Notes critiques

De l'interculturalismeGeorges Leroux, Éthique, culture religieuse, dialogue. Arguments pour un programme, Fides, 2007, 117 p.Gérard Bouchard et Charles Taylor, Fonder l'avenir. Le temps de la conciliation, Gouvernement du Québec, 2008, 307 p.[Record]

  • Nicole Gagnon

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  • Nicole Gagnon
    Professeur retraité de sociologie,
    Université Laval.

On sait depuis Duplessis que le Québec a le meilleur système d'éducation au monde, comme en témoignent ses enfants créateurs, ses adolescents entrepreneurs et ses collégiens qui réussissent en deux ans ce que leurs grands-parents tentaient de faire en quatre. Après le récent « renouveau pédagogique », qui amorce dès le primaire la formation d'une main-d'oeuvre compétente, et nos beaux cours d'histoire au secondaire, bien branchés sur l'actualité, un autre fleuron glorieux vient de s'ajouter à l'épopée scolaire : le « choix radical et absolument inédit » du programme d'« éthique et culture religieuse », dont l'encyclique de Leroux (2007) fait la défense-et-illustration. Ce programme « vient conclure une décennie de réflexion » (p. 5) et il a fait « objet d'un consensus généreux dans tous les milieux où il a été présenté » (p. 18). Il a même été validé auprès d'une quarantaine de professionnels et d'une vingtaine d'universitaires, précisait le responsable au Ministère. Contrairement aux autres programmes d'intérêt citoyen (français, histoire), concoctés dans l'ombre par des experts douteux, celui-ci a effectivement été élaboré au grand jour et avec haute prudence, du Rapport Proulx de 1997 à la consultation de 2007, en passant par deux commissions parlementaires (1999 et 2005). Qui peut être contre ? Les parents à fortes convictions catholiques ont milité pour le maintien de l'enseignement confessionnel à l'école, avant de se replier sur la revendication de « liberté », pour permettre d'exempter leurs enfants de cet enseignement. Le ministre reste ferme : « l'école est le meilleur endroit pour enseigner la différence » et le cours sera obligatoire dans toutes les écoles, privées comme publiques. Quelques enseignants sur le terrain ont critiqué l'irréalisme des compétences visées – ce qui est d'ailleurs caractéristique de n'importe quel programme scolaire endossé par le Ministère. Et des professeurs de philosophie se sont inscrits en faux : « Un programme dénué de véritable culture religieuse », titrait Gérard Lévesque (Le Devoir, 17/01/08) sur un texte cosigné par quelques professeurs de philosophie du Cégep de Sainte-Foy, et qui se terminait par un diagnostic peut-être outré : « Ce programme est davantage une injure à l'endroit du fait religieux et une insulte aux croyants de toutes les confessions ». Car les contenus d'apprentissage se limitent aux aspects extérieurs de la pratique et seront soumis « au seul examen de la raison éthique ». Ce qui tient lieu de culture religieuse dans le programme est effectivement de l'information sur les religions et « la visée ultime » de ce programme, précise Leroux, est « l'apprentissage dialogué de la vie juste dans une société pluraliste » (p. 85). Tout comme le programme d'histoire nationale au secondaire, en somme, celui de culture religieuse tout au long de la scolarité obligatoire est une façon détournée de faire de l'éducation à la citoyenneté. Selon la logique de l'actuel « renouveau pédagogique », il est structuré par trois ’compétences‘ : réfléchir sur les questions éthiques, manifester une compréhension du phénomène religieux, pratiquer le dialogue, la troisième étant « comme la matrice des deux autres » (p. 86). Le postulat sociologique à la base de cette « solution audacieuse » à la question de la religion à l'école, c'est que la société québécoise est plurielle et pluraliste et qu'elle valorise le pluralisme (le mot étant entendu depuis le Rapport Parent en référence spécifique aux convictions religieuses). La société de Leroux ne valorise cependant pas tout type de pluriel, puisqu'il faut écarter l'objection d'une majorité « nostalgique d'un passé idéalisé », prompte à contester la tyrannie de la métropole cosmopolite « à l'endroit des régions et du vrai pays …

Appendices