Comptes rendus

Jean-Marc Larouche et Guy Ménard (dirs), L’étude de la religion au Québec. Bilan et prospective, Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 2001, 504 p.[Record]

  • Sylvain Nadeau

Tiré de la série « Les nids » de Christiane Lemire, le dessin illustrant la page couverture de L’étude de la religion au Québec. Bilan et prospective représente remarquablement le contenu de l’ouvrage. L’accroissement progressif de l’intérêt pour l’étude de la religion au Québec accrédite le proverbe « Petit à petit, l’oiseau fait son nid », si bien que l’on peut désormais parler de nids au pluriel, comme en font foi les trente-cinq contributions de chercheurs d’horizons divers du présent collectif, dirigé par Jean-Marc Larouche et Guy Ménard. Le propos liminaire de Louis Rousseau trace un portrait lucide et sensible de l’état et de l’avenir de l’étude de la religion au Québec. Prenant judicieusement appui sur le contexte actuel de la mondialisation, de l’immigration et des questions éthiques qui animent la société québécoise, Rousseau met en lumière, non seulement les intérêts pratiques liés à l’étude du fait religieux, mais les besoins futurs, essentiels au maintien et à la mise à contribution des ressources en place. Intitulée « Les traditions religieuses de l’humanité », la première des quatre parties est des plus volumineuses. Outre le catholicisme et le protestantisme, les champs couverts vont des traditions amérindiennes et inuite aux cultes afro-brésiliens, en passant par les traditions juive et orthodoxe, l’islam, le bouddhisme et l’hindouisme. Si, par le passé, pour des raisons socio-politico-religieuses, l’étude des traditions amérindiennes et inuite a été négligée, les contributions remarquables de Robert Verreault, Gabriel Lefebvre et Frédéric Laugrand laissent voir combien ce champ d’étude est en voie de réhabilitation. Le contexte social, notamment les préoccupations écologiques, explique l’intérêt croissant pour cet objet d’étude, selon Verreault. Néanmoins, « il reste encore beaucoup à faire pour assurer la cohabitation symbolique du “Sauvage” et du “Blanc” » (p. 22). Abondamment étudié, le catholicisme n’en demeure pas moins exposé à une vision péjorative depuis la Révolution tranquille. Soucieux de dépasser une telle vision, Raymond Lemieux s’interroge sur la connaissance de cette religion chez ceux qui la critiquent. Si l’appropriation culturelle du catholicisme par les Québécois se pose comme un défi, compte tenu de la pluralité des croyances, elle présente également à ses yeux une pertinence dans le monde contemporain. Loin d’être banale, la connaissance de la culture religieuse apparaît au coeur des préoccupations démocratiques, car « l’expérience religieuse, la catholique comme les autres, ne peut se réduire à une expérience privée » (p. 57). Lemieux les réactualise en signalant les débats en cours sur la cohabitation des religions dans l’espace public. Richard Lougheed constate à quel point l’étude des traditions protestantes est bien ancrée au sein de nos institutions québécoises de recherche, tant francophones qu’anglophones. Néanmoins, l’auteur se dit préoccupé quant à la pérennité du matériel patrimonial qui alimente une partie des recherches, puisqu’« un besoin actuel et pressant concerne la question d’archives communes au Québec » (p. 72). À l’instar des traditions protestantes, la tradition juive jouit d’un ancrage solide au sein des institutions de recherche et d’enseignement, quoique plus concentré dans la région de Montréal, remarque Ira Robinson. Il n’en va pas de même de l’étude de l’islam. Sans négliger les ressources et contributions significatives sur le sujet, Diane Steigerwald souligne notre retard sur les anglophones, retard qui pourrait avoir un impact sur l’avenir, si l’on considère que « le dialogue interreligieux est essentiel pour maintenir la cohésion sociale » (p. 107). En émergence dans la pratique comme dans l’étude, l’hindouisme et le bouddhisme, discutés respectivement par André Couture et Mathieu Boivert, sont l’objet de ressources limitées, mais donnant lieu à un nombre considérable de productions, comme en font foi les mémoires, thèses, articles et ouvrages …