Notes critiques

L’histoire du syndicalisme agricole au Québec : un chantier déjà très balisé ?Jean-Pierre Kesteman, Guy Boisclair, Jocelyn Morneau et Jean-Marc Kirouac, Histoire du syndicalisme agricole au Québec, UCC-UPA 1924-1984, Montréal, Boréal, 2004, 455 p.[Record]

  • Marco Silvestro

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  • Marco Silvestro
    Candidat au doctorat,
    Département de sociologie,
    Université du Québec à Montréal.

En 1984, à l’occasion du 60e anniversaire de l’Union catholique des cultivateurs (UCC, devenue en 1972 l’Union des producteurs agricoles, UPA), paraissait l’Histoire du syndicalisme agricole au Québec, UCC-UPA 1924-1984, de l’historien de l’Université de Sherbrooke Jean-Pierre Kesteman. À l’époque, l’ouvrage offrait la première synthèse, historique ou sociologique, sur le sujet. Au moment de sa réédition vingt ans plus tard, il demeure le seul ouvrage de synthèse disponible. En vérité, on pourrait simplement écrire « le seul ouvrage disponible » tellement cet objet de recherche est peu développé au Québec. Les seuls travaux portant sur le syndicalisme agricole sont de nature historique et se concentrent sur la pé- riode 1850-1960 (Belec, 1970 ; Fortin, 1971 ; Rivet, 1975 ; Migner, 1975, 1980 ; Beauchamp, 1979, 1985 ; Boisclair, 2002). C’est tout le contraire en ce qui concerne les autres aspects de l’agriculture, lesquels ont passablement retenu l’attention des universitaires. Dans ces travaux, cependant, les aspects syndicaux sont presque toujours abordés de façon accessoire. Il est d’ailleurs intéressant de constater que les recherches sur le syndicalisme et le coopératisme ouvriers sont beaucoup plus développées au Québec que celles portant sur le secteur agricole, un constat que font aussi Philippe Cardon et Georges Ubbiali pour la France. On se réjouit a priori de cette réédition augmentée d’une présentation et d’une réécriture de la dernière partie qui intègre les vingt dernières années. L’ouvrage est ainsi divisé en quatre parties qui correspondent aux périodes charnières de l’histoire du syndicat, soit « Les premiers mouvements de cultivateurs et les débuts de l’UCC jusqu’en 1929 », une périodisation reprise des travaux de Migner (1975) ; « En quête d’une solidarité rurale : l’UCC de 1929 à 1952 », qui correspond à la période de solidification du syndicat ; « Vers le contrôle d’une agriculture de marché : l’UCC de 1952 à 1972 », qui renvoie à la laïcisation de l’organisation et à la lutte pour les plans conjoints ; enfin la dernière partie, « Le fer de lance d’une profession renouvelée : l’UPA de 1972 à 2004 », trace l’amorce de la « prise en charge générale du développement de l’agriculture » (chapitre 21) par la nouvelle UPA, assurée depuis 1972 d’être l’unique organisation autorisée à représenter les intérêts professionnels des agriculteurs. Les auteurs, précise Kesteman, ont choisi de ne pas retoucher le texte des trois premières parties et d’offrir plutôt, sous la plume de Guy Boisclair, une Présentation de la seconde édition qui apporte plusieurs ajustements à l’interprétation qu’offrait l’ouvrage originel. Nous voudrions revenir sur les critiques qu’avait amenées Beauchamp (1985) lors de la parution du livre pour vérifier si les auteurs les ont prises en compte dans leur réédition. Dans un second temps, en utilisant le livre de Kesteman et al. comme contre-exemple, nous tracerons les contours d’un programme de recherche sociologique qui permettrait de mieux saisir la complexité du syndicalisme agricole québécois. Cet objet de recherche bénéficierait grandement en effet d’une approche théorique critique qui contrebalancerait la complaisance de certains intellectuels et universitaires québécois qui sont « copains comme cochons » avec l’UPA. La démarche de révision que les auteurs ont privilégiée est tout à leur honneur, compte tenu notamment des critiques qu’avait apportées Beauchamp. Celui-ci écrivait que le livre comportait de multiples qualités sur les plans de la synthèse, de la clarté de l’exposition et du découpage historique, mais qu’on devait quand même « émettre de sérieuses réserves sur la démarche [méthodologique] », étant donné que « l’ouvrage se présente comme scientifique » (Beauchamp, 1985, p. 209-210). Il identifiait alors …

Appendices