Comptes rendus

Jacques Henripin, Pour une politique de population, Montréal, Varia, 2004, 121 p.[Record]

  • Charles Fleury

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  • Charles Fleury
    Étudiant au Département de sociologie,
    Université Laval.

Les changements démographiques font actuellement couler beaucoup d’encre au Québec. Si certains envisagent la chose avec optimisme, en règle générale c’est plutôt la vision « apocalyptique » qui a la cote. Loin de calmer le jeu, le récent ouvrage de Jacques Henripin, Pour une politique de population, est à ce propos passablement alarmant. Selon lui, si rien n’est fait, le Québec court directement à la catastrophe. Sa parution en 2004 a fait moins de bruit que celle, plus récente, du manifeste « Pour un Québec lucide » des Lucien Bouchard et compagnie. Pourtant, constats et solutions sont similaires… Henripin ne prétend pas se substituer aux deux gouvernements. Fort de plus de 40 ans de carrière en démographie et en économie à l’Université de Montréal, il a simplement cru utile de mettre en ordre les jugements qu’il porte sur la démographie québécoise depuis quelques décennies et de suggérer un certain nombre de remèdes possibles. Cela se traduit par un ouvrage d’une centaine de pages, rédigé en termes accessibles et comportant deux parties principales. La première sert à exposer les principaux aspects de la démographie québécoise qui causent actuellement des difficultés et en causeront davantage dans les décennies à venir. La seconde propose quant à elle une série de mesures pour faire face à ces « prétendues » difficultés. Il s’agit ni plus ni moins de jeter les bases de ce qui pourrait devenir une politique de population, c’est-à-dire « un ensemble de mesures cohérentes […] pour corriger des aspects indésirables d’une population [… ou] pour mieux adapter l’organisation sociale à ces aspects démographiques indésirables, si l’on estime que les corrections elles-mêmes sont peu réalisables ou insuffisantes » (p. 11). Quels sont les aspects de la démographie québécoise que le démographe juge « indésirables » ? Ils sont au nombre de cinq : il s’agit de la décroissance de la population, de l’augmentation du nombre de personnes âgées, de l’effritement de la famille, de la composition ethnique et linguistique et de la composition professionnelle de la population active. L’analyse de ces aspects est assez succincte, l’auteur se contentant de brosser à grands traits l’essentiel des éléments qu’il juge problématiques. On y perd malheureusement au change, le portrait qu’il brosse demeurant passablement impressionniste et les démonstrations scientifiques se faisant assez rares. Cela est d’autant plus malheureux qu’à certains égards, les interprétations qui sont faites sont parfois discutables. C’est le cas, par exemple, de la question de la décroissance démographique pour laquelle, faute d’arguments scientifiques solides, l’auteur se contente de quelques exemples historiques, tirés des travaux d’Alfred Sauvy (un nataliste), pour montrer que la décroissance est problématique. « Faute de démonstrations, il est peut-être sage de s’en rapporter à l’histoire et de favoriser une croissance modérée », conclut-il simplement (p. 20). Or, ce que nous dit l’histoire selon lui, c’est qu’historiquement les sociétés à forte croissance démographique ont été économiquement plus dynamiques. Ce constat est discutable pour au moins deux raisons. D’une part, contrairement à ce que laisse entendre Henripin, il ne semble pas exister de preuves « historiques » du lien entre croissance économique et croissance démographique (Bourdelais, L’âge de la vieillesse : histoire du vieillissement de la population, 1997, chapitre 9 en particulier.) D’autre part, à l’heure de la surconsommation et du réchauffement climatique, on peut se demander s’il est vraiment raisonnable de continuer à miser sur le développement économique comme moteur du développement des sociétés. Avec toutes les menaces environnementales, la décroissance des populations occidentales n’est peut-être pas une si mauvaise nouvelle finalement… Dans la même veine, les constats se rapportant au vieillissement démographique sont également discutables …