Comptes rendus

Danielle Lafontaine et Bruno Jean (dirs), Territoires et fonctions. Tome 1. Des politiques aux théories : les modèles de développement régional et de gouvernance en débats, Rimouski, GRIDEQ, 2005, 408 p.Danielle Lafontaine et Bruno Jean (dirs), Territoires et fonctions. Tome 2. Des pratiques aux paradigmes : les systèmes régionaux et les dynamiques d’innovation en débats, Rimouski, GRIDEQ, 2005, 298 p.[Record]

  • Michel Boisvert

…more information

  • Michel Boisvert
    Institut d’urbanisme,
    Université de Montréal.

Ce recueil rassemble les communications présentées lors du Colloque éponyme tenu dans le cadre du Congrès de l’ACFAS en 2003 à l’Université du Québec à Rimouski. Le titre rappelle l’ouvrage connu de John Friedmann et Clyde Weaver paru en 1979 et l’objectif proposé est de vérifier en quoi le nouveau paradigme du développement territorial fondé sur les systèmes régionaux d’innovation (SRI) et sur les stratégies de développement intégrant les systèmes sociétaux de proximité se distingue de ce qui n’était alors qu’en émergence. Même si, comme à l’habitude dans de tels actes de colloque, certains textes paraissent peu pertinents alors que d’autres auraient mérité une plus grande maturation, le recueil dans son ensemble apporte une réelle contribution aux réflexions en cours, tant sur le plan théorique que stratégique, tout particulièrement pour le développement régional au Québec, au centre de la plupart des contributions. D’entrée de jeu, il faut souligner la qualité des textes de présentation préparés par les deux responsables de l’édition car deux tomes, faisant au total 700 pages et réunissant 35 textes de 49 auteurs différents, demandent un tel soutien, les textes ne contenant pas de résumés. Le tome – Les modèles de développement régional et de gouvernance en débats – débute sur une note plutôt pessimiste puisqu’on évoque une situation de crise, soulignant d’une part l’éclatement des approches théoriques et d’autre part les maigres résultats des politiques de développement régional au cours des 40 dernières années. Ainsi Benoît Lévesque propose une lecture en parallèle du modèle québécois de développement et des stratégies de développement régional et local en opposant la période 1960-1985 à la période 1985-2003. La Révolution ttranquille est à ses yeux caractérisée par une approche centralisée, hiérarchique, de type top-down alors que les années plus récentes ont vu s’établir un partenariat avec la société civile, avec des interventions issues du milieu, de type bottom-up. L’État est passé d’un rôle de « grand planificateur », d’inspiration keynésienne, à celui de partenaire avec les secteurs privé et d’économie sociale, dans une approche d’inspiration néo-schumpeterienne. Son analyse très documentée l’amène à qualifier cette dernière période de temps d’expérimentation, soutenu par les deux ordres de gouvernement. Or, l’élection du Parti libéral du Québec en 2003, suivie de gestes comme la nouvelle Loi 34 sur le ministère du Développement économique et régional et le rapport Brunet sur le capital de risque, annonce clairement, à ses yeux, une rupture avec le modèle québécois construit autour de l’intervention de l’État, du nationalisme et de la concertation, au profit d’une approche néo-libérale pourtant partout mise à mal. D’autres textes sont tout de même plus encourageants. Ainsi, après avoir évoqué la crise profonde des théories du développement dont témoigneraient les appels incantatoires à de nouveaux paradigmes fondés sur le local ou sur le développement par le bas, Oleg Stanek met en relief l’attrait exercé par le concept de district industriel proposé à l’origine par Beccatini et repris notamment par le GREMI. Pierre-A. Tremblay et Jean-Marc Fontan mettent en doute cette perspective fondée sur les systèmes productifs localisés, préférant inscrire plutôt le développement régional dans un cadre environnemental et dans un contexte mondialisé, une démarche à laquelle se rallient un grand nombre d’auteurs. André Gagné, par exemple, intègre cette vision dans son nouveau modèle de gouvernance intitulé Nouveau Management Public (NMP) : outre la mise en valeur des dynamismes locaux, qu’il veut fonder sur la collaboration volontaire et créatrice des citoyens, et l’accent porté sur la territorialité, rehaussée par la vision en réseau, il introduit l’obligation de résultats pour les grands commis de l’État. Une application de ce modèle à trois générations de réformes …