Comptes rendus

Sonia Gauthier, La violence conjugale devant la justice. Conditions et contraintes de l’application de la loi, Paris et Montréal, L’Harmattan, 2001, 191 p. (Logiques sociales.)[Record]

  • Josée Néron

L’ouvrage de Sonia Gauthier a pour objectif de transmettre et faire connaître les résultats de sa thèse de doctorat en sociologie. Constatant qu’il existe peu d’études empiriques au Québec « sur le traitement judiciaire des événements impliquant des conjoints » (p. 12) inculpés pour violence conjugale, l’auteure a voulu examiner plus particulièrement un aspect de la judiciarisation de ces événements, soit le statut des hommes accusés au cours des procédures judiciaires, relativement à la question de leur détention préventive. L’étude est destinée autant aux personnes familières avec le processus de judiciarisation de la violence conjugale qu’aux novices. Le corpus d’analyse retenu est constitué des dossiers de 284 hommes inculpés pour violence conjugale, qui étaient détenus lors de leur comparution devant la Cour du Québec, chambre criminelle et pénale, dans le district de Montréal. Les dossiers d’accusation ainsi étudiés s’échelonnent sur un période de 6 mois, soit de novembre 1992 à avril 1993. Dans sa thèse, Gauthier voulait vérifier si, oui ou non, les conjoints violents font l’objet d’un traitement préférentiel par le système de justice. L’échantillon retenu des conjoints accusés a donc été comparé tout au long de l’analyse avec un échantillon de 1 374 hommes accusés, dont le dossier a été ouvert durant la même période que celui des conjoints violents qui comparaissaient devant la même cour. S’agit-il d’hommes accusés majoritairement d’infractions contre la propriété, d’infractions relatives aux stupéfiants, d’infractions d’ordre sexuel ou d’infractions contre la personne ? L’ouvrage ne donne pas ces détails, bien malencontreusement pour la pertinence de la comparaison et pour la certitude des conclusions qui en découlent. De plus, « les dossiers à l’étude ne sont pas représentatifs de l’ensemble des causes de violence conjugale traitées à Montréal » (p. 56). Comment alors prétendre vérifier si les conjoints violents bénéficient d’un traitement préférentiel ? Le choix de l’étude des dossiers devant une seule cour, la Cour du Québec, ne permet pas d’analyser l’ensemble des événements de violence conjugale donnant lieu à un examen judiciaire, les plus graves se retrouvant devant la Cour supérieure (ce qui inclut les cas de meurtre de la conjointe, absents de l’analyse), ceux de moindre gravité se retrouvant, à Montréal, devant la Cour municipale. Alors pourquoi ne tenir compte que de dossiers devant la Cour du Québec ? Les échantillons ont été obtenus lors de la participation de l’auteure à une recherche sur la détention sous garde et la mise en liberté provisoire menée par le Groupe de recherche et d’analyse sur les politiques et les pratiques pénales (GRAPPP) dans le district de Montréal. Il semble que le lecteur doive faire acte de foi et croire une démonstration qui s’appliquerait à l’ensemble des cas judiciarisés de violence conjugale au Québec, malgré le choix restrictif des événements judiciaires analysés et alors que ce choix est strictement motivé par la participation à un projet de recherche plutôt que par la complexité de la problématique de la violence conjugale. L’étude compte sept chapitres qui se répartissent, sans être identifiés comme tels, en deux segments : les préliminaires et l’analyse. Les trois premiers chapitres composent la matière préalable à l’exposé de la recherche. Gauthier a choisi de traiter d’abord globalement de la criminalisation en s’attardant aux phénomènes de la production des normes pénales et de leur application par le système judiciaire. Cette entrée en matière est suivie d’un chapitre traitant du contexte sociohistorique du processus de judiciarisation de la violence conjugale, processus engagé en Amérique du Nord durant les années 1980. Gauthier reconnaît que l’intervention pénale alors amorcée comportait certains problèmes, dont un majeur : la double victimisation des plaignantes. Par contre, l’existence pourtant encore …