin

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  • Clément Lemelin
    Département des sciences économiques,
    Université du Québec à Montréal.

P. Doray et C. Maroy analysent dans cet ouvrage la formation en alternance entre l’école et l’entreprise, vue comme une manifestation du rapprochement entre le monde de l’éducation et l’univers de la production. Dans la première partie, les auteurs présentent quelques repères théoriques sur les relations entre l’éducation et le travail, d’inspiration sociologique avant tout, tout en soulignant la diversité des interprétations du mouvement actuel de rapprochement. Aux approches structurelles, ils préfèrent les approches interorganisationnelles : le partenariat est aussi le résultat d’un processus social de transaction et d’ajustement réalisé par les parties, qui ne se limite pas à des ajustements organisationnels ou pédagogiques ; il a une dimension symbolique correspondant aux justifications que les acteurs produisent pour donner valeur, sens et légitimité au rapprochement. Pour évaluer ce processus, il est nécessaire, mais insuffisant, de procéder à une analyse des contributions et rétributions de chaque partie ; il faut aussi qualifier la nature des échanges entre l’école et l’entreprise. On fait la distinction entre divers régimes d’échange : marchand, industriel, domestique, civique… Dans la deuxième partie, Doray et Maroy définissent les cadres institutionnels de l’alternance comme la recherche d’un rapprochement entre les instances éducatives et productives. C’est l’occasion de décrire, pour la Communauté française de Belgique et le Québec, les systèmes scolaires, certaines politiques éducatives récentes, ainsi que diverses mesures favorisant l’alternance, mises en place par les différents paliers de gouvernement. La troisième partie est la plus originale. Pour saisir le processus de construction des relations entre acteurs éducatifs et productifs, les auteurs s’appuient sur quatre études de cas réalisées au moyen d’interviews semi-directives auprès des directeurs, des professeurs, des élèves, des responsables et des tuteurs des entreprises impliqués dans des pratiques d’alternance pour des formations professionnelles en bureautique et en électronique en Belgique et au Québec. Un chapitre distinct est consacré à chacune de ces quatre expériences, ensuite comparées dans un autre chapitre. Cette partie a la grande vertu d’évaluer les expériences à partir de la même grille d’analyse (mise en oeuvre de l’alternance, contributions et rétributions dans l’échange, processus symboliques, nature des régimes d’échange en présence etc.). Il ressort de ces chapitres que l’on est encore très loin de pratiques pédagogiques radicalement différentes, s’appuyant résolument et également sur l’école et l’entreprise. Mis à part le cas du lycée technique belge de la Plaine (les noms des établissements sont fictifs), où l’alternance s’appuie sur le principe de la pédagogie par projet, les expériences consistent en de légères améliorations apportées au stage. Il y a même lieu de se demander si c’est véritablement de stage qu’il s’agit, les élèves travaillant habituellement dans les mêmes conditions que les autres salariés, étant considérés plus ou moins comme de nouveaux employés temporaires et dans les deux cas québécois, avec rémunération. Les auteurs se risquent à décrire les régimes d’échange. Au lycée de la Plaine, il est d’abord industriel, en raison du projet réalisé dans le cadre de l’alternance, mais aussi domestique et secondairement civique ; les dernières caractéristiques pourraient tenir à la localisation du lycée, à l’extérieur d’un grand centre. À l’Athénée du Parc, le régime d’échange est marchand et civique. Dans les deux collèges québécois du Fleuve et de la Forêt, la relation est qualifiée de régime d’échange marchand et industriel ; le caractère marchand pourrait tenir à la rémunération des stages. Résolument inscrit dans une perspective sociologique, cet ouvrage n’en est pas moins intéressant pour des lecteurs formés dans une autre discipline. Quelques commentaires s’imposent néanmoins. Compte tenu de l’importance de l’insertion professionnelle pour ceux qui font la promotion de l’alternance, Doray et Maroy auraient pu aller plus loin dans la …