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PrésentationLe développement territorial : un nouveau regard sur les régions du Québec[Record]

  • Bruno Jean

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  • Bruno Jean
    Centre de recherche sur le développement territorial (CRDT),
    Chaire de recherche du Canada en développement rural,
    Université du Québec à Rimouski.

La société québécoise a toujours éprouvé des difficultés à occuper son propre espace, son territoire. L’occupation du territoire est un des plus solides fondements d’une affirmation identitaire collective. « Emparons-nous du sol si nous voulons conserver notre nationalité » était d’ailleurs la devise de la Gazette des campagnes, un journal hebdomadaire publié au XIXe siècle. L’occupation du territoire est aussi une des multiples fonctions des ruraux : la fonction géopolitique. Elle s’ajoute à leurs fonctions productive et environnementale et elle est même devenue un objectif avoué de la récente politique québécoise de la ruralité. Les mouvements migratoires ont affecté lourdement certaines régions, notamment celles dites périphériques, elles-mêmes issues d’une poussée somme toute récente de la colonisation. Dans le discours actuel, la notion de région fait souvent place à celle de territoire. Par exemple, l’Institut québécois de recherche sur la culture, en collaboration avec Télé-Québec, n’avait pas hésité à lancer une série télévisée sur les « territoires » du Québec où cette notion renvoyait à celle de région. Si les notions de territoire et de développement territorial se répandent actuellement dans le discours social comme dans le discours scientifique, c’est peut-être parce qu’elles évoquent mieux que celle de région le fait que celle-ci est une construction sociale. Un des premiers signes de cette construction qui met en action une dynamique des acteurs sociaux sur un espace, c’est le fait que, pour exister, un territoire doit être nommé. Une fois identifié, un territoire sert de puissant référent dans la formation de l’identité individuelle et sociale en se posant comme l’un des piliers structurants de ces identités, les autres étant sans doute les référents familiaux et professionnels. L’histoire nous montre que ce marquage territorial, s’il est influencé par une certaine lecture des réalités biophysiques, résulte aussi du volontarisme des collectivités humaines et de ce qu’on appelle aujourd’hui leur « projet de territoire ». Les territoires sont ainsi des entités sociospatiales en lien avec les activités humaines sur un espace et ils reflètent donc une démarche de construction politique. Mais il ne s’agit pas seulement de marquer, de construire des territoires, mais de les développer. Le développement qui a été longtemps une valeur universelle, communément admise, une finalité même de toute société moderne, est aujourd’hui remis en question. Il reste largement une sorte de boîte noire. On ne comprend pas trop comment il se produit car il semble être déterminé par des facteurs tant matériels qu’intangibles ; on ne sait pas trop si les conséquences du développement ne sont pas plus négatives que positives. Par ailleurs, la montée en puissance de la pensée environnementale, avec l’émergence d’une autre notion communément admise, le développement durable, fait en sorte que le développement n’apparaît plus comme le progrès, comme la progression de l’humanité vers de meilleures conditions de vie, l’élargissement de l’expérience démocratique et l’épanouissement des cultures. Il est maintenant décrié comme une course sans fin à la croissance économique qui menacerait sérieusement la base même des sociétés humaines sur notre planète « Terre » mieux perçue dans toute sa finitude. Le territoire est un enjeu au sens où la question régionale manifeste, au-delà de la poursuite des intérêts personnels, une quête collective de développement visant toujours un territoire donné dont l’identité et les frontières sont plus ou moins fortement établies ; cet enjeu devient aussi politique au moment où les différents territoires d’une même entité sociopolitique sont en quête d’un développement en termes de réalisation de leurs potentialités et d’un développement qui ne va pas accentuer les disparités régionales. Et le territoire est le produit du développement car ce dernier n’a de sens que …

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