Comptes rendus

Raymond Lemieux et Jean-Paul Montminy, Le catholicisme québécois, Sainte-Foy, Les Éditions de l’IQRC, 2000, 141 p. (Diagnostic, 28.)[Record]

  • Jean-Pierre Proulx

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  • Jean-Pierre Proulx
    Faculté des sciences de l’éducation,
    Université de Montréal.

L’ouvrage de Lemieux et Montminy, tous deux sociologues à l’Université Laval, appartient à la catégorie des essais. Tout en s’appuyant sur bon nombre de travaux empiriques, surtout en histoire et sociologie, les auteurs présentent, en ce court volume, une analyse des transformations qu’a connues le catholicisme québécois en tant que « fait social », en même temps qu’ils indiquent les défis qui se posent maintenant à lui. Conjoncturellement, cette « évaluation » du catholicisme se justifiait par les 35 années qui se sont écoulées depuis le concile Vatican II et la Révolution tranquille. Les auteurs postulent que la « religion des Québécois […] possède toujours une importance réelle, quoique paradoxale il est vrai, dans leur culture » (p. 8). Prenant appui sur l’histoire, leur « diagnostic » se déploie en trois chapitres intitulés : 1) « Le catholicisme québécois : une histoire ambiguë », 2) « Le catholicisme comme culture primordiale des Québécois » ; 3) « Des défis, d’aujourd’hui à demain ». Le premier chapitre présente cette « histoire ambiguë » dans une perspective « politique » en ce qu’elle porte avant tout sur la place de la religion dans la « dynamique sociale » vécue après la Conquête. On y retrace « le rôle du catholicisme dans la définition du peuple canadien-français », puis dans le « passage de la modernité » à la fin du XIXe siècle. Largement inspiré par les travaux de Nive Voisine et de Jean Hamelin, ce premier chapitre ne m’a pas semblé proposer une interprétation très nouvelle de l’histoire du catholicisme québécois. On y rappelle les accommodements pragmatiques de l’épiscopat avec le pouvoir colonial en vue de cette paix sociale dont tous deux avaient besoin. On insiste surtout sur le fait que l’Église finira par « fournir les mots » aux Canadiens français pour leur permettre de dire leur « identité collective » et qu’en cela, le catholicisme a joué un rôle politique. Le catholicisme fournira aussi en même temps un « encadrement culturel » aux Québécois, surtout à compter de la seconde moitié du XIXe siècle, comptant en particulier pour cela sur le réseau de l’éducation contrôlé par l’Église. Les auteurs mettent en relief les contradictions du catholicisme qui, à compter de cette même époque, continuera de promouvoir les valeurs de la ruralité alors que l’urbanisation entraîne de plus en plus rapidement la mutation de la modernité. Dès lors, « [l’]identité culturelle ne se formulera plus dans ses buts à atteindre, mais dans ses précipices à éviter » (p. 32). Il en résultera un catholicisme de conformité plutôt que de conviction. Les transformations des années 1960 sont lues comme l’« aboutissement » d’une évolution à laquelle du reste l’Église n’a pas été étrangère. Aussi, les auteurs dénoncent-ils « le regard condescendant d’une certaine intelligentsia, urbaine et scolarisée de très fraîche date » et qui serait à l’origine du mythe de la « grande noirceur ». Le second chapitre, à mon avis plus neuf, tente d’expliquer les changements importants vécus ces 30 dernières années. Même si ces changements sont en continuité avec ce qui s’annonçait, les auteurs conviennent que la Révolution tranquille constitue dans la trame du Québec, « un récit neuf de son histoire, une conscience originale de son identité » (p. 53). Les très profonds changements du catholicisme local ont alors entraîné le passage de son rôle « politique » d’encadrement social à une « religion diffuse aux appartenances ambiguës ». Ce sont les « bases mêmes du catholicisme québécois » qui se sont transformées sous l’effet conjugué d’un triple choc : la sécularisation des institutions, l’aggiornamento …