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Au moment où la doctrine Gérin-Lajoie, sur laquelle repose la légitimité des relations internationales du Québec, refait surface dans le discours officiel, ce livre tombe à point. André Patry est en effet celui qui a rédigé le fameux discours du ministre de l’Éducation en 1965 devant le corps consulaire de Montréal. C’est dans ce discours qu’est invoqué pour la première fois le principe de l’extension des compétences provinciales dans la négociation et la ratification des traités internationaux.

André Patry peut être considéré comme un père fondateur de l’idée d’une politique extérieure active et significative pour le Québec. Il n’est personne qui fût aussi présent et aussi tôt à l’éclosion de cette politique au moment de la Révolution tranquille et même auparavant. Dès les années quarante, alors qu’il était encore collégien, Patry s’intéressait au monde de la diplomatie et des relations internationales et ne manquait pas une occasion d’ouvrir son milieu, alors passablement fermé, à la réalité mondiale. Il lui est souvent arrivé de penser une politique québécoise et de la proposer aux divers gouvernements bien avant le moment de son adoption. André Patry est donc un précurseur et un grand artisan des relations internationales du Québec. Autant son rôle est-il considérable aussi bien dans le temps que dans l’espace, autant le personnage est relativement peu connu. En effet, ce serviteur de l’État québécois n’a jamais eu aucun penchant pour occuper l’avant-scène, préférant de beaucoup le rôle d’éminence grise à celui de responsable politique. De plus, Patry a rarement occupé une fonction dans l’appareil étatique durant plus de deux ans. Cela tient peut-être à l’intégrité de ses principes ou encore à son goût du changement. Quoi qu’il en soit, il méritait certainement qu’on le fasse connaître davantage.

Il faut donc savoir gré à Robert Aird d’avoir entrepris la tâche de recenser l’oeuvre immense de cet illustre Québécois. L’ouvrage, tout en nous révélant l’ampleur remarquable des contributions de Patry, un homme d’une vaste culture et de grandes compétences, reprend la trame des relations internationales du Québec des années soixante à nos jours. L’auteur s’est confiné à rapporter les événements, à illustrer la présence inlassable de Patry, sans se lancer dans des interprétations, explications ou analyses.

Il n’en rend pas moins compte des multiples facettes de la personnalité du personnage étudié. Il est intéressant de noter, par exemple, que ce grand nationaliste québécois, qui a accompagné le général De Gaulle dans son fameux périple de 1967, n’a pas épousé tout à fait la thèse souverainiste et s’est appliqué surtout à définir un fédéralisme canadien qui permette une large affirmation de l’autonomie du Québec, allant même jusqu’à prôner une constitution québécoise propre (voir p. 42 et ss.). Cela n’empêche pas l’auteur de citer sans commentaire ou nuance une phrase qui affirme que les « tendances souverainistes de Patry ne sont un secret pour personne » (p. 138).

L’ouvrage est certes fort intéressant, instructif et de bonne lecture. On aurait pu souhaiter ici ou là un langage plus limpide et une structuration plus claire. Par exemple, le chapitre IV, qui s’intitule « Le chef du protocole », inclut le travail de Patry pour la Commission fédérale sur le bilinguisme et le biculturalisme de même que son rôle dans la conclusion d’accords culturels entre le Québec et la France en 1965.

Une erreur d’interprétation à signaler : l’auteur identifie l’invitation exclusive (sans la présence du gouvernement fédéral) du Québec à une conférence sur l’éducation au Gabon en 1968 comme étant la seule application de la doctrine Gérin-Lajoie (p. 67-68). Il faut préciser que cette doctrine ne touche que la négociation et la conclusion de traités.

Ce livre, fort opportun, constitue une pièce indispensable dans l’histoire des relations internationales du Québec.