Comptes rendus

Henri Dorvil et Robert Mayer (dirs), Problèmes sociaux. Tome I. Théories et méthodologies, Sainte-Foy, Presses de l’Université du Québec, 2001, 592 p. (Problèmes sociaux et interventions sociales.)Henri Dorvil et Robert Mayer (dirs), Problèmes sociaux. Tome II. Études de cas et interventions sociales, Sainte-Foy, Presses de l’Université du Québec, 2001, 679 p. (Problèmes sociaux et interventions sociales.)[Record]

  • Simon Langlois

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  • Simon Langlois
    Département de sociologie
    Université Laval

L’étude des problèmes sociaux a toujours préoccupé les sociologues. À l’époque de Durkheim, le suicide, le crime ou la pauvreté étaient vus comme symptômes de l’état général de la société et non seulement comme des problèmes susceptibles de retenir à eux seuls et pour eux-mêmes l’attention de l’analyste. Bien plus que l’analyse du suicide, on peut avancer sans risque que ce qui intéressait Durkheim, c’était l’interprétation de la société dans laquelle il vivait. Mais avec le temps, il est arrivé au suicide – ou à tout autre problème social – ce qui est arrivé au doigt pointé vers la Lune : on a fini par ne plus voir que le doigt, oubliant de regarder ce vers quoi il pointait. C’est un peu cette impression « de ne plus voir que le doigt » qui s’empare de nous au terme de la lecture minutieuse des deux gros tomes du volume sur les problèmes sociaux publiés par Robert Mayer et Henri Dorvil. Nous avons lu minutieusement ses 1 271 pages, éthique d’un auteur de compte rendu oblige, mais surtout par intérêt personnel, ayant codirigé, avec Fernand Dumont et Yves Martin, la publication d’un tout aussi imposant ouvrage sur ce même thème, le Traité des problèmes sociaux (IQRC, 1994), paru sept ans avant la publication examinée ici. Les deux ouvrages sont de facture et de contenu fort différents. Si les problèmes sociaux vous préoccupent comme objet d’intervention, cet ouvrage collectif est pour vous, mais si l’étude de la société québécoise retient plutôt votre intérêt, alors vous resterez sur votre appétit et le Traité répondra sans doute mieux à vos préoccupations, pourrais-je avancer avec le recul du temps. Lors d’un séjour d’études en France il y a déjà quelques années, j’avais entendu de la bouche du professeur Hamburger, célèbre médecin parisien, cette boutade cynique : « Le cancer, cette industrie ». La boutade pourrait être reprise en l’appliquant cette fois à l’industrie de l’étude des problèmes sociaux largement subventionnée à coups d’actions concertées et de subventions. On ne voit plus que les problèmes – et de moins en moins l’état de la société elle-même – et ceux-ci se sont multipliés et fractionnés, ce qui était l’une des conclusions que nous avions tirées dans notre propre Traité. L’ouvrage collectif sous la direction de Dorvil et Mayer est ambitieux. Le premier tome propose vingt-quatre chapitres sur différents aspects théoriques et méthodologiques. On y refait d’abord l’histoire des perspectives théoriques, allant des approches objectivistes et subjectivistes jusqu’au constructivisme et aux approches conflictuelles, sans cependant apporter de contribution originale sur ce plan. L’ouvrage comprend aussi des textes sur les méthodes : deux articles sur les analyses quantitatives, un autre sur l’évaluation de programmes et un quatrième portant sur l’analyse épidémiologique, ce dernier étant cependant assez faible, trop général et à l’allure d’un cours introductif, au point où on se demande ce qui motive sa présence dans le recueil. Le bilan théorique est bien fait mais le lecteur déjà familier avec la question restera sur sa faim. Il manque en particulier à l’exposé théorique une référence à la société globale et la majorité des contributions restent en quelque sorte enfermées dans l’étude de questions ou de problèmes particuliers. Les sociologues ont montré qu’il était difficile de comprendre le suicide sans analyser la société dans son ensemble et à l’inverse, Émile Durkheim, Maurice Halbwachs ou Jean Baechler ont bien mis en évidence que le suicide renseigne sur la société. Autre exemple : il est beaucoup question de nos jours de cohésion sociale, une notion pertinente à l’étude des problèmes sociaux depuis Durkheim. Or, le Canada est depuis dix ans …