Comptes rendus

Madeleine Landry et Robert Derome, L’art sacré en Amérique française. Le trésor de la Côte-de-Beaupré, Sillery, Paris, Septentrion, Nouveau Monde, 2005, 207 p.[Record]

  • Brigitte Caulier

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  • Brigitte Caulier
    CIEQ/Département d’histoire,
    Université Laval.

Brillamment illustré, ce livre dresse un inventaire du patrimoine artistique de quelques paroisses de la Côte-de-Beaupré, parmi les plus anciennes que compte le Québec. Directement placées sous la protection de l’évêque de Québec qui était seigneur de Beaupré, elles ont bénéficié de ses largesses et ont pu ainsi se doter d’oeuvres d’art parmi les plus remarquables de la Nouvelle-France. Par la suite, les communautés ont enrichi ce patrimoine religieux au fur et à mesure de leur développement. Les auteurs reconstituent le trésor virtuel de quatre paroisses : Saint-Joachim, L’Ange-Gardien, Château-Richer et Sainte-Anne-de-Beaupré. Virtuel, car toutes les oeuvres ne sont pas demeurées in situ, certaines ont connu la dispersion dans les musées, dans des collections privées, comme à L’Ange-Gardien, à la suite de la réforme liturgique de Vatican II. Les églises ont été agrandies, modifiées. Celles-ci font l’objet d’un premier chapitre, puis Madeleine Landry présente les décors intérieurs, les tabernacles et les tableaux qui les ornaient ou les ornent encore. Traité de façon plus thématique, ce chapitre présente les peintres les plus importants ainsi que les collections comme celle des ex-votos de Sainte-Anne et celle des abbés Desjardins. Robert Derome aborde l’orfèvrerie religieuse jusqu’au milieu du XIXe siècle et il décrit l’évolution du métier à partir de ses maîtres et passe en revue la production des plus grands noms jusqu’à l’industrialisation qui marque la disparition des artisans. Pour chaque lieu, les auteurs identifient et décrivent les différents artefacts en des notices fouillées qui regroupent les résultats des recherches qui leur ont été consacrées. En cela, ce livre de grand format pourrait également servir de guide touristique par son ordonnancement. Photographies généreuses et reconstitutions dessinées de la main de Louise Méthé guident le lecteur. Quelques encarts qui se veulent des synthèses sur la vie religieuse, les styles, les métiers d’art et la conservation ponctuent l’ouvrage. C’est dire la diversité des approches suivies par les auteurs. C’est peut-être là aussi que réside la faiblesse du livre ; un sentiment de dispersion et d’inégal traitement déroute le lecteur. Aux notices fort érudites succèdent de brèves synthèses qui reposent souvent sur une historiographie datée. On revient, par exemple, à cette idée largement débattue d’ « une valeur ethnologique nourrie par plus de 200 ans de pratiques religieuses populaires » qu’on accorde à ce trésor (p. 186). Les travaux historiques récents sur la vie religieuse, sur la paroisse ne sont pas mentionnés ; je pense en particulier à l’ouvrage d’Ollivier Hubert Sur la terre comme au Ciel qui donne une compréhension renouvelée des rites pour la période étudiée par les auteurs. On pourrait également ajouter le volume de l’Atlas historique du Québec consacré à la Paroisse. La finalité rituelle de ces édifices, de ces objets, et leur intégration symbolique apparaissent à peine. Le volume, qui veut sensibiliser à la conservation et à la préservation de ce patrimoine, offre à voir les ors des décors et des sculptures de cette Église catholique de la Contre-Réforme en s’appuyant sur une photographie impeccable où le jeu du détail emplit les pages. Mais il ne dit pas l’univers de croyances qui le supporte bien qu’il soit de plus en plus illisible pour nos contemporains.