Comptes rendus

Anne Quéniart et Julie Jacques, Apolitiques, les jeunes femmes ?, Montréal, Les éditions du remue-ménage, 2004, 154 p.[Record]

  • Manon Tremblay

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  • Manon Tremblay
    École d’études politiques,
    Université d’Ottawa.

Quiconque fréquente le moindrement les librairies a vite fait de constater des titres tellement nébuleux, qu’il est à se demander s’il s’agit d’un livre de cuisine ou d’un ouvrage traitant d’un phénomène de société… Quéniart et Jacques ne tombent pas dans ce panneau ; le titre Apolitiques, les jeunes femmes ? est, de prime abord, transparent. Pourtant, un examen plus approfondi oblige à conclure qu’il n’échappe pas à une certaine fausseté (j’y reviendrai plus loin). S’outillant du doute raisonnable, les auteures partent d’une évidence – « il semble y avoir une sorte de consensus sur la dépolitisation de la jeunesse aujourd’hui » (p. 11) – pour la remettre en question : et si « les jeunes d’aujourd’hui particip[ai]ent à la vie de la cité ? » (p. 14). C’est ainsi qu’elles énoncent l’objectif général de leur recherche, soit « d’analyser les pratiques d’engagement de jeunes militantes, c’est-à-dire de comprendre ce qui les a amenées à s’impliquer activement sur la scène politique » (p. 14). Les notions d’engagement, de trajectoires, d’identités, de politique partisane et de générations sont donc au coeur de la problématique de travail des auteures. Anne Quéniart et Julie Jacques sont toutes deux sociologues, identifiées à l’Université du Québec à Montréal, la première à titre de professeure et la seconde, de graduée à la maîtrise, cette dernière ayant reçu en 2003, le prix Jean-Charles-Bonenfant de l’Assemblée nationale du Québec pour son mémoire. Les deuxième et troisième chapitres traitent de la problématique de l’engagement militant sous l’angle du cheminement qui y mène (ou, en langage sociologique, les « trajectoires » poursuivies) ainsi que du sens que les jeunes femmes lui confèrent. Qu’est-ce qui incite à militer dans un groupe ou un parti ? Certains contextes prédisposent-ils à l’engagement militant ? Il appert qu’outre des éléments contextuels et sporadiques (comme la Marche des femmes ou le Référendum sur l’avenir du Québec), des forces plus profondes incitent les jeunes femmes à faire le saut dans l’arène du militantisme, notamment l’intérêt de leurs parents pour les affaires sociales et politiques ainsi que l’influence de modèles, surtout féminins. Leur engagement repose aussi sur une certaine dose d’idéalisme, c’est-à-dire qu’elles croient pouvoir changer les choses. D’ailleurs, cette conviction non seulement les amène à militer, mais une fois dans l’action elle leur offre une grille afin d’interpréter leur engagement. Pour elles, militer signifie « un acte citoyen, permettant à chacun de prendre la parole et d’affirmer ses idées, permettant aussi à tous de se doter d’un pouvoir d’agir sur la société » (p. 84). Les deux derniers chapitres explorent l’univers des perceptions, notamment le regard que posent les jeunes militantes sur la politique telle qu’elle se déploie dans les partis de même que sur la jeunesse et les relations avec les autres générations. Pour les jeunes femmes interviewées, le pouvoir entretient des relations étroites avec la capacité d’influencer et d’agir, que ce soit dans les institutions politiques ou la société civile. Pourtant, cette possibilité d’influence et d’action dont se réclament les jeunes femmes semble plutôt mise à mal par des structures que monopolise la génération qui les précède, que ce soit au chapitre des valeurs, des façons de faire, des stratégies d’action ou encore des postes clés qu’elle occupe. « Apolitiques, les jeunes femmes ? Non, pouvons-nous répondre au terme de notre enquête auprès de trente militantes… » (p. 137 ; l’italique est de moi). Je ne suis pas convaincue par cette réponse, simplement parce que le devis de recherche que suivent Quéniart et Jacques ne permet pas de l’énoncer. En effet, pour répondre à la question posée, « Apolitiques, les jeunes femmes ? », …