Comptes rendus

Greg Allain et Maurice Basque, De la survivance à l’effervescence : portrait historique et sociologique de la communauté acadienne et francophone de Saint-Jean, St‑Jean, Nouveau‑Brunswick, Association régionale de la Communauté francophone de Saint‑Jean, 2001, 299 p.[Record]

  • Serge Côté

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  • Serge Côté
    GRIDEQ
    Université du Québec à Rimouski

Le livre dresse un portrait de la vie collective des francophones de la ville de Saint-Jean, la plus importante agglomération du Nouveau-Brunswick. L’ouvrage livre les résultats d’une recherche à deux volets, soit une investigation historique (chapitres 1 à 5) menée vers 1995 par Maurice Basque et une enquête sociologique (chapitres 6 à 9) conduite à partir de 1998 par Greg Allain. Ce dernier signe en plus l’introduction et la conclusion du livre. L’introduction fait ressortir quelques enjeux de la recherche menée par les deux auteurs sur cette collectivité singulière. Il s’agirait tout d’abord de la première étude d’envergure menée sur les francophones de Saint-Jean, ce qui comble une lacune, puisque plusieurs autres communautés francophones minoritaires avaient fait l’objet de monographies au cours des dernières décennies. Le fait de disposer d’un bilan de la vie collective permet aux résidants de la ville de mesurer le chemin parcouru et de saisir les différentes étapes par lesquelles ils sont passés. Greg Allain les distingue sommairement : étape de recherche d’identité et de reconnaissance jusqu’aux années 1970, étape de construction institutionnelle dans les années 1980 et étape de rayonnement (ou visibilité) et d’épanouissement à partir des années 1990. Dans le volet historique de l’ouvrage, qui comprend cinq chapitres, Maurice Basque établit la longue présence française dans l’estuaire et à l’embouchure du fleuve Saint-Jean, précisément là où se trouve aujourd’hui la ville majoritairement anglaise de Saint-Jean. C’est Samuel de Champlain qui donna son nom au cours d’eau le 24 juin 1604. Le Grand Dérangement et la Conquête vidèrent la zone littorale de ses habitants d’origine française. Assez tôt, des Loyalistes fuyant la Révolution américaine s’installèrent à l’embouchure du fleuve et y fondèrent officiellement la ville de Saint John en 1785. La nouvelle ville devint rapidement un centre commercial et industriel important de la colonie du Nouveau-Brunswick fondée en 1784. La présence francophone à Saint-Jean est demeurée minuscule de la fin du XVIIIe siècle jusqu’à la fin du XIXe. En 1871, on dénombrait 154 personnes d’origine française à Saint-Jean. Ce nombre grimpa à 270 en 1881 pour chuter à 79 en 1891. Les premiers recensements du XXe siècle montrent que le nombre de personnes d’origine française dépasse désormais les 300 : elles sont en effet 380 à Saint-Jean en 1901 et 403 en 1911. La plupart gagnent leur vie dans des emplois manuels, par exemple en tant qu’ouvriers dans le port. Le fait français est mal toléré dans la ville et les francophones, en dehors du cercle familial, ont peu d’occasion de parler leur langue et de vivre leur culture. Malgré tout, quelques événements leur donnent une certaine visibilité. En 1912, un évêque acadien est nommé à la tête du diocèse de Saint-Jean. En 1913, une succursale de la Société mutuelle L’Assomption est fondée dans la ville. En plus de son action économique, cette succursale soutient plusieurs activités sociales propices aux rencontres. Le nombre de francophones est en forte croissance puisqu’il atteint près de 4 000 en 1941, soit 8 % de la population de la ville. Les années 1950 sont l’occasion de prendre conscience de l’assimilation qui affecte la communauté des Français d’origine à Saint-Jean. Les chiffres du recensement font désormais la distinction entre les personnes d’origine française et celles de langue maternelle française. En 1971, sur les 12 235 habitants d’origine française, seuls 6 925 ont encore le français comme langue maternelle. Pourtant, le nombre des gens d’origine française ne cesse d’augmenter, la prospérité de l’après-guerre amenant de nouveaux migrants à s’installer dans la ville portuaire dont les activités industrielles croissent et se diversifient. On assiste à la naissance d’organismes …