Comptes rendus

Raymond Beaudry, La résistance incertaine. La ruralité dans le passage de la modernité à la postmodernité, Sainte-Foy, Paris, Les Presses de l’Université Laval, L’Harmattan, 2000, 308 p.[Record]

  • Patrice LeBlanc

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  • Patrice LeBlanc
    Département des sciences du développement humain et social
    Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue

L’objectif que poursuit Raymond Beaudry dans son livre La résistance incertaine est d’analyser le mouvement social rural identitaire des années 1990 au Québec, plus particulièrement dans l’Est québécois. La thèse qu’il défend est que ce mouvement rural, qui a repris des forces à la fin des années 1980, est un nouveau mouvement social davantage caractéristique de la société postmoderne, qu’est devenu le Québec, que de la société moderne des années 1960 et 1970. L’ouvrage de Beaudry, qui découle d’une thèse de doctorat en sociologie, peut être divisé en trois grandes parties : une première où l’auteur explique ses choix théoriques et pose des repères sociohistoriques afin de mieux situer les transformations du mouvement rural québécois ; une deuxième partie dans laquelle il analyse la restructuration organisationnelle du mouvement et présente différentes luttes qui ont marqué le mouvement social dans les années 1990 ; enfin, une dernière qui correspond à l’interprétation que fait Beaudry de ce nouveau mouvement social en regard notamment des enjeux qu’il porte pour le monde rural dans une société postmoderne. Pour Beaudry, le mouvement identitaire rural s’organise autour de trois grands enjeux. En effet, le territoire, l’environnement et le contrôle du développement des collectivités pour et par les citoyens sont très souvent présentes dans ses luttes et ses revendications. L’espace est donc central pour ce mouvement et cet espace en tant qu’enjeu est tout autant un espace à habiter, un espace à développer, un espace à protéger que le lieu des rapports sociaux. C’est pourquoi la territorialité devient l’une des deux assises théoriques de l’analyse de Beaudry, l’autre étant la théorie des mouvements sociaux. C’est ainsi qu’il explore rapidement d’abord les aspects productifs, subjectifs et symboliques attribués à la territorialité. Il analyse également les approches qui mettent l’accent sur le local comme nouvelle territorialité conçue davantage comme mode de vie que mode de production. Pour analyser les mouvements sociaux, Beaudry prend appui tant sur les écrits de Alain Touraine que sur ceux de Michel Freitag. Le premier décrit les mouvements sociaux de la modernité tandis que le second s’attarde sur la spécificité des mobilisations collectives dans la postmodernité. C’est la transformation du mouvement rural dans le passage de la modernité à la postmodernité qui fait l’objet de Beaudry : « C’est le passage d’une mobilisation qui se faisait au nom du grand “Nous” avec ses petits “je” à une mobilisation qui se fait au nom du grand “Je” avec la multiplication des petits “nous” » (p. 24). Après avoir mis en place ces quelques jalons théoriques dans un premier chapitre, Beaudry pose certains repères sociohistoriques du passage de la modernité à la postmodernité, repères qu’il juge importants pour bien comprendre le renouveau du mouvement rural à la fin des années 1980 au Québec. Analysant les différents modèles et expériences de développement qui ont marqué les années 1960 et 1970 (Bureau d’aménagement de l’Est du Québec, BAEQ, les recommandations du rapport Metra et du rapport Higgins, Martin et Raynaud) et les réactions que ces expériences ont suscitées au sein de la population (Opérations dignités, expérience du JAL, etc.), le redécoupage territorial avec la création des Municipalités régionales de comté (MRC) et les grandes réformes dans le domaine de la santé et du développement régional, Beaudry conclut que le passage de la modernité à la postmodernité a entraîné l’apparition d’un nouvel environnement sociétal régi par une logique organisationnelle plutôt qu’institutionnelle. L’État n’est plus au centre du développement, mais l’accompagne en encourageant les entrepreneurs à prendre la relève. Les mouvements sociaux ne sont plus « reconnus par l’État comme revendiquant légitimement l’égalité, la justice sociale et la lutte contre la …