Comptes rendus

Jean Simard, Le Québec pour terrain. Itinéraire d’un missionnaire du patrimoine religieux, Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 2004, 242 p.[Record]

  • Anne-Marie Poulin

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  • Anne-Marie Poulin
    Ethnologue.

Cet ouvrage, réunissant 21 textes publiés ou inédits destinés à la radio, au film documentaire ou aux musées, illustre en fait le parcours d’un chercheur et d’un infatigable défenseur du patrimoine religieux, de 1976 jusqu’à 2002. Cette période rappelle également l’essor qu’a connu l’ethnologie québécoise à l’Université Laval – discipline vouée jusque-là presque exclusivement à l’étude de la tradition orale, de la ruralité et du passé. Avec l’arrivée d’une deuxième génération de chercheurs à laquelle est associé Jean Simard, on assiste à une véritable ouverture sur l’ensemble des manifestations culturelles au Québec. Supportée par le contexte sociopolitique de l’époque, cette (initiative) engendre le développement de nouveaux chantiers de recherche tel celui de la religion populaire dirigé par Jean Simard. Rien d’étonnant alors que son intérêt pour le patrimoine religieux constitue une part importante de l’actuelle publication. Le bilan tracé ici par cet ethnologue et historien de l’art révèle en fait les contributions de l’auteur et de ses équipes de chercheurs, de même que les orientations plutôt novatrices qu’il a su donner à ses champs d’intérêt, les divers concepts et approches qui ont guidé et continuent encore aujourd’hui d’influencer son parcours. C’est donc dans cette perspective essentiellement que l’ouvrage sera commenté. Si le titre de la publication situe au premier coup d’oeil le lecteur quant à la nature de son contenu, l’introduction, elle, donne le ton en définissant le credo du chercheur missionnaire : « […] il n’y a pas d’ethnologie scientifiquement construite sans ethnographie [activités sur le terrain] rigoureuse » (p. 2). On reconnaît d’ailleurs la même logique dans la disposition des trois premiers chapitres voués à la religion populaire, soit les enquêtes, les analyses et les propositions de solutions pour le présent et l’avenir. Quant aux chapitres 4 et 5, ils portent sur l’art populaire et sur la contribution de certains pionniers de l’ethnologie au Québec. Ainsi, les enquêtes sur la religion populaire, les objets de piété, les lieux de culte catholiques et protestants et les croix de chemin découlent-elles d’inventaires extensifs. S’inspirant des méthodes de l’ethnographie traditionnelle – tel l’inventaire systématique développé par Gérard Morisset en 1936 et celui de Jean-Marie Gauvreau en 1942 – et de celle de l’ethnographie historique mise au point par Robert-Lionel Séguin en 1967 qui confronte des sources écrites avec des données de terrain, l’ouvrage de Simard se démarque par une perspective horizontale ou relationnelle qui s’oppose à celle verticale des études antérieures à 1970, plus axées sur le diffusionnisme, l’étude des origines françaises du Québec et le caractère français des faits de culture. Aussi, ses premières analyses descriptives ou comparatives font-elles écho à l’étude des mentalités et des genres de vie (Saintyves, 1936 ; Varagnac, 1948 ; Cuisenier, 1975) qui renforce l’idée d’une tradition populaire évoluant en marge d’une tradition officielle. L’importance des inventaires, largement soutenus par l’État provincial et fédéral jusqu’au milieu des années 1980, est illustrée par la création d’archives uniques en Amérique du Nord, par le développement de nouveaux outils de travail (répertoires, typologie, etc.) et par la production de monographies thématiques. Pour ce chercheur, la conjugaison de la recherche fondamentale et de la recherche appliquée s’avère bénéfique à une analyse approfondie du patrimoine religieux, de même qu’à une conscientisation accrue du patrimoine collectif des Québécois. C’est ainsi que la deuxième phase des travaux d’analyse s’élargit et s’organise cette fois autour des notions de « territorialité », d’appartenance et d’ethnicité, des concepts intimement liés à l’identité culturelle. La « territorialité » (C. Raffestein, 1980) invite aux observations sur la présence du religieux dans l’organisation du territoire, qu’il soit concret ou abstrait – comme celui …