Comptes rendus

Martine Tremblay, Le mariage dans la vallée du Haut-Richelieu au XXe siècle. Ritualité et distinction sociale, Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 2001, 294 p. (Géographie historique.)[Record]

  • Jocelyne Mathieu

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  • Jocelyne Mathieu
    Département d’ethnologie,
    Université Laval.

L’ouvrage de Martine Tremblay s’inscrit dans un programme de recherche sur les dynamiques culturelles. Historienne, l’auteure s’appuie en bonne partie sur les travaux de Gérard Bouchard et de son équipe, à laquelle elle était rattachée. Elle-même situe son étude au confluent de l’histoire (perspective chronologique), de la sociologie (concepts et méthodes d’enquête), de l’anthropologie et de l’ethnologie (type d’objet analysé). Divisé en deux sections, ce livre compte neuf chapitres. La première partie est consacrée aux structures de l’enquête et aux concepts de rituels et de dynamiques culturelles. La chercheure emprunte « l’approche morphologique » (expression de Gérard Bouchard) qui renvoie à « l’observation de la configuration externe du rituel », p. 20, soit la description de l’environnement physique et humain dans lequel s’inscrivent les rituels. La Vallée du Haut-Richelieu, territoire retenu pour l’étude, offre un terrain qui permet de se pencher expressément sur la dynamique entre la ville et la campagne. Cette région se caractérise notamment par l’intégration rapide des milieux ruraux à l’espace urbain et par la mobilité et les origines diversifiées de sa population. Tout compte fait peu étudiée comparativement à d’autres comme la Beauce ou Charlevoix, cette région s’avère particulièrement intéressante par la diversité qu’elle propose. La deuxième section de l’ouvrage livre les résultats de l’enquête en six autres chapitres qui suivent les étapes du rite de passage qu’est le mariage, de la première rencontre du couple jusqu’au début de leur vie en ménage. Dans cette étude, Martine Tremblay note l’importance des réseaux. De familiaux qu’ils étaient d’abord, ils deviennent amicaux, laissant néanmoins à la fratrie un rôle non négligeable. Si l’idée même de réseau n’est pas nouvelle, comme le montrent les travaux d’Anne Gilbert, par exemple, l’idée de l’élargissement du réseau, selon les époques et les milieux, est fort enrichissante, de même que celle de la transformation progressive du lien filial. Le glissement du privé vers le public s’observe aussi dans les lieux témoins des fréquentations qui se transforment, passant des espaces familiaux aux aires publiques. En lien avec cette observation, l’étude montre que l’intimité du couple, puis l’intimité conjugale grandit au détriment des rapports parentaux et sociaux. Le couple a gagné de plus en plus d’autonomie. La durée de la noce, particulièrement entre 1980 et 1995, ne représente plus que quelques heures, à la façon moderne, plutôt que quelques jours, à la manière traditionnelle. Toutes les étapes du rite de passage sont étudiées, dans l’ordre, mettant en lumière les différences entre les groupes d’appartenance, comme c’est le cas pour les fiançailles, plus répandues chez les ouvriers que chez les commerçants ou les agriculteurs. Les préparatifs au mariage semblent plus marqués en ville, entre autres, parce que les jeunes bénéficient d’une plus grande autonomie et d’une certaine indépendance financière découlant de leur emploi à l’extérieur. L’organisation matérielle même se modifie. Par exemple, la notion de trousseau s’élargit, rassemblant plus d’articles qu’auparavant et d’une plus grande variété ; aux objets conventionnels s’ajoutent, entre autres, de petits appareils électroménagers. La pratique de plus en plus répandue de la cohabitation avant mariage change la donne et tend à se ritualiser. Il est étonnant que les cadeaux ne soient que très brièvement abordés dans l’étude. Ils sont pourtant l’une des pièces constantes du jeu, notamment pour marquer la contribution de la société, parents et amis, à l’installation du nouveau couple. Il aurait été intéressant d’analyser les changements découlant de la cohabitation avant mariage et de la nature même des cadeaux. L’insistance est mise un peu plus sur le soutien matériel, des parents à la campagne par exemple, sur le contrat notarié et la gestion du patrimoine, ce qui ne manque …