Comptes rendus

Juan-Luis Klein et Carole Tardif (dirs), Entre réseaux et systèmes. Les nouveaux espaces régionaux, Rimouski, GRIDEQ-CRTD-CRISES, 2006, 207 p.[Record]

  • Louis Guay

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  • Louis Guay
    Département de sociologie,
    Université Laval.

Issue d’un colloque organisé dans le cadre de l’ACFAS, cette publication rassemble des contributions de nature assez diverse : articles théoriques et empiriques, mises à jour de recherches déjà bien amorcées, comparaisons internationales, essais, voire réflexions personnelles. Ce qui les unit, c’est l’intérêt marqué pour les régions, leurs transformations, leur devenir. Les régions peuvent être soit urbaines ou régionales ; elles demeurent le cadre de processus sociaux complexes, soumises aux forces de la mondialisation, mais aussi à des facteurs internes et locaux puissants. Plusieurs auteurs sont géographes, d’autres, économistes, sociologues et politologues, mais tous participent à la recherche sur le sort des régions et en analysent les dynamiques et ils partagent, de manière plus ou moins affirmée, une conception constructiviste des régions : les espaces régionaux sont le produit de processus économiques, sociaux, culturels et politiques. Si l’espace impose des contraintes – comme les échanges économiques ne se font pas sans coûts de transaction, les échanges spatiaux ne se produisent pas sans friction – il n’apparaît pas très déterminant aux yeux des auteurs, même si on ne peut penser les relations sociales hors lieu et milieu. Ce qui réunit, de plus, plusieurs auteurs, c’est leur conception des systèmes régionaux « post-fordistes », élaborée dans l’introduction de Klein et Tardif. Cette idée théorique et synthétique fait référence au mode de travail et de production qui a remplacé le mode industriel classique, appelé, non sans un certain réductionnisme, « fordiste ». Elle est courante chez les géographes économistes adhérant à une approche régulationniste et marxiste, mais ne semble pas avoir beaucoup essaimé au-delà de leur frontière disciplinaire, voire de leur école. Elle n’est donc pas, dans le livre, utilisée par tous, ce qui a pour effet, j’ose présumer, d’élargir le cercle des lecteurs intéressés. La plupart des articles se penchent sur des questions économiques. Bernard Pecqueur brosse le tableau des espaces de production localisés, appelés différemment, selon le type d’activités, systèmes locaux de production, systèmes agroalimentaires localisés. Il montre comment se forment localement, socialement et économiquement, de nouveaux systèmes de production. On peut avoir du mal à voir, dans cette conception, de la nouveauté, d’autant que cette idée de production localisée est en droite ligne avec les districts industriels que Marshall avait observés au début de l’industrialisation. Les règles ont-elles changé ? Très certainement, puisque les régions sont plus directement soumises à des influences mondiales. Mais les dynamiques de base n’ont pas pour autant été modifiées : la proximité spatiale se combine avec le tissu de relations sociales et les réseaux institutionnels pour créer des conditions favorables à l’innovation et au développement. Luc-Normand Tellier poursuit son programme de recherche sur l’approche topodynamique. Sa question est de savoir quels sont les facteurs d’attraction et de répulsion qui influent sur la localisation. Le texte est hésitant à savoir si la topodynamique est un modèle, une théorie ou une approche. Dans certains cas, elle est une théorie, puisqu’elle rend compte des processus spatiaux réels, mais, dans d’autres, elle est un modèle puisqu’elle fait parfois des hypothèses peu réalistes et approximatives sur les processus réels. L’auteur est confiant en son approche et ambitieux, voire téméraire, quant à sa capacité d’expliquer des phénomènes locaux, régionaux (les mouvements vers l’Ouest en Amérique du Nord) ou globaux (les trois grands corridors de peuplement de l’humanité). Si quelqu’un dans cet ouvrage plaide pour un certain déterminisme spatial, c’est bien Tellier qui affirme que sa méthode infirme les thèses de la localisation fondées sur les économies d’échelle et les économies d’agglomération. Il ne semble pas accorder beaucoup d’importance, du moins pour l’évolution des trajectoires spatiales de longue durée, aux facteurs sociaux, …