Comptes rendus

Pierre-W. Boudreault et Michel Parazelli (dirs), L’imaginaire urbain et les jeunes. La ville comme espace d’expériences identitaires et créatrices, Sainte-Foy, Presses de l’Université du Québec, 2004, 354 p.[Record]

  • Stéphanie Garneau

Décrochage scolaire, errance urbaine, conduites à risque… Des phénomènes associés à la jeunesse d’aujourd’hui et qui invitent à concevoir cette dernière au mieux comme la victime d’une société en mal de repères, au pire comme la responsable de troubles urbains qu’il faut réprimer. Les 18 collaborateurs de l’ouvrage dirigé par Pierre-W. Boudreault et Michel Parazelli ont en commun, outre le fait de susciter l’intérêt soutenu du lecteur, celui de refuser de telles approches. Dans L’imaginaire urbain et les jeunes, dont la publication fait suite à un colloque du même intitulé, les jeunes sont abordés comme des acteurs sociaux qui, malgré l’incertitude et la contrainte, font montre de réflexivité et de créativité. Et c’est par le concept d’imaginaire, défini d’entrée de jeu et au fil des textes comme praxis, que les auteurs proposent de saisir cette capacité d’action : l’imaginaire est une « intentionnalité de la conscience » (p. 1), une médiation qui « réconcilie sujet et objet, corps et esprit, nature et culture, individu et collectif… » (p. 73). Sans y faire allusion explicitement, les auteurs se fondent sur l’idée chère aux fondateurs de l’École de Chicago et à leurs successeurs que la ville est constituée d’une pluralité d’espaces interactionnels qui permet, bien que cela puisse aussi conduire à l’enclavement de certains, des possibilités d’engagements relationnels et d’expériences identitaires multiples. À partir de ce postulat, et de la prémisse selon laquelle l’imaginaire est action, les auteurs mettent en question la place des jeunes dans la cité et la place de la cité dans la vie des jeunes. Ils avancent l’hypothèse que l’espace urbain est le substrat matériel qui, tel un témoin, s’imprègne de l’imaginaire des jeunes, enregistre leurs pratiques et les donne à voir au monde : « c’est par la spatialisation de leur imaginaire que les jeunes participent aux transformations de la vie urbaine » (p. 3). L’ouvrage se découpe en trois parties qui s’articulent harmonieusement les unes aux autres, ce qui n’est pas toujours aisé pour un travail collectif de cette envergure. Le premier tiers du livre se présente comme un arrière-plan des transformations sociales qui affectent tant les jeunes que la ville d’aujourd’hui. Il s’ouvre avec un chapitre de Madeleine Gauthier qui se demande si la ville fait encore rêver les jeunes. Elle constate en effet que si les jeunes migrent en grand nombre vers la ville, notamment parce que celle-ci représente la liberté, cette représentation positive de l’espace habité tend à se déplacer, chez les plus vieux d’entre les jeunes, du côté de la campagne. La ville stimulerait l’imaginaire, en tant qu’étape initiatique dans un processus de construction identitaire. Cette analyse fait ensuite place à une autre forme de départ : celui du décrochage scolaire des élèves du Québec. Céline Saint-Pierre suggère que l’école, traditionnellement uniformisatrice, ne fournirait pas l’espace de réalisation de soi revendiqué par les jeunes. Certains choisiraient alors d’investir la ville, berceau d’expériences de socialisation diverses. Selon elle, il faudrait établir un lien plus concret entre l’école et la cité. De même, Pierre-W. Boudreault cherche à contrer l’« imagerie » collective, l’ensemble des préjugés sociaux sur la jeunesse, en empruntant une approche phénoménologique du rapport des jeunes à l’institution scolaire. Il note que leur refus de l’école est en fait le refus d’un modèle de société fondé sur la consommation de masse. Ce qui libère désormais leur potentiel imaginatif et créatif n’est pas l’uniformité, mais la mobilité, la communication et la diversité, autant d’éléments qui se rencontrent plus facilement dans l’environnement urbain que scolaire. Martin Simard, pour sa part, analyse les trajectoires spatiales des jeunes québécois à la lumière des normes …