Comptes rendus

Caroline Désy, Si loin, si proche. La Guerre civile espagnole et le Québec des années trente, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2004, 177 p.[Record]

  • Frédéric Boily

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  • Frédéric Boily
    Faculté Saint-Jean
    University of Alberta

La sociologue Caroline Désy fait partie de cette génération de jeunes chercheurs qui ont entrepris de revisiter le passé québécois, plus particulièrement l’histoire des idées, pour jeter un éclairage neuf sur des sujets ayant peu retenu l’attention. C’est à la découverte de l’un de ces chapitres laissés dans l’ombre, la réception de la Guerre civile espagnole au Québec, qu’elle nous convie. Cet examen, qui s’inscrit dans le champ de l’analyse du discours, renoue, si l’on peut dire, avec la tradition des collectifs des Idéologies au Canada français, plus particulièrement celui sur les années trente, ouvrage dans lequel on retrouve plusieurs textes analysant les mêmes journaux ou revues examinés par l’auteur (Les Presses de l’Université Laval, 1978). Son travail se révèle en effet plus en communion avec l’esprit de ces textes qu’avec l’analyse de discours pratiquée à la façon de Gilles Bourque et Jules Duchastel qui, on le sait, ont eux aussi utilisé cette méthode pour étudier la période duplessiste (Restons traditionnels et progressifs. Pour une nouvelle analyse du discours politique. Le cas du régime Duplessis au Québec, Boréal, 1988). Car la manière dont C. Désy se sert de l’analyse du discours se révèle moins systématisée, sur le plan théorique, que celle des deux sociologues. Cependant, à l’instar de ces derniers, C. Désy tente de montrer les fondements idéologiques de la société d’alors à travers les prises de position sur le conflit espagnol. Comme elle l’explique en introduction et dans son appendice méthodologique, il s’agit pour elle de repérer les noyaux de sens et les valeurs soutenant le discours afin d’identifier certaines thématiques organisatrices de la vie intellectuelle de l’époque. Ce faisant, elle espère mettre à jour, en suivant la circulation du discours, les « fractures sociales » (p. 5) qui traversent la société québécoise. Pour réaliser son examen, elle utilise des journaux essentiellement montréalais, comme La Presse, Le Devoir ou encore The Gazette et The Montreal Daily Star ainsi que certains périodiques comme L’Action nationale et La Relève. Plus précisément, il s’agit de montrer comment furent présentés certains événements liés au conflit espagnol, par exemple le passage d’André Malraux, à Montréal, au printemps de l’année 1937. En ce sens, on n’apprend à peu près rien sur la Guerre espagnole ( ce que l’on ne peut reprocher à l’auteure compte tenu de son projet ( puisque c’est le regard porté sur la Guerre civile espagnole qui la captive. Le conflit devient ainsi un « révélateur » ou un « catalyseur » idéologique, miroir dans lequel les idéologies politiques se révèlent aux yeux du chercheur. Le discours sur la Guerre civile espagnole prend forme ou s’inscrit sur une toile de fond idéologique préexistante que l’auteure décrit, brièvement, dans son premier chapitre. C. Désy affirme notamment que le Québec de l’époque est alors marqué du sceau du fascisme, ce qui explique les sympathies pour le régime franquiste. Qu’il y ait eu une tentation fasciste, fort bien, elle n’est d’ailleurs pas la première à le souligner. Malheureusement, son examen du fascisme se révèle trop sommaire pour emporter l’adhésion totale du lecteur. Ainsi, lorsqu’elle avance que le fascisme d’ici était amputé de sa composante guerrière, la question se pose à savoir si un fascisme sans le caractère guerrier en est toujours un et si oui, dans quelle mesure on peut encore parler de fascisme. La question mérite un examen sérieux, plus sérieux en tout cas que celui que l’on retrouve ici. Cela dit, son analyse identifie, si l’on peut dire, trois grandes configurations idéologiques, chacune ayant une vision particulière des événements espagnols. La première, marquée par la grille de lecture …