Comptes rendus

Normand Perron, L’État et le changement agricole dans Charlevoix 1850-1950, Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 2003, 318 p.[Record]

  • Christian Dessureault

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  • Christian Dessureault
    Département d’histoire
    Université de Montréal

Dans cet ouvrage, Normand Perron analyse le rôle de l’État dans la diffusion des connaissances agricoles et dans la modernisation effective de l’agriculture de 1850 à 1950. Cette étude comprend six chapitres distincts. Dans le premier chapitre, l’auteur présente la méthodologie et les sources de sa recherche. Puis, dans le second, il défend la pertinence de Charlevoix comme terrain d’enquête tout en soulignant ses particularités. Dans le troisième, il démonte les stratégies de communication de l’État à l’échelle provinciale et, dans le quatrième, il scrute les modalités effectives de l’encadrement des agriculteurs dans Charlevoix. Enfin, dans les deux derniers chapitres de l’ouvrage, il vérifie plus précisément les répercussions concrètes de ces discours et de ces actions de l’État sur la modernisation des activités agricoles dans Charlevoix durant la période étudiée. Dans l’introduction, N. Perron souligne que la volonté de l’État de moderniser l’agriculture s’inscrit dans une vision plus large de la société et de l’économie du Québec. Cette volonté de moderniser l’agriculture représente l’une des réactions des élites politiques et religieuses de l’époque à l’émigration massive des Canadiens français vers les États-Unis. La rentabilisation des activités agricoles devait représenter un frein à l’exode des familles rurales. L’auteur ne relève toutefois pas la dimension contradictoire de ce discours. Cette modernisation de l’agriculture, loin de freiner l’exode des ruraux, a plutôt favorisé à long terme la concentration des exploitations, la hausse des rendements et de la productivité du travail et, donc, la diminution relative de la main-d’oeuvre nécessaire dans le secteur agricole. L’action de l’État (et des partisans de la modernisation) vise effectivement à favoriser l’adoption de nouvelles méthodes et de nouvelles techniques, l’acquisition de nouveaux outils et enfin l’organisation de la production, de la transformation, de la commercialisation des produits agricoles en fonction des marchés intérieurs et extérieurs disponibles. Cette action comprend plusieurs volets et l’auteur en montre l’évolution de 1850 à 1950. Elle s’amorce d’abord, au milieu du XIXe siècle, par le soutien aux sociétés d’agriculture régionales et locales et à leurs activités dont les nombreux concours et expositions. L’appui financier aux journaux spécialisés et aux premières fermes modèles constitue aussi l’une des premières modalités de cette contribution de l’État dans le secteur agricole. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, l’État intervient également en soutenant la création d’institutions d’enseignement professionnel dans le domaine. Au tournant du XXe siècle, cette action se poursuit avec l’adoption de lois favorisant la création de coopératives et des syndicats agricoles. Elle s’intensifie sous la pression des élites et des agriculteurs par la mise en place de mécanismes favorisant le crédit agricole et la régulation de la production et des marchés. L’État accroît finalement son intervention financière par l’octroi de subventions aux organisations agricoles et, enfin, aux agriculteurs eux-mêmes. Cette étude de la diffusion des connaissances nécessaires pour moderniser l’agriculture dépasse le simple repérage des instruments mis en place par l’État. L’auteur examine la pertinence et l’efficacité relatives des moyens employés. Il s’intéresse donc aux modalités du transfert des connaissances destinées aux agriculteurs et à leurs répercussions sur l’évolution des modes effectifs de culture et d’élevage dans la région de Charlevoix. L’État et les propagandistes du progrès agricole ont élargi au fil des décennies l’éventail de leurs moyens de diffusion. Le développement de canaux de diffusion à l’échelle régionale, puis locale, comme les cercles agricoles, suggère une évolution des stratégies de communication vers une action de plus en plus structurée à partir du milieu local. C’est autour du clocher, souvent du curé lui-même, que s’organise l’encadrement des agriculteurs. Le curé et les élites laïques, incluant certains exploitants agricoles mieux dotés, représentent les …