Comptes rendus

Andrée Dufour et Micheline Dumont,Brève histoire des institutrices au Québec de la Nouvelle-France à nos jours, Montréal, Boréal, 2004, 219 p.[Record]

  • Louis LeVasseur

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  • Louis LeVasseur
    Faculté des sciences de l’éducation,
    Université de Montréal.

L’ouvrage Brève histoire des institutrices au Québec de la Nouvelle-France à nos jours montre le rôle prépondérant joué par les institutrices dans la scolarisation des enfants et dans le développement du système éducatif mais en insistant particulièrement sur les différents aspects de l’inégalité sociale des institutrices qui touche autant leurs conditions de vie et de travail que leur faible pouvoir au sein même des milieux éducatifs. Le regard des auteures porte essentiellement sur les conditions d’exercice du métier, les tâches des institutrices, leur formation et leur qualification, leurs tentatives de regroupement professionnel prenant la forme au XXe siècle d’une action syndicale, et plus globalement, sur la place graduelle qu’elles parviennent à prendre non seulement au sein même du système d’éducation mais au sein de la société, à la fois comme institutrices et comme femmes. Le livre couvre une très longue période, soit de 1639, qui correspond à l’arrivée en Nouvelle-France des premières Ursulines dans le but d’enseigner, à 2003. Le premier chapitre rappelle les origines européennes de la « petite école » vouée à l’instruction des enfants et surtout les objectifs religieux qui l’animent. On est encore loin d’une école accessible à tous et orientée vers la transmission de savoirs instrumentaux en lien avec les besoins d’industrialisation de la société. Dans les villes, les hommes enseignent aux garçons et, à partir du XVIIe siècle, les femmes – des religieuses – enseignent aux jeunes filles (p. 19). Entre les années 1615 et 1650, le réseau des Ursulines se développe considérablement en France et s’étendra même en Nouvelle-France dès 1639 sous la direction de Marie de l’Incarnation. Les Ursulines viennent avec l’intention d’enseigner aux jeunes Amérindiennes mais elles accueilleront dans leurs rangs les filles de colons. Vers le milieu du XVIIe siècle, avec la venue de Marguerite Bourgeois, un nouveau modèle d’institutrices, celui des instituts séculiers, se développe parallèlement à celui des religieuses cloîtrées propre aux Ursulines. Au milieu du XVIIIe siècle, on enseigne désormais la grammaire, la géographie, la musique, la broderie et après 1760, l’anglais, l’histoire et l’arithmétique (p. 30-31). Le deuxième chapitre présente les effets de la Conquête sur l’éducation. Les pressions de la bourgeoisie anglophone en vue de contrer l’ignorance et de stimuler le développement de l’économie et de la vie politique conduisent à la création d’un premier régime scolaire en 1801 qui institue la gratuité scolaire, qui prévoit une rémunération des enseignants et qui connaîtra beaucoup plus de popularité dans les townships anglophones que dans les paroisses canadiennes-françaises, les autorités religieuses craignant l’assimilation des francophones. Après la création des écoles de Fabrique en 1824, un troisième régime scolaire en trente ans voit le jour en 1829 en vertu de la loi des écoles de syndics, lesquelles se multiplient rapidement et dont la moitié du personnel enseignant en 1831 se compose de femmes. Les femmes s’orientent vers l’enseignement en raison du développement du système scolaire public mais également en raison de l’importation d’un modèle d’institutrices laïques par les immigrants britanniques du début du XIXe siècle dans le Bas-Canada. Le succès des écoles de syndics joue un rôle prédominant ici. Les budgets ne suffisant plus, le législateur décide en 1832 de limiter le nombre d’élèves instruits gratuitement ainsi que la contribution des parents en mesure de payer, ce qui incite les instituteurs (masculins) à délaisser l’enseignement qui devient par le fait même une manière pour les femmes de gagner leur subsistance, voire de réaliser une certaine ascension sociale. Même si dès 1836 prend fin le système scolaire des écoles de syndics, les préoccupations en vue de la formation des enseignantes se font de plus …