Comptes rendus

Gérard Bélanger, L’économie du Québec, mythes et réalités, Éditions Varia, Montréal, 2007, 361 p. (Essais.)[Record]

  • Mario Polèse

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  • Mario Polèse
    INRS – Urbanisation, Culture et Société (Montréal).

J’ai toujours du plaisir à lire Gérard Bélanger, ne serait-ce que pour la façon rigoureuse, sans concession, dont il aborde un sujet. Ceux qui sont familiarisés avec ses travaux savent à quelle enseigne il loge. Gérard Bélanger est, pour ainsi parler, un économiste de droite. Le titre plus juste de l’ouvrage aurait été Le Québec d’aujourd’hui, regard d’un économiste pur. L’ouvrage constitue une bonne initiation à la pensée de Gérard Bélanger et à sa façon d’interpréter la réalité québécoise. Je le conseille particulièrement à ceux qui, en partant, sont hostiles à la pensée économique dure. Ils y trouveront, certes, des conclusions avec lesquelles ils ne sont pas d’accord, mais appuyées, souvent, sur une argumentation rigoureuse. Bref, c’est un livre qui invite à réfléchir. L’ouvrage est divisé en seize chapitres dont chacun traite d’un aspect particulier de l’économie du Québec : le Québec en Amérique du Nord ; la rivalité Québec-Montréal et Montréal-Toronto ; les exportations du Québec ; les régions ; les ressources naturelles, etc. Toutefois, les sujets traités ne s’arrêtent pas à des objets strictement économiques. On y trouve aussi des chapitres qui portent sur la langue, les processus politiques, le syndicalisme et le fédéralisme. L’une des prétentions de l’école de pensée à laquelle appartient Gérard Bélanger est, précisément, que l’analyse économique peut servir pour comprendre plusieurs phénomènes sociaux. La démarche, à chaque cas, est pédagogique, avec une surabondance de tableaux et de figures (mais pas toujours faciles à lire). Je soupçonne que l’ouvrage est en partie issu de notes de cours : Gérard Bélanger est professeur d’économie à l’Université Laval. L’idée maîtresse de l’ouvrage peut se résumer ainsi : toute action humaine peut (doit !) s’analyser à travers la lorgnette de la rentabilité. Et c’est le marché qui nous envoie les meilleurs signaux sur ce qui est rentable et ce qui ne l’est pas. Toute intervention qui fausse les signaux du marché implique, par conséquent, un coût pour la société et réduit d’autant l’efficacité de l’action sociale. Gérard Bélanger n’admet aucune exception à cet énoncé. Cela l’amène à porter des jugements parfois très sévères sur ce qu’il observe au Québec. Pour lui, manifestement, sa province n’est pas bien gérée ; c’est une société qui ne fonctionne pas à son plein potentiel. Pas besoin d’être un économiste de droite pour lui donner raison. À ce titre, j’ai particulièrement apprécié les chapitres 6 et 10 qui portent, respectivement, sur les politiques québécoises de tarification d’hydro-électricité et sur les subventions que l’État québécois verse aux entreprises par l’intermédiaire d’incitations fiscales ou autres privilèges. La démonstration, dans le premier cas, de la dilapidation d’une « rente de ressources » dont tout le Québec aurait pu profiter davantage me paraît irréfutable. Dans le deuxième cas, la démonstration de l’inutilité de certains programmes de subventions (la Cité du Multimédia à Montréal en est un bon exemple) me paraît tout aussi convaincante. Bref, Gérard Bélanger, à travers la grille d’analyse qui est la sienne, propose au lecteur, cas par cas, un outil pour évaluer la rentabilité des actions sociales. C’était sans doute son but. En cela, il a réussi. Cependant, Gérard Bélanger donne plus que le client en demande. Il devient, à la longue, prisonnier de sa grille d’analyse. Il veut l’appliquer à tout ce qui bouge au Québec. Dès que l’action analysée déroge, un tant soit peu, de l’idéal visé, elle devient condamnable (au sens économique). Tout ce qui fausse les signaux du marché provoque par conséquent une perte ; ce qui l’amène à écrire (p. 188) : « Les taxes faussent le système d’incitations qui encadre les agents économiques. Elles modifient les …